Radio-Canada : le numérique à la rescousse de l’information locale

Les consultations se poursuivent à Ottawa alors qu’un Comité permanent du patrimoine canadien se penche sur l’avenir de l’information locale. La semaine dernière, c’était au tour du diffuseur public Radio-Canada d’être entendu à titre de témoin. Le patron de l’information en français, Michel Cormier, est notamment venu rappeler que préserver une information locale et régionale de qualité est une nécessité démocratique dans un grand pays comme de Canada.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

JenniferRadio-Canada et CBC, c’est plus de 350 collecteurs d’information dans les stations locales, qui collaborent avec 650 animateurs, reporters et rédacteurs en chef. Les programmations locales pancanadiennes totalisent 8000 minutes par jour du lundi au vendredi, sans compter le contenu additionnel diffusé tout le weekend. Ce contenu est diffusé depuis trente-trois stations, y compris des stations entièrement numériques, et dont trois dans le grand Nord. Pour y parvenir, 1150 personnes environ travaillent aujourd’hui dans les services locaux.

«C’est moins qu’avant, commente Jennifer McGuire, directrice générale et rédactrice en chef, Nouvelles à la CBC devant les membres du Comité permanent du patrimoine canadien. Nous avons dû, comme d’autres, prendre des décisions difficiles qui visaient à assurer la pérennité des services locaux. Nous avons tout réinventé et de cette réflexion, a découlé la plus importante transformation jamais opérée dans le secteur de la radiodiffusion locale. Nos services locaux sont maintenant au cœur de notre stratégie à long terme. Ils sont centraux dans toute la révolution numérique que nous mettons en place.»

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Mme McGuire se targue ainsi de pouvoir diffuser en moins de dix minutes depuis n’importe laquelle des stations à travers le Canada. Elle prend notamment l’exemple du gigantesque incendie de Fort McMurray au début du mois dans le nord de l’Alberta. Très vite selon elle, les habitants ont pu savoir ce qui se passait exactement et cela, dans les deux langues officielles.

«De l’information vitale a pu être fournie dès les premières heures des incendies et tout au long de la tragédie, indique-t-elle. Des informations sur les ressources existantes pour obtenir de l’aide et sur les façons d’aider et de contribuer aux efforts des organismes de bienfaisance. Les gens pouvaient nous contacter via notre site web. CBC était sur place pour offrir de l’aide et du réconfort, pour aider les communautés à surmonter le drame et pour leur donner les bonnes nouvelles lorsqu’il y en avait. C’est pour cela que nous sommes en ondes tous les jours.»

Plus local, plus souvent, sur plus d’écrans

MichelMichel Cormier a ensuite insisté sur l’offre numérique de Radio-Canada, outil essentiel au développement d’un lien constant avec le public, selon lui.

«Cette approche reflète les habitudes de consommation changeantes de chacun d’entre nous, affirme le directeur de l’information. Elle est au cœur du plan 2020 de Radio-Canada. Le principe de cette nouvelle relation avec les auditoires locaux est simple et il se résume par la devise suivante : plus local, plus souvent, sur plus d’écrans.»

Concrètement, poursuit-il, les services locaux ont formé des centaines de travailleurs dans tous les coins du pays sur ces nouveaux outils numériques. Quand les équipes se rendent sur le terrain, elles produisent encore pour la radio et la télévision, mais d’abord et surtout pour le numérique et la mobilité. Les journalistes font une mise à jour constante des nouvelles grâce à vingt-et-un sites web régionaux, dont sept nouveaux, deux en Ontario, deux dans l’est du Québec et trois dans les provinces atlantiques. Les journalistes assurent également une présence sur les réseaux sociaux.

«Nous constatons déjà les fruits de nos efforts, assure M. Cormier. Les visites sur nos pages web régionales ont augmenté de 21 % sur les trois premiers mois de 2016 seulement. Notre virage nous permet d’être plus réactif tout au long de la journée, quel que soit l’endroit où se déroule la nouvelle.»

Devant les parlementaires, Michel Cormier a fait jouer une vidéo relatant la couverture qui a était faite de la fermeture du nouveau pont de la rivière Nipigon, dans le nord de l’Ontario, suite à l’affaissement du tablier. C’était en janvier dernier. Un dimanche soir. La journaliste de Radio-Canada était la seule sur les lieux et elle en a fait une couverture web, avant de penser radio ou télévision, afin d’informer les communautés locales le plus rapidement possible. Rien à voir avec ce qui aurait été produit il y a quelques années, alors que le téléjournal de fin de soirée aurait nécessairement été privilégié.

Une information citoyenne

Le directeur de l’information a aussi tenu à souligner l’importance des services francophones de Radio-Canada à l’extérieur du Québec, là où les stations du diffuseurs public sont souvent la seule information en français.

«Mais peu importe où elle diffuse, Radio-Canada a une seule et même mission, rappelle-t-il, celle d’apporter au citoyen canadien toute l’information dont il a besoin pour faire des choix éclairés. Le mot citoyen est important ici. On ne parle pas d’auditoire ou de clientèle, mais bien de citoyen. C’est notre différence, en tant que diffuseur public. Un citoyen a des responsabilités, il a aussi des droits, comme celui d’avoir accès à une information qui lui permette de faire des choix démocratiques et des choix dans sa vie.»

Ainsi, conclut-il, l’information locale et régionale est primordiale dans un grand pays comme le Canada. Parce qu’elle permet, sur de grands sujets de société comme le sont actuellement l’aide médicale à mourir ou encore l’accueil des réfugiés syriens, de savoir ce qui se dit, ce qui se pense partout au pays, et non uniquement dans les grands centres urbains, où se concentrent la plupart des médias et des journalistes. Dans cette optique, M. Cormier s’est engagé à faire plus souvent sortir les chefs d’antenne et les émissions d’affaires publiques telles que La Facture et Enquête, hors de Montréal et de Québec.

La prochaine réunion du Comité permanent du patrimoine canadien aura lieu mardi. Les parlementaires écouteront les arguments des représentants de l’Association canadienne des journaux et de l’Association canadienne des télécommunications sans fil.

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