Journalisme: un sale début d’année sur le front de l’emploi

Le journalisme de presse écrite serait la pire des professions que l’on puisse exercer aujourd’hui. C’est en tout cas ce qui ressort du tout dernier classement publié par le site américain CareerCast en décembre. En cause, la précarité, principalement due à la faiblesse des salaires et à la multiplication des licenciements. Et ce ne sont pas les mauvaises nouvelles de ces dernières semaines en provenance de l’industrie canadienne qui vont le contredire. Revue de détails.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

«Bien sûr, il y a des jobs bien pires encore que chauffeur de taxi à Phoenix, peut-on lire dans le compte-rendu du classement de CareerCast. Prenez par exemple le reporter de presse écrite. Dans ce secteur, la précarité, mêlée à la faiblesse des salaires et aux licenciements tourmentent l’industrie depuis plusieurs années.»

Le site raconte ensuite l’histoire d’Erin Hayes, ancienne journaliste à Boston. Madame Hayes est sortie diplômée en 2003 avant d’entrer au Boston Herald et de tracer sa voie jusqu’à devenir chroniqueuse. Malheureusement pour elle, l’industrie dans laquelle elle navigue a commencé à décliner au moment où elle s’est lancée et ce déclin se poursuit jusqu’à aujourd’hui.

Un déclin que les dernières nouvelles en provenance des salles de nouvelles au Québec et au Canada ne démentent pas.

Pas plus tard qu’hier, Rogers Média annonçait une réduction de 4 % de la taille de son effectif, soit 200 emplois. Le groupe possède notamment 57 magazines papier.

Mauvaises nouvelles en cascade

De son côté, la fin annoncée, lundi encore, de l’impression du Guelph Mercury en Ontario, touchera 26 emplois, dont 23 à temps plein. La semaine dernière, c’était le Nanaimo Daily News, journal de la Colombie Britannique, qui avisait qu’il fermerait ses portes dès vendredi après 141 années d’activités. Une fermeture qui mettra dix salariés au chômage, dont trois journalistes et un photographe.

Si l’on remonte le fil des mauvaises nouvelles, on tombe ensuite sur l’élimination de 90 emplois chez Postmedia, résultat de la fusion de salles de nouvelles dans quatre villes au pays; puis sur Torstar, éditeur du Toronto Star, qui a annoncé en tout début d’année, la mise à pied de plus de 300 employés tant dans les équipes de production que dans la salle de nouvelles.

Alors que 2016 ne fait que débuter, le bilan est donc déjà lourd… et c’est sans compter le fait que 2015 avait déjà terminé sur le même rythme. À l’automne, Bell Média a en effet annoncé 380 coupes d’emplois à Toronto et à Montréal, notamment dans les équipes éditoriales. Et fin septembre, dans le cadre de l’abandon du format papier, le quotidien montréalais La Presse a procédé à l’élimination de 120 postes dont une quarantaine à la salle de nouvelles.

Abonnements à la hausse

La seule bonne nouvelle de ce début d’année semble devoir venir des chiffres de diffusion. Alors que les salles de nouvelles se vident, les principaux quotidiens montréalais affirment voir leur lectorat augmenter.

Guy Crevier, président et éditeur de La Presse, affirmait dans l’édition de samedi, que jamais La Presse n’avait atteint autant de gens que depuis l’abandon du papier le 1er janvier dernier.

«Lancée en 2013, elle [La Presse+] est désormais consultée, en moyenne, par plus de 243 000 tablettes uniques chaque jour en semaine, peut-on lire. En comparaison, le tirage quotidien de La Presse papier en semaine a atteint son sommet en 1971 avec 221 250 exemplaires. Par la suite, comme un grand nombre de quotidiens en Amérique du Nord, La Presse papier a connu une décroissance lente et continue de son tirage.»

Un passage au numérique qui profite semble-t-il aux autres quotidiens. Dans un article paru vendredi sur le site iciradio-canada.ca, le journaliste Alexandre Duval, affirme qu’«en mettant un terme à l’impression de son journal du lundi au vendredi, La Presse a ouvert un segment du marché à ses concurrents, dont les abonnements sont à la hausse. Le Devoir enregistre une importante augmentation de son tirage, mais des quotidiens régionaux comme Le Nouvelliste et Le Soleil sont aussi en progression.»

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