Eugénie Bouchard, recrue médiatique de l’année, et autres nouvelles qui ont fait la manchette

C’est devenu un classique du temps des Fêtes: pour la dixième année, la firme d’analyse médias Influence Communication, publie son État de la nouvelle. L’occasion de revenir sur ce qui a fait la manchette tout au long de l’année. Mais aussi, dans cette version 2014, de décortiquer quelques phénomènes médiatiques, tout en en déconstruisant d’autres. Compte rendu.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

Le bilan médiatique d’Influence Communication est loin de se résumer à une suite de tableaux, même si ceux-ci sont bien présents et permettent de comprendre en un coup d’œil quels sont les grands événements de l’année qui s’achève, et les personnalités qui l’ont marquée.

On y apprend ainsi que jamais campagne électorale n’aura fait autant parler d’elle dans les médias que celle qui a ramené les libéraux au pouvoir ce printemps. Avec au moins 20% de poids média durant cinq semaines, et même près de 25% dans les jours qui ont précédé le vote du 7 avril, le scrutin provincial sort grand gagnant des sujets les plus médiatisés de l’année. Ajoutons à cela que Philippe Couillard arrive en tête des personnalités les plus médiatisées au Québec, loin devant Pauline Marois et Stephen Harper, et on se rend compte à quel point l’année 2014 aura été politique.

Politique et sportive. Mais de ce point de vue, les cartes ont été légèrement redistribuées cette année. Car si en s’adjugeant près de 75% de toute la couverture médiatique consacrée aux sports, le hockey, et surtout le Canadien de Montréal, reste le sport archi-favori des médias québécois, derrière, c’est tout l’écosystème médiatico-sportif qui connait un grand chambardement. Ainsi, le soccer et le football, l’UFC ou encore la boxe sont en perte de vitesse au Québec, alors que le vélo, la course à pied, mais surtout le tennis, vivent un véritable boum, ce dernier parvenant à prendre la deuxième place des sports les plus médiatisés cette année et même la première durant l’été, grâce aux exceptionnelles saisons d’Eugénie Bouchard et de Milos Raonic.

Un été atypique

«Avant, on se contentait de rapporter les dépêches lorsqu’un Canadien faisait un bon tournoi, mais aujourd’hui, on parle de tennis tout au long de l’année, note Nicolas Ryan, analyste chez Influence Communication. Il y a des journalistes qui suivent Eugénie Bouchard et Milos Raonic sur le circuit. On est en attente de résultats. On en parle même lorsqu’ils ne jouent pas. Et on est déçus quand ils perdent ou lorsqu’ils descendent au classement mondial.»

Un été atypique donc sur le plan sportif, mais pas seulement. Alors qu’il est coutume de dire que le Québec aime à se regarder le nombril et qu’il ne s’intéresse pas à ce qui se passe ailleurs dans le monde, entre la Saint-Jean et la Fête du travail, les nouvelles internationales prennent la deuxième place au classement des thèmes de l’été… alors même que les actualités en provenance de l’étranger ne rentrent que très rarement dans le top 15. En fait, les médias québécois ont consacré quinze fois plus de place aux nouvelles venues d’ailleurs durant l’été 2014 qu’ils ne l’avaient fait en 2013… et ce, sans qu’il n’y ait un seul Québécois impliqué dans les événements couverts.

«Deux dossiers internationaux font partie du top 5 de l’été, rapporte Jean-François Dumas, président d’Influence Communication. L’offensive israélienne sur Gaza au deuxième rang, et le vol MH17 de Malaysian Airlines abattu par un missile au dessus de l’Ukraine, au cinquième. Durant l’été, notre intérêt pour les sujets internationaux est comparable cette année à ce qui se fait en moyenne dans n’importe quel autre pays, et même chez nos voisins ontariens. Alors que d’ordinaire, nous sommes bien plus centrés sur nous-mêmes que le reste du monde.»

Confirmations et démentis

Outre ces données statistiques, le bilan 2014 décortique certaines tendances telles que l’influence de la couverture médiatique sur la montée du cynisme aujourd’hui très prégnant au sein de la population; la propension des hommes politiques à refuser de plus ou plus souvent une entrevue, de peur d’être mal pris, ce que Jean-François Dumas analyse comme un déni de démocratie; ou encore le rôle des réseaux sociaux dans l’écosystème médiatique, passant à la loupe le phénomène du Ice bucket challenge, dont les médias traditionnels n’ont pu faire autrement que de s’emparer, suite au buzz déclenché sur la toile.

Il permet également de confirmer certains ressentis, mais aussi d’en démentir. Ainsi, la couverture du référendum écossais démontre à quel point, malgré la parenthèse estivale, les médias québécois sont centrés sur eux-mêmes.

«On a préféré donner la parole aux députés du PQ qui ont fait le déplacement, aux militaires québécois basés là-bas ou aux touristes québécois qui voulaient revivre l’expérience de leurs propres référendums, explique Félix B. Thiffault, conseiller chez Influence Communication. Bref, on a très peu vu d’Écossais!»

Vraiment trop de chronique?

Autre confirmation, la couverture de la culture est bien en chute libre puisqu’en dix ans, elle a perdu 30% d’espace dans les médias québécois. Une tendance lourde donc et qui ne se dément pas cette année, malgré le phénomène Xavier Dolan, le jeune cinéaste supplantant Céline Dion au palmarès des personnalités culturelles de l’année, et son prix du jury à Cannes pour Mommy remportant quant à lui la première place du classement des nouvelles culturelles.

Une victoire qui aura fait beaucoup jaser dans les médias, notamment sous la plume des chroniqueurs. Trop, penseront certains, tant il est de bon ton de se plaindre de la place prédominante que prend le commentaire dans les médias au Québec. À tel point qu’Influence Communication a voulu en avoir le cœur net. L’édition 2014 de son bilan propose ainsi un comparatif entre les principaux quotidiens de Montréal et de Toronto. Résultat: avec moins d’un quart du contenu journalistique consacré à l’opinion à Montréal, la métropole québécoise se place loin derrière sa rivale ontarienne, les chroniqueurs s’accaparant là-bas plus du tiers de l’espace médiatique écrit.

Une étude qui réserve d’autres surprises car les médias qui font le plus de chroniques ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Ainsi à Montréal, c’est La Presse, qui avec 28% de commentaire, se classe première, quant le Globe and Mail et le National Post se disputent la tête du palmarès à Toronto.

Surpris? Les analystes d’Influence Communication semblent pour leur part l’avoir été. Et ils promettent de creuser plus profondément ce sujet dès l’an prochain.

Pour télécharger l’État de la nouvelle, bilan 2014:

Version Québec

Version Canada

Version Monde

Par souci de transparence, notez que l’auteure de ce texte a participé à l’écriture du bilan d’Influence Communication.

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