Lise Millette, réélue à la tête de la FPJQ

Les membres de la Fédération professionnelle des journalistes l’on reconduite à la présidence à l’issue d’un vote, qui pour la première fois, s’était tenu via internet. L’annonce, qui a été faite ce matin durant l’assemblée générale de l’association, vient clore le congrès qui avait lieu cette fin de semaine au Château Frontenac à Québec. Un congrès résolument tourné vers l’avenir.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Il soufflait un vent de jeunesse cette fin de semaine à Québec. Comme si après avoir tant attendu, la nouvelle génération de journalistes commençait vraiment à prendre sa place. Comme si le thème choisi pour ce congrès, le virage numérique, et après? avait réussi à attirer les plus jeunes au Château. Comme si tout le monde avait enfin acté que le journalisme du futur serait numérique ou ne serait pas. Avait finalement accepté d’embrasser cette réalité.

fL1fyB8dLe profil de la présidente vient appuyer cela. Certes, il s’agit d’une réélection, mais elle n’était arrivée qu’en janvier dernier à la tête de la fédération, à la faveur de la démission de Pierre Craig pour raisons de santé. C’est une femme, mais il y en a eu quelques autres avant elle. Elle est jeune. Plus jeune que les précédents titulaires du poste. Surtout, elle ne peut être facilement rangé dans l’un ou l’autre des quelques grands groupes de presse qui se partagent les médias québécois.

Oui, en tant que responsable de la section Argent à l’agence QMI, elle navigue depuis dix-huit mois au sein du navire Québecor. Mais elle ne bénéficie pas d’un poste syndiqué et est passée jusque-là par le journalisme indépendant, les radios communautaires, les magazines, les régions, sans oublier la Presse Canadienne pendant plusieurs années. Bref, si elle est plus en milieu de carrière qu’en début, sa réalité ressemble plus à celle avec laquelle les jeunes journalistes ont à dealer aujourd’hui lorsqu’ils sortent de l’école, plutôt qu’à celle qu’ont traversée leurs ainés.

Comité de l’innovation

Vent de jeunesse donc. Jusque dans la thématique des ateliers et panels qui ont eu cours durant les deux derniers jours. Coder son premier robot-reporter, montage vidéo, le choc des générations, Facebook est-il l’ami des médias?, mon média, ma business, la publicité native, etc… autant de sujets qui tenaient véritablement compte de l’évolution du métier.

Yannick Pinel, rédacteur en chef du journal Métro, est notamment venu expliquer comment avec sa rédaction composée d’une trentaine de journalistes, tous entre 25 et 35 ans, il est en train de transformer profondément son média en s’appuyant notamment sur le journalisme de données.

«Nos contenus sont plus dynamiques, notre information présentée de manière plus ludique, a-t-il indiqué. J’y parviens parce que j’ai une équipe jeune qui comprend les enjeux. Je me bats déjà contre une industrie en déclin, je ne peux pas me permettre d’avoir à me battre aussi contre mes journalistes.»

Il raconte avoir instauré une culture de l’innovation, avoir mis sur pied un comité de l’innovation au sein duquel tous ceux qui ont une idée sont invités à venir la partager, puis, si elle convainc, à la mettre en place et à en faire le suivi.

Un succès, selon lui?

«Je ne peux pas prédire si nous serons encore en vie dans cinq ans, a-t-il répondu. Mais si l’on meurt, on le fera la tête haute car on aura tout fait pour l’éviter.»

Vaincre les résistances

Se battre contre ses journalistes, c’est ce qu’a passé son temps à faire Luce Julien lorsqu’elle était directrice nouvelles multiplateformes et numériques à Radio-Canada. Un poste qu’elle a quitté au printemps.

«Le journalisme est un milieu très conservateur, estime-t-elle. Il faut constamment vaincre les résistances. Ils sont encore nombreux à voir le numérique comme un outil de promotion de leur contenu, non comme un média à part entière au sein duquel il y a encore tout à inventer.»

Le poids du nombre sans doute à Radio-Canada. Difficile d’insuffler une culture du changement dans une tour qui abrite plusieurs centaines d’artisans de l’information. Parmi le public, ça chuchote alors. Sans doute que les compressions de postes, qui ont touché les plus précaires, les plus jeunes d’entre eux, n’ont pas aidé à prendre le virage numérique à bras le corps.

«Pas sure», répond Mme Julien, qui explique qu’il y a tout aussi bien des ainés qui embarquent que des jeunes qui ne veulent rien entendre du multiplateforme.

