Début de mobilisation chez les éditeurs de magazines

IMG_4008Alors que son Conseil d’administration, aujourd’hui présidé par Jean-François Morin, a été complètement renouvelé ces derniers mois, l’Association québécoise des éditeurs de magazines (AQEM) organisait ce matin, un premier événement destiné à relancer son action. Un déjeuner-causerie pour tenter de trouver des solutions au manque de visibilité de ce secteur des médias.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Alors que les boutiques Archambault se sont retirées de la vente de magazine à la fin de l’année dernière, alors que plusieurs magasins Renaud-Bray ont décidé de suivre le mouvement un peu plus tôt ce printemps et que la semaine dernière, Le Devoir  nous apprenait que les succursales Jean Coutu allaient réduire leur offre, les éditeurs de magazines sont inquiets quant à leur visibilité.

«Notre industrie traverse une révolution depuis une dizaine d’années maintenant, introduit Arnaud Granata, vice-président et directeur des contenus des éditions Infopresse, et animateur de la causerie de ce matin. Une révolution arrivée par l’internet, mais il s’agit aussi d’un clash générationnel, les plus jeunes ayant d’autres habitudes de lecture. Si je prends les dernières données de Vividata, on s’aperçoit que depuis 2013, en moyenne, les tirages sont en baisse, qu’il y a moins de lecteurs et moins de publicité. En revanche, la bonne nouvelle, c’est que les lecteurs passent plus de temps sur leur numéro.»

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En résumé, un lecteur qui achète un magazine le trouve en général assez intéressant pour y passer du temps. Reste à ce qu’il trouve un endroit pour l’acheter. D’où la notion d’accessibilité, qui est revenue plusieurs fois tant dans la bouche, tant des panélistes que du public.

«On ne peut pas aujourd’hui forcer un client à faire ce qu’il n’a pas envie de faire, à aller là où il n’a pas envie d’aller, estime Jean-Marc Gauthier, directeur des opérations, marketing et développement des affaires de la revue Gestion HEC Montréal. Il faut donc être présent en kiosque, mais aussi sur internet, en application pour la tablette, le téléphone, permettre le partage sur les réseaux sociaux, donner la possibilité d’acheter les articles à l’unité, etc. On doit être là où se trouve le consommateur et lui donner envie de payer pour notre produit.»

Le mois du magazine jeunesse

Jean-Marc Gauthier ayant travaillé auparavant pour plusieurs groupes de presse magazine français la comparaison avec la situation de l’autre côté de l’Atlantique a souvent été de mise, même si bien sûr, le marché est plus petit, ici.

«Surtout, les habitudes de lecture ne sont pas les mêmes, souligne Karine Desrochers, directrice marketing des titres jeunesse pour Bayard Presse Canada et les Publications BLD. En France, le magazine jeunesse fait partie des habitudes normales de consommation. Ici, il est encore peu connu. On doit encore faire ressortir la différence avec le livre jeunesse. Pourtant, beaucoup de jeunes apprennent à lire avec les magazines. Beaucoup apprennent à aimer la lecture avec eux car ils sont ludiques, qu’il y a à la fois des histoires, des personnages récurrents, mais aussi des reportages, de la bande dessinée, etc.»

La France dispose surtout d’un événement devenu incontournable, la semaine de la presse à l’école, qui chaque année amène les élèves à feuilleter des magazines, à rencontrer des journalistes et des éditeurs et à faire leurs propres reportages et émissions. Un événement qui pourrait se comparer avec le mois du magazine jeunesse, organisé par Bayard Canada chaque année au mois de mars.

«On a toute sorte d’activités dans les écoles, ou à faire avec les parents durant la semaine de relâche, présente Karine Desrochers. Il est possible de feuilleter nos magazines gratuitement en ligne. Les résultats sont là puisque nous voyons chaque année les chiffres des abonnements augmenter. Mais on pourrait faire tellement plus avec plus de moyen. Peut-être aurions-nous aussi plus de visibilité si, comme en France, cela ne venait pas d’un éditeur en particulier, mais bien de tout le secteur.»

Diversité de titres

Tout le secteur et pas seulement les éditeurs. Les distributeurs et les points de vente également. Mais pour cela, encore faudrait-il que ces derniers envisagent le bénéfice qu’ils pourraient tirer de la vente de magazine. Notamment chez les plus jeunes.

«Ils sont fidèles et ils vont continuer à acheter des magazines en grandissant, affirme M. Gauthier. Ils font aussi en sorte que leurs parents se rendent dans les points de vente. Ils risquent bien eux aussi, d’acheter quelque-chose. Vous avez la chance ici, au Québec, d’avoir de beaux points de vente, conviviaux. Il y a toute une diversité de titres. Il y a quelque-chose de très citoyen dans toute cette diversité. Il faut inciter les gens à découvrir cette pluralité. Les inviter à venir chercher ce qui vient les chercher.»

Alors que la révolution numérique touche tous les médias à travers la planète et les amène à devoir revoir profondément leur modèle d’affaires, la problématique spécifique au secteur des magazines semble souvent passer sous le radar. Concentration, disparition de titres, dépendance à la publicité, équipes de rédaction réduites, utilisation massive de journalistes à la pige, contrats qui ne respectent pas toujours les standards voulus par l’Association des journalistes indépendants (AJIQ)… autant de sujets qui pourront eux-aussi faire l’objet d’un futur déjeuner-causerie de l’AQEM.

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