Printemps de mobilisation pour le journalisme scientifique

Alors qu’a lieu demain, dans le cadre du 84e congrès de l’Association francophone pour le savoir (Acfas), un déjeuner-causerie destiné à trouver un nouveau souffle au journalisme scientifique, le mouvement #100LaScience s’est enrichi depuis la semaine dernière, d’une campagne de socio-financement destinée à permettre l’embauche, par l’Agence Science-Presse d’un vérificateur de faits.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Le printemps 2016 aura définitivement été celui du journalisme scientifique. Déjà depuis la mi-avril, des hommes et des femmes venus de tous les horizons expriment tout le bien qu’ils pensent de cette discipline via les réseaux sociaux et la campagne #100LaScience lancée par l’Agence Science-Presse.

CaptureMais depuis la semaine dernière, la deuxième phase bat son plein. L’objectif : amasser assez d’argent par le biais d’une campagne de socio-financement afin de permettre l’embauche par l’Agence Science-Presse, d’un vérificateur de faits susceptible de détecter les rumeurs qui pullulent sur le web et de lutter ainsi contre la désinformation.

Cet article vous intéresse? Faites-un don à ProjetJ.

«Chaque semaine, des énormités remplissent votre fil Facebook, peut-on lire sur la page web invitant le quidam à donner de l’argent pour permettre l’ouverture de poste. Et vous connaissez des gens prêts à croire à ces informations sans même les vérifier. Des ananas pour guérir le cancer, l’insecticide qui tue des fœtus, une météorite qui causera bientôt la fin du monde. Certaines de ces nouvelles sont simplement amusantes, mais d’autres peuvent avoir un impact négatif sur la santé des gens, sur des décisions politiques ou encore sur la culture scientifique de la population en général.

Même des médias sérieux tombent parfois dans le piège. Résultat, il est difficile de départager le vrai du faux, surtout quand on n’est pas soi-même outillé pour le faire.»

Source fiable?

Un poste de vérificateur de faits… mais qu’est-ce donc? Parce que le concept est nouveau et pas forcément très bien compris par toute la population, l’Agence Science-Presse a décidé de mettre en ligne un texte sous forme de questions-réponses pour que chacun puisse se faire sa propre opinion sur son utilité.

On y apprend que vérifier l’information fait partie de l’ADN des journalistes depuis que le métier existe, mais que de telles rubriques, consacrées spécifiquement à la vérification de faits, voient le jour ça et là, dans nombre de journaux du monde entier.

Pourquoi maintenant?

«L’accélération de l’information à l’heure d’internet et des réseaux sociaux a pour conséquence que le simple citoyen est submergé, répond-on. Et ces informations ne sont pas seulement plus nombreuses, elles proviennent de sources beaucoup plus diversifiées, au point où, pour beaucoup de gens, il est difficile de repérer ce qui constitue une source fiable. Plus récemment, des sites de nouvelles satiriques ou même de fausses nouvelles viennent s’ajouter au lot continu d’information auquel sont soumis tous les internautes.»

Or la majorité de ces sites se concentrent sur les faits politiques, nous explique-t-on. Le détecteur de rumeurs de l’Agence Science-Presse se consacrera, lui, exclusivement aux nouvelles scientifiques. Il sera le premier au monde à le faire, en français. Et ses analyses pourront être reprises par tous les médias clients de l’agence.

Indépendance et impartialité

Pas encore convaincu de la pertinence d’un tel poste? Et de l’utilité du journalisme scientifique à l’heure où de plus en plus de communicateurs ouvrent leur propre blogue pour commenter, qui leurs recherches, qui celles des autres? Et d’ailleurs, c’est quoi la différence entre un journaliste, un communicateur et un vulgarisateur? Très bonne question, que l’Agence Science-Presse est allée poser à la communauté des journalistes scientifiques. Les réponses tiennent en un nouveau texte publié sur son site.

Indépendance, impartialité. Ainsi, le journaliste n’est (en principe) jamais payé par ceux qui produisent l’information qu’il traite. Il est neutre, objectif, il remet en question l’information et la vérifie, il est ouvert à présenter différents points de vue sur une même question. Bref, il fait preuve de jugement critique.

Deux répondants ont également souligné que le journaliste est beaucoup moins bien payé que les autres communicateurs. Une précarité confirmée par différentes études depuis vingt ans, et qui touche par ailleurs tous les journalistes, quel que soit leur beat. Mais ça, c’est une autre histoire…

Quant à la campagne de socio-financement, elle a pour but d’amasser 5 000 dollars. Au moment de publier ce texte, 2 137 dollars avaient été promis, soit 43 % de l’objectif, et alors qu’il reste encore vingt-cinq jours pour contribuer.

À voir aussi:

Crise des médias : «l’inaction est inacceptable»

La liberté de presse, oui… mais

Médias : quand innovation rime avec participation

Imposer le journalisme indépendant comme une nécessité démocratique

You may also like...