Capitales Médias, en route vers le multiplateforme

Les conventions collectives à peine signées avec ses 500 employés, le Groupe Capitales Médias (GCM) regarde désormais vers l’avenir. Un avenir qui sera numérique et multiplateforme dès cet automne. Le contenu y sera accessible gratuitement et chaque titre bénéficiera de sa propre application.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Martin_CauchonMartin Cauchon, propriétaire de GCM, l’admet, lorsqu’il est arrivé à la tête des six quotidiens régionaux qui faisaient jusqu’à ce printemps partie de l’empire Gesca, il avait un véritable déficit de crédibilité.

«Dans l’entreprise, les gens trouvaient que j’arrivais là sans expérience aucune dans l’industrie des médias, raconte-t-il. De mon point vue, je n’en avais jamais été très loin, j’étais juste de l’autre côté de la clôture en fait, lorsque j’étais en politique à Ottawa. Moi, je suis originaire des régions. Je sais à quel point le journal est un élément fondamental dans les communautés. Il les anime. Je ne pouvais pas me résoudre à voir disparaître des titres qui font partie de l’histoire du Québec. La stratégie de Gesca n’était pas claire à l’époque. Il y avait des discussions autour de leur avenir. C’est dans ce contexte que je me suis lancé dans la négociation pour les acquérir.»

Le résultat, on le connait, c’est l’annonce le 18 mars dernier du rachat par le Groupe Capitales Médias, des six quotidiens, trois hebdomadaires et deux imprimeries. Rachat qui devait forcément mener rapidement à la renégociation des différentes conventions collectives. Une première étape qui s’est conclue le 4 septembre dernier par leurs signatures.

681810-alain-goupil«Il y a eu des concessions des deux côtés, indique Alain Goupil, journaliste et président du syndicat de la Tribune à Sherbrooke. De notre côté, nous sommes parvenus à ce qu’il n’y ait pas de mises à pied, seulement des départs volontaires avec dix-huit mois de salaire d’indemnité. En échange de quoi, nous avons accepté de partager nos juridictions, ce qui était très important pour la partie patronale.»

Stratégie numérique

Une soixantaine de personnes a donc quitté l’entreprise de façon volontaire, souvent des gens qui étaient proches de la retraite et que les conditions ont tentés. Très peu dans les salles de nouvelles, les journalistes ne faisant pas partie des métiers dont l’employeur souhaitait se séparer. Quant à la fin des juridictions, le patron y tenait parce qu’elle lui permettait de bâtir une seule et même entreprise ayant une seule et même vision. Et de faire des économies d’échelle.

Dans la pratique, cela signifie en effet que les annonces légales publiées dans le Quotidien de Chicoutimi pourraient très bien être prises en note par le personnel de la Voix de l’Est à Granby ou du Soleil à Québec. Cela signifie également que des pages pourraient être communes à tous les titres, lors d’événements politiques, économiques ou sportifs, comme la couverture d’un match du Canadien de Montréal, qui ne soient pas complètement ancrés sur l’un ou l’autre des territoires. Elles seront alors montées par un pupitre commun basé à Québec.

«Mais la plupart des pages seront spécifiques à l’un ou l’autre des quotidiens, rassure M. Cauchon. Ma vision reste de fournir du contenu de proximité et de qualité. Si Poutine rencontre Obama à Washington, vous allez avoir l’information sur des millions de sites. Mais si le maire Lévesque annonce quelque-chose de particulier pour Trois-Rivières, c’est dans le Nouvelliste que ça va se retrouver. Moi, mon mandat est collé sur les communautés que nous desservons.»

D’ici la fin de l’automne, le propriétaire du groupe, dévoilera donc officiellement sa stratégie numérique. À ProjetJ, il a déjà révélé qu’elle serait multiplateforme – papier, site internet, pressreader, tablette, téléphone intelligent, et médias sociaux pour rabattre les lecteurs sur les différentes plateformes – que chaque titre aurait son application propre et que tout le contenu, sauf bien entendu le journal papier, serait en accès gratuit.

Condamné à innover

«Moi j’y crois à la gratuité, confie Martin Cauchon. Contrairement à ce qu’on entend ici-et-là, je crois en la pérennité de La Presse+. Notre application tablette ne sera pas comparable, mais nous pourrons avoir le même type de publicité. Avec en plus, la tablette du Toronto Star en Ontario, les annonceurs ont maintenant une belle proposition pour passer leurs publicités numériques. S’ils annoncent sur ces trois supports, ils touchent la moitié des Canadiens. Nous sommes en train de mettre en place un véritable nouveau modèle d’affaires.»

Chez GCM, le papier est cependant là pour rester. Parce que selon son propriétaire, le marché n’est pas le même qu’à Montréal et qu’en région, les gens sont encore attachés à leur journal. S’il reconnait que les tirages ont baissé comme partout ailleurs, il croit que ceux qui sont encore là aujourd’hui, sont ceux qui vont rester et que les ventes vont se stabiliser au niveau où elles sont aujourd’hui.

«Le numérique va en revanche nous permettre de toucher d’autres lecteurs, ajoute-t-il. Si je prends l’exemple du Droit à Gatineau-Ottawa. Il intéresse beaucoup les communautés francophones ontariennes, à Sudbury notamment. Or, nous ne sommes pas livrés là-bas. Le numérique va nous permettre de les rejoindre. Et donc aussi possiblement d’aller chercher des annonceurs.»

Pour réussir son pari, le patron de GCM sait cependant qu’il est condamné à innover encore et encore. À être en perpétuelle évolution. C’est également ce qu’il demande à ses journalistes, qui auront notamment de plus en plus à manier le vidéo-reportage, qui devront apprendre à écrire pour le web et à être très réactif sur les médias sociaux. Certains testent déjà les nouvelles plateformes. Les autres recevront de la formation continue au fur et à mesure.

Une chose est sure, si des liens existeront toujours avec Gesca puisqu’une entente est conclue en termes d’échange de contenu, le décrochage identitaire est en train de se faire. Ainsi, les différents titres bénéficient déjà de leur propre site web avec leur propre personnalité.

Espoir en l’avenir

Six mois après le rachat, Le groupe assure que tous les voyants sont aujourd’hui au vert. Du côté syndical également, on avoue mieux respirer.

«Il y a un an, alors que nous étions encore sous la houlette de Gesca, on nous disait que la moitié des 544 employés allaient perdre leur job, rappelle Alain Goupil. Il reste à voir ce que notre virage numérique va donner. Mais nous sommes confiants dans un avenir proche parce qu’il va forcément falloir des ressources humaines pour le mettre en place. M. Cauchon parle de produire des contenus de qualité, ça aussi, ça prend des gens. Donc, pour l’instant, c’est sûr que nous avons de nouveau espoir en l’avenir.»

«Je leur apporte plus que de l’espoir, croit pour sa part Martin Cauchon. Je suis arrivé avec une vision et un plan d’action. Ce dont je me suis rendu compte en mettant les pieds dans l’entreprise, c’est que je suis entouré de gens qui ont des qualités exceptionnelles. En signant les conventions collectives, ils m’ont signifié qu’ils me faisaient confiance, qu’ils acceptaient ma vision et qu’ils allaient y contribuer quotidiennement. Nous avons maintenant une paix syndicale de quatre ans. Tout est beau pour que nous puissions nous développer.»

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