Deux fois plus de bourses cette année pour les pigistes couvrant des conflits

Pour la quatrième année, le Forum du journalisme canadien sur la violence et le traumatisme (FFF) attribue des bourses pour permettre à des journalistes à la pige œuvrant en milieu hostile de suivre une formation en sécurité de la personne en zone de conflit. Un financement qui voit cette année son assiette doubler, en réponse à la recrudescence des risques.

Par Hélène Roulot-Ganzmann (Première publication en mai 2014)

Cette décision de doubler le financement, donc le nombre de journalistes à qui les bourses seront attribuées, à été prises à la suite de la mort d’un jeune photojournaliste indépendant canadien en Syrie plus tôt cette année [début 2014, ndlr].

«La mort d’Ali Moustafa, un photographe canadien à la pige de vingt-neuf ans, à Alep, en Syrie, en mars, fut une autre horrible façon de nous rappeler que notre industrie compte de plus en plus sur des journalistes à la pige alors que les risques contre ceux-ci s’accentuent comme jamais auparavant», décrit Cliff Lonsdale, président du Forum du journalisme canadien sur la violence et le traumatisme, qui ajoute que des fonds ont donc été ajoutés cette année «car n’aider que trois ou quatre des cas les plus urgents chaque année n’est tout simplement pas suffisant».

Chaque année depuis 2011, le FFF délivre donc des bourses pouvant aller jusqu’à 2 500 dollars à des pigistes canadiens, ou des étrangers travaillant pour des médias au pays, afin de leur permettre de suivre une formation en sécurité. Ainsi l’an dernier, deux gagnants ont opté pour un cours sur le reportage en zone de conflits, d’abord destiné aux journalistes à la pige et offert en octobre au Columbia Journalism School à New York. Un troisième a assisté à une formation sur la sécurité offerte au Royaume-Uni.

De débrouillard à professionnel

Parmi eux, Valérian Mazataud, photojournaliste d’origine française basé à Montréal, qui a notamment couvert le printemps arabe en Égypte et l’exil de réfugiés syriens vers les pays avoisinants.

«J’étais un voyageur autodidacte, explique-t-il à ProjetJ. C’est sûr que lorsque j’ai eu vent de cette bourse, je me suis dit qu’elle était faite pour moi et qu’il y aurait forcement des choses à retenir de telles formations. Mon passé m’avait appris la débrouille mais je me rendais compte que ça avait parfois peut-être ses limites et J’avais envie d’organiser mes déplacements de manière vraiment professionnelle.»

Lui, a opté pour la formation new-yorkaise, après avoir longuement hésité.

«Au Royaume Uni, c’est une formation donnée par une grosse agence de sécurité, raconte-t-il. Ce sont souvent des anciens soldats qui t’emmènent soit dans une zone un peu reculée, soit dans des hangars industriels. C’est toute une mise en scène avec des acteurs qui jouent des militaires, des terroristes, des rebelles, etc. Toi, tu joues le journaliste et tu es formé par des mises en situation pratiques. Je n’ai pas choisi ça, parce que la bourse ne couvrait pas entièrement les coûts. Je suis donc plutôt allé à Columbia. J’aimais bien leur discours très adapté à la pige. Bien entendu, nous n’avons pas les mêmes moyens que les journalistes envoyés sur le terrain par leur employeur et cette formation proposait de nous apprendre à nous organiser, à planifier, à réfléchir, à prévenir les dangers lorsque l’on part par ses propres moyens.»

Appel lancé aux médias

De fait, le jeune homme avoue y avoir beaucoup appris et avoir abordé des sujets auxquels il n’avait jamais pensé.

«Sur la planification, l’organisation, par exemple, le fait de préparer un réseau à domicile au cas où il nous arrive quelque-chose, précise-t-il. Avoir une personne relais que l’on prévient régulièrement de tous nos déplacements et qui va sonner l’alerte en cas de silence trop long. Faire une grille précise d’évaluation des risques pour chaque pays où l’on va, pour se préparer en conséquence et savoir comment réagir dans le cas ou telle ou telle situation survient.»

Autre aspect abordé et trop souvent négligé, selon le photojournaliste, la sécurisation des données afin de protéger ses informations, mais surtout ses sources.

«Nous avons aidé des gens incroyablement courageux et talentueux, souvent assez jeunes, mais il en reste tant d’autres à aider», affirme Cliff Lonsdale qui en appelle également aux organisations de médias canadiens pour qu’elles fassent elles aussi en sorte de mieux protéger les pigistes qui travaillent pour eux dans les zones de conflit.

«En agissant ensemble, nous serions capables de faire une réelle différence pour ces journalistes», conclut-il.

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