Le STIP demande la suspension des coupes à La Presse

Réunis en assemblée générale aujourd’hui, les membres du Syndicat des travailleurs de l’information de La Presse (STIP) demandent plutôt l’ouverture d’un dialogue afin d’en arriver à la conclusion d’une entente sur un programme de départs volontaires et sur la réorganisation du travail.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

tn-lapresseplus«L’Assemblée générale du STIP demande que La Presse suspende toutes les coupes annoncées le 24 septembre jusqu’à la conclusion d’une entente sur un programme de départs volontaires et sur la réorganisation du travail», peut-on lire sur la page Facebook du syndicat, qui précise que cette proposition a été prise «à une très forte majorité».

Les membres du STIP étaient appelés à se réunir en assemblée générale aujourd’hui afin de statuer sur le mouvement à mettre en place pour contrer les 158 pertes d’emploi annoncées par l’employeur le 24 septembre dernier et que le syndicat juge «illégale et irréaliste.» Selon lui, elles menaceraient le nouveau modèle d’affaires qu’est La Presse+.

«Le constat est unanime chez nos membres. Avec les coupes annoncées, La Presse+ deviendra inévitablement La Presse MOINS, affirme Charles Côté, journaliste et président du STIP. Les gens qui affirment cela, ce sont ceux qui, chaque jour depuis plus de deux ans, produisent La Presse+ dans la salle de rédaction. Ils sont les mieux placés pour évaluer l’impact des décisions irréalistes de la direction.»

Le syndicat rappelle que la direction met de l’avant le temps passé par les lecteurs quotidiennement sur la tablette – 40 minutes en semaine, 75 minutes les fins de semaine – pour rapatrier les annonceurs sur ce support et en faire un succès d’affaires. Son président affirme cependant qu’il sera impossible pour La Presse+ de maintenir ces taux de consultation à partir du 1er janvier, car il y aura moins de contenus, moins de photos, moins de vidéos, moins d’éléments interactifs, bref moins de tout ce qui fait le succès de La Presse+, selon lui.

Prétexte pour des coupes au numérique

Déjà dans son bulletin d’information à ses membres daté de mercredi dernier, le Syndicat des travailleurs de l’information de La Presse (STIP) estimait que la fin du papier était un prétexte pour faire des coupes dans les services dédiés au numérique.

Rappelons que depuis le lancement du plan iPad qui deviendrait La Presse+, la salle de nouvelles vit sous un régime d’exception, permettant à la direction de fonctionner avec plus de surnuméraires que la convention collective ne le permettait. En septembre 2014, vingt-deux d’entre eux avaient reçu leur permanence, en échange de quoi le STIP avait accepté de prolonger le régime d’exception jusqu’à l’échéance de la dite convention collective à la fin de cette année. Il restait alors une soixantaine de surnuméraires au sein de la rédaction, chiffre qui devait être réduit au tiers d’ici la fin 2015.

Interrogé à ce sujet par ProjetJ au printemps dernier, Éric Trottier, vice-président à l’information et éditeur adjoint de La Presse, avait répondu que selon lui, les surnuméraires encore présents n’étaient pour la plupart plus liés au lancement de la tablette et qu’ils faisaient partie du pool dont toute salle de nouvelle de cette envergure a besoin pour remplacer les congés sabbatiques, maternité, longue maladie, etc.

Il n’envisageait donc pas de vague de départs et seuls les postes exclusivement liés à la production du journal papier disparaitraient inéluctablement avec la fin de la version imprimée de La Presse.

Vingt-quatre postes ont pourtant été coupés à la production le 24 septembre dernier, alors que le STIP évalue seulement à sept, le nombre d’employés travaillant exclusivement à l’édition papier du lundi au vendredi.

22 griefs déposés

C’est dire l’onde de choc ressentie au sein de la salle de nouvelles lorsque le couperet est tombé.

Parmi les quarante-deux postes coupés à la rédaction, dix sont en effet des emplois permanents n’ayant pas de lien direct avec le montage des pages. Deux recherchistes figurent notamment dans cette liste, travailleurs de l’ombre dont «la contribution était primordiale à plusieurs reportages ou dossiers publiés dans La Presse+», peut-on lire dans le bulletin d’information du STIP.

Les travailleurs en question perdront officiellement leur emploi le 31 décembre prochain mais ils ne doivent plus se présenter dans les locaux du journal depuis ce lundi 5 octobre.

Le syndicat crie au bafouage de la convention collective et a déjà déposé vingt-deux griefs pour contester la légalité de ces congédiements. Il rappelle qu’avant de mettre à pied le personnel syndiqué, la direction doit se départir de toute collaboration extérieure ainsi que des surnuméraires.

Plus de transparence

Le STIP demande donc à la direction l’ouverture d’un vrai dialogue. Plus généralement, il en appelle à plus de transparence sur les finances de l’entreprise.

«Ces annonces ont été faites sans aucune transparence de la part de la direction de La Presse, qui refuse toujours d’ouvrir ses livres à ses supposés partenaires syndicaux», peut-on lire sur sa page Facebook.

Si Guy Crevier, président et éditeur de La Presse, justifie la fin de l’édition papier par le succès de l’application tablette, et par le fait notamment que 65% des revenus publicitaires soient aujourd’hui générés par La Presse+, des voix questionnent toujours la viabilité de ce nouveau modèle d’affaires, et pas seulement au sein du syndicat des journalistes.

Quelques jours après l’annonce de la mise à mort de l’édition papier, Jean-Hugues Roy, ex-journaliste de Radio-Canada, aujourd’hui professeur à l’Université du Québec à Montréal (Uqàm) et spécialiste du journalisme de données, a tenté de savoir si Gesca était rentable a sein de Power Corporation. Résultat: difficile de statuer car la branche médias de l’empire n’apparait pas en tant que telle dans les rapports financiers du groupe. Elle fait en effet partie des «autres filiales», seul secteur cependant à perdre de l’argent au sein de Power Corp.

La tension est donc montée d’un cran cet après-midi dans les locaux de la rue Saint-Jacques entre la direction et le syndicat. Et ce, alors même que tous sont supposés s’asseoir rapidement autour d’une même table pour renégocier la convention collective qui arrivera à échéance à la fin de l’année.

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