Médias : quand innovation rime avec participation

La crise dans les médias couplée à l’avènement des nouvelles technologies et des réseaux sociaux oblige l’industrie à innover pour survivre. Plusieurs initiatives voient le jour ces derniers temps au Québec. Qui ont toutes un point commun, la nécessaire participation citoyenne.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Redéfinir le monde de l’information, rien de moins. Avec leur application Commentts, lancé il y a une quinzaine de jours, Jean-Sébastien Lozeau et Sammy Najar , souhaitent donner la parole aux citoyens, afin qu’eux-mêmes décident de ce qui les intéresse.

!cid_8A367761-B963-456B-BE7F-06603105341F«Je ne dis pas par là que tous les commentaires se valent, je dis que pour l’instant, l’information passe par des sources plus ou moins traditionnelles, qui décident de mettre en une telle ou telle nouvelle, explique Jean-Sébastien Lozeau. Prenons l’histoire de la dinde noire au début du mois. Tous les médias en ont parlé et reparlé. Est-ce que ça méritait vraiment de faire autant de bruit? Nous, nous préférons donner la parole aux gens pour qu’ils choisissent eux-mêmes ce qu’ils veulent faire ressortir.

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Comment? Via l’application Commentts, développé par ces deux Québécois. Aujourd’hui disponible sur iPhone et iPad, et bientôt sur Andorïd, ce nouveau média social permet de commenter l’actualité. Et uniquement l’actualité.

«Il y a déjà des médias sociaux pour commenter l’actualité, reconnait M. Lozeau. Mais chez nous, vous ne trouverez pas de vidéos de chats susceptibles de noyer une nouvelle ou un commentaire pertinent. Il y a un fil d’actualité généré par un algorithme qui va chercher les nouvelles les plus populaires. Ensuite, c’est très simple : les membres de la communauté choisissent ce sur quoi ils souhaitent s’exprimer, ils optent pour une photo en lien avec le sujet, écrivent un texte dessus, le plus original et le plus pertinent possible, et apposent un style via une couleur. En lisant tous les commentaires, ça donne à l’actualité un éclairage nouveau.»

S’insérer dans la conversation

Pas de doute donc, l’innovation dans les médias rime bel et bien avec participation. Et tant pis pour les journalistes qui jour après jour, se rendent de plus en plus compte qu’ils sont obligés aujourd’hui de partager le micro.

Car de la participation, il y en aura aussi lors du lancement d’une autre plateforme médiatique à venir, à savoir Grand public. Son but, renforcer l’action citoyenne. Au-delà de la conversation, unilatérale comme dans les médias traditionnels ou multilatérale comme sur les médias sociaux, comment faire en sorte que les choses changent?

«On n’arrive pas avec quelque-chose de clé en main, indique Xavier Kronström Richard, l’un des trois idéateurs derrière ce projet. On expérimente. On en est encore au statut de laboratoire. On essaye de découvrir ce qui fait que les gens participent. Comment on trouve l’équilibre parfait entre la quantité et la qualité de participation. Qu’est-ce qui fait que les gens demeurent actifs dans la participation, etc.»

Trois ou quatre canaux seront lancés d’ici la fin de l’année, à savoir l’infolettre, les textos et les messageries privées. L’éditorial reste encore à construire mais l’idée est de créer une conversation qui utilise les codes médiatiques, autour de thèmes qui seront prédéterminés et qui amèneront à mettre en place une action citoyenne.

«Nous allons nous intéresser à nos membres, explique le développeur. Voir qui ils sont, ce qui les anime. Et à partir de là, nous construiront l’éditorial. Le deuxième axe, c’est également d’aller chercher des bourses pour développer la technologie. On souhaite aller vers la mobile pour être dans la poche des gens et s’insérer dans la conversation de manière quotidienne. Nous souhaitons instaurer un rapport de confiance afin que de belles idées surgissent.»

Le RC Lab

Un premier test a été mis en place cet hiver… justement sur le thème de l’hiver. Une période qui selon, M. Kronström Richard, loin d’être seulement un grand problème à traverser, demeure dans notre ADN et plus encore, pourrait être mis à profit pour mettre notre imaginaire en branle.

«Nous avons plus de temps pour être créatif en hiver, affirme-t-il. Sur un tel sujet, il y a matière à écrire et à installer une conversation. On peut ensuite prendre le temps d’analyser la conversation et produire peut-être un magazine biannuel, sans support, sans papier, qui peut prendre la forme d’un site web, d’une application, d’une installation même, tout dépendamment de ce qu’on a à montrer. Et à partir de là, des actions concrètes verraient le jour.»

Et en matière d’actions concrètes, Xavier Kronström Richard n’en est pas à son premier coup. En tant qu’éditeur réseaux sociaux chez CBC/Radio-Canada, il préside les destinées du RC Lab, structure interne au diffuseur public, dont le but est d’implanter la culture numérique en son sein.

La plateforme sécurisée et anonyme pour les lanceurs d’alerte, c’est lui, entre autres.

«Nous avons un gros succès institutionnel puisque nous comptons 1300 membres dans notre communauté, commente-t-il. Il y a des conférences, des ateliers, des représentations et donc une communauté qui nous fait part de ses idées. Et depuis un an, nous avons un budget pour développer des prototypes.»

À l’automne, une nouvelle ronde d’idées sera lancée, qui sera cette fois, ouverte au grand public. Toujours et encore dans cet même esprit de participation…

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