Elle admet cependant qu’à la SRC comme ailleurs, il est évident qu’au-delà de la culture d’innovation à parvenir à insuffler, le principal problème du numérique demeure le modèle d’affaires.

Emplois vs liberté totale

[Les neuf paragraphes suivant ont été modifiés après la première publication]

Autre moment, autre panel, Jean-François Racine, journaliste et président du Syndicat du Journal de Québec, se réjouit que la convergence du type Québecor permette, elle, de payer son emploi et celui de ses collègues.

«Chez Québecor, ce qui sauve probablement des emplois, c’est en tout cas mon opinion personnelle, c’est la convergence, souligne-t-il. Mais ce qui nuit parfois à la liberté de presse, c’est aussi un peu la convergence. J’ai pleinement confiance en l’honnêteté de mes collègues. Maintenant, mes collègues et moi, on préfère avoir une job plutôt qu’être 100 % libres toujours et en tout temps», ajoute-t-il, reprochant par ailleurs à certains chercheurs de l’Université Laval de ne pas vouloir reconnaitre les impératifs de l’entreprise privée.

«Si le journalisme se pratiquait comme il s’enseigne parfois, la majorité des médias seraient en faillite, croit-il. On doit faire vendre, c’est comme ça. Au Journal de Québec, on fait partie des médias qui ont embauché. Moi, je préfère être du bord de ceux qui embauchent que de ceux qui coupent.»

Murmures dans le salon Frontenac quasi comble où se tenait ce panel sur PKP et l’indépendance journalistique.

«En revanche, poursuit-il, depuis que Pierre Karl Péladeau est entré en politique, nous n’avons jamais été aussi libres de faire le boulot et de le critiquer comme il faut. Je crois sincèrement que s’il tentait quoi que ce soit, il serait désavoué et j’ai beaucoup de collègues à La Presse qui se feraient un plaisir de le souligner.»

Lise Millette, qui n’était alors encore que présidente sortante de la FPJQ vient dire au micro qu’il n’est pas question pour elle de renier ses valeurs et son éthique parce qu’elle est entrée chez Québecor. Qu’elle n’est à la solde de personne et qu’elle n’a d’ailleurs reçu aucune pression en ce sens depuis qu’elle est là où elle est. Mais que le problème est ailleurs. Qu’il réside dans le fait qu’aux yeux du public, il y a suspicion de conflit d’intérêt et que c’est leur crédibilité à eux, artisans de l’info, qui est en jeu.

Ne pas revivre le lockout

Anne-Marie Provost, jeune journaliste au 24 heures, autre propriété de Québecor, s’avance elle aussi au micro pour dénoncer les propos de Jean-François Racine, lui reprochant d’avoir non un discours de syndicaliste mais bien de cadre.

Yves Boisvert, chroniqueur à La Presse, rappelle qu’un président de syndicat n’est pas là uniquement pour sauver des jobs mais aussi, pour garantir l’indépendance journalistique.

D’autres critiques fusent mais M. Racine reste sur la même ligne. Il répète plusieurs fois que ni lui, ni ses collègues, ne souhaitent revivre le lockout de 2007-2008, un épisode extrêmement difficile et émotif, selon lui.

D’autres ateliers, d’autres panels suivront. La plupart très animés. Beaucoup se lèvent pour prendre la parole, poser une question, apporter son témoignage pour faire avancer le débat. Les jeunes ne se laissent pas intimider. Ils n’ont peut-être pas l’expérience de leur ainés, mais ils ont en général pour eux la maitrise des technologies et une aisance avec les réseaux sociaux. Ils ne craignent pas la société participative, ils ont grandi avec.

Ce congrès de Québec aura ainsi été marqué par l’émergence d’une nouvelle génération qui investit les lieux de décisions, notamment le conseil d’administration de la FPJQ. Et par une génération montante, pleine de mordant et qui, malgré la crise et les compressions, commence à prendre sa place dans le trafic.

Si ce n’est que la question du modèle d’affaires garantissant la survie des médias reste en suspend, durant deux jours, il aurait presque soufflé un vent d’espoir sur le Château Frontenac.

Cet article vous a intéressé? Faites-un don à ProjetJ.

Durant les prochaine semaines, ProjetJ fera régulièrement des compte-rendu de certains des panels.

À voir aussi:

«Nous ne devons pas être les petits soldats de nos entreprises»

Les grands dossiers qui ont occupé la FPJQ cette année

Madeleine Poulin: «j’envie les jeunes journalistes d’aujourd’hui»

Les Autochtones, ces oubliés des médias

Les élections, un terrain de jeu exceptionnel pour les étudiants

Bernard Descôteaux: «mon successeur devra agir vite»

You may also like...