Guy Gendron, nouvel ombudsman de Radio-Canada

06d898e021775717adffe502302a6056L’ex-rédacteur en chef du Téléjournal  de 22 heures et de l’émission les Coulisses du pouvoir, journaliste depuis trente-cinq ans dont une majeure partie à Radio-Canada, est depuis mardi le nouvel ombudsman du diffuseur public. Il officiera en tandem avec Pierre Tourangeau durant tout le mois de mars, avant de voler de ses propres ailes à partir du 1er avril prochain. ProjetJ lui a posé quelques petites questions.

 Propos recueillis par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

 ProjetJ: Pourquoi avoir postulé à cette fonction d’ombudsman?

Guy Gendron: Je suis journaliste depuis trente-cinq ans. J’adore ce métier. Je me suis toujours impliqué. J’ai été président de la tribune parlementaire à Ottawa. J’assiste presque tous les ans au congrès de la FPJQ parce que la réflexion autour du métier, les questions d’éthique m’intéressent au plus haut point. Je lis les révisions de l’ombudsman depuis aussi longtemps que je puisse me souvenir. Je m’étais impliqué au Conseil de presse dans la région de Sherbrooke, où j’ai commencé comme jeune journaliste. J’ai aussi enseigné le journalisme pendant quelques années. Ce poste d’ombudsman, c’est un grand luxe. Radio-Canada est le seul média francophone au sein duquel quelqu’un est payé pour réfléchir sur la pratique du métier. Pour moi, c’était une occasion en or.

Radio-Canada étant financé par les contribuables, on se doit d’être redevables et transparents. L’ombudsman est justement un mécanisme de transparence et d’imputabilité.

Selon vous, à quoi sert l’ombudsman?

C’est un point de jonction. Une cheville entre le service de l’information de Radio-Canada et le public. C’est une instance neutre qui est ni le porte-parole du service de l’information de Radio-Canada, ni le procureur des auditeurs. Il est quelque-part entre les deux et il doit servir à mieux comprendre les préoccupations des uns et les contraintes des autres. C’est très sain dans une société démocratique qu’une institution publique ait un endroit qui reçoive les doléances sans que ce soit un processus qui coute cher, qui soit judiciarisé. Ailleurs, l’alternative, c’est de poursuivre un média. Nous avons, nous, une instance simple à utiliser et rapide. Radio-Canada étant financé par les contribuables, on se doit d’être redevables et transparents. L’ombudsman est justement un mécanisme de transparence et d’imputabilité.

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Avez-vous l’impression que ce mandat de l’ombudsman est bien compris, à la fois par le public et par les artisans?

Je crois que les gens qui travaillent à Radio-Canada, particulièrement à l’information, sont conscients du rôle de l’ombudsman car ils y sont confrontés. Ils ont des collègues qui sont touchés par des décisions à des degrés divers. Il y a une certaine familiarité. Sans doute que les gens, à l’extérieur de l’entreprise, y sont moins sensibilisés. L’ombudsman n’a pas de budget de publicité. Cela dit, il y a eu des gros progrès au fil des ans. Lorsque les gens se plaignent par courriel, par téléphone, par lettre d’un reportage ou d’un journaliste, la direction d l’information fait une réponse. Aujourd’hui, ces réponses incluent systématiquement à la fin, un paragraphe stipulant que s’ils ne sont pas satisfaits de la réponse, ils peuvent en appeler à l’ombudsman et voici comment le contacter.

Quel regard portez-vous sur l’action de votre prédécesseur Pierre Tourangeau?

Je pense qu’il a apporté un aspect qui me semble méritoire: il présente ses révisions de façon très structurée. Énoncé de la plainte, énoncé de la réponse de la direction, résumé de la demande d’appel et révision. C’est formaté pour être facilement accessible et compréhensible. Si quelque-chose marque son règne, c’est bien l’aspect pédagogique de ses révisions, qui sont agréables à lire. Vous savez, cette fonction s’appelle ombudsman ici, mais au gouvernement du Québec, ça s’appelle le Protecteur du citoyen, en France, le médiateur. Il y a de cela dans le mandat. Être l’entre-deux. Parce que tout n’est jamais noir ou blanc, ou rarement. On navigue plutôt ans dans des zones de gris. Il y a donc un aspect pédagogique à cette fonction, qui moi, m’interpelle beaucoup et j’espère m’inscrire dans les traces de Pierre Tourangeau.

Le journalisme est un métier humain, pratiqué par des humains, qui demande de l’appréciation, chacun avec sa sensibilité, ses connaissances. Les connaissances sont imparfaites et les sensibilités varient d’un individu à l’autre.

Justement, Pierre Tourangeau nous disait il y a quelques semaines qu’il considérait que Radio-Canada produisait globalement du très bon journalisme. Est-ce votre sentiment également?

Je pense oui, que Radio-Canada pratique de l’excellent journalisme. Mais je ne suis plus, aujourd’hui, dans mes nouvelles fonctions, le défenseur de la salle de nouvelles. Radio-Canada n’est pas parfait. Le journalisme est un métier humain, pratiqué par des humains, qui demande de l’appréciation, chacun avec sa sensibilité, ses connaissances. Les connaissances sont imparfaites et les sensibilités varient d’un individu à l’autre. La perception de l’un sera différente de celle d’un autre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il y a plusieurs journaux et plusieurs médias d’information. Pour que les sensibilités des uns des autres puissent s’exprimer et que le public s’y retrouve. S’il y avait une seule réponse parfaite, on aurait une seule agence de presse, un seul média, une seule télé, qui donnerait des reportages parfaits et qui feraient l’affaire de tous. On ne vit pas dans ce monde-là et heureusement.

Qu’est-ce que vous souhaiteriez que l’on retienne de vous à l’issue de votre mandat?

J’espère qu’on dira de moi que j’ai été utile dans la compréhension mutuelle, que j’aurais été juste et honnête dans mes révisions et que j’aurais contribué à une meilleure appréciation de part et d’autre. L’ombudsman applique les normes et pratiques journalistiques de Radio-Canada. Ce n’est pas lui qui les change, qui les dicte. Ceci dit, par ces révisions, qui sont alimentées par les plaintes du public, je crois qu’il peut amener la direction d l’information à évoluer dans son application des normes. Je sais que Pierre [Tourangeau] a fait part de sa préoccupation concernant l’utilisation des médias sociaux par les journalistes. Je sais que la direction de l’info est en train de réfléchir à cette question. On fonctionne avec notre temps et c’est un défi qui n’existait pas il y  dix ans. La société évolue, les normes évoluent, leur application aussi. L’ombudsman est un des éléments de cette chaine d’évolution. J’espère y contribuer positivement. Mais est-ce que j’ai un but précis? Non. On ne peut pas prévoir les routes qui prendra l’évolution.

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