4 Canadiens sur 10 s’informent «surtout» en ligne

C’est ce que révèle le rapport sur l’information numérique publié par l’Institut Reuters hier, et dont le Centre d’études sur les médias a présenté les chiffres pour le Canada ce midi. En outre, parmi les répondants qui ne paient pas déjà pour accéder à des nouvelles en ligne, trois sur quatre rejettent l’idée de payer à l’avenir.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

38 % des internautes canadiens disent utiliser surtout les sites de nouvelles, les réseaux socionumériques ainsi que les applications pour téléphones intelligents et tablettes pour s’informer contre 59 % pour les médias traditionnels. Les plateformes numériques dominent chez les moins de 35 ans (62 %), alors que les usagers plus âgés sont la moitié moins nombreux (28 %) à les considérer comme leur principale source d’information. En outre, 75 % des Canadiens avouent consulter au moins une fois par semaine de l’information en ligne alors que seuls 36 % d’entre eux seulement ouvrent un journal.

CaptureC’est ce que révèle le rapport de l’Institut Reuters, le centre d’études sur le journalisme de l’Université britannique d’Oxford. Conduite à travers vingt-six pays, cette enquête, qui en est à sa cinquième édition, a pu être menée pour la première fois au Canada grâce à un partenariat avec le Centre d’études sur les médias (CEM) de l’Université Laval. L’échantillon international révèle quant à lui que 23 % des internautes ont un profil principalement numérique.

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Toujours à l’échelle internationale, ce qui ressort surtout de cette étude, c’est l’explosion de l’utilisation des réseaux sociaux comme principale source d’information. Ainsi, 46 % des répondants les utilisent, une donnée qui a doublé depuis 2013. Au Canada, les Facebook, Twitter et autre YouTube sont cependant moins populaires puisqu’ils ne constituent la principale source d’information pour seulement 16 % de l’ensemble des répondants et 33 % des moins de 35 ans.

Non à la publicité

Les chiffres rendus public comparent ainsi le Canada à d’autres pays, mais aussi, au sein même de la Confédération, les francophones aux anglophones.

Ainsi, la proportion d’anglophones pour lesquels l’ordinateur ou le téléphone intelligent est le principal appareil pour accéder aux nouvelles en ligne est plus élevée que celle des francophones : respectivement 57 % et 29 % chez les premiers comparativement à 51 % et 25 % chez les seconds. C’est l’inverse en ce qui concerne la tablette : 16 % chez les francophones par rapport à 10 % chez les anglophones.

Le rapport établit également que les éditeurs font aujourd’hui face à des défis sans précédent dans leurs recherches d’un nouveau modèle d’affaires et la refonte des formats qu’ils proposent, alors que partout dans le monde, le public se dirige vers les médias sociaux pour s’informer, qu’ils utilisent de plus en plus les supports mobiles, qu’ils sont très nombreux à rejeter la publicité en ligne – 22 % des répondants canadiens utilisent un logiciel permettant de la bloquer, et même 34 % chez les moins de 35 ans – et une infime minorité à accepter de payer pour s’informer en ligne.

Au Canada, en effet, seuls 9 % des internautes paient pour obtenir des nouvelles numériques et ceux-là dépensent en moyenne 23 dollars par an. Et parmi les 91 % de répondants qui ne paient pas, seuls un quart d’entre eux accepteraient de contribuer dans le futur.

Capture2Et cela, alors même que les Canadiens démontrent de forts niveaux de confiance envers l’information (55 %), les entreprises de presse (52 %) et les journalistes (47 %). Ils sont également environ quatre sur dix à estimer que les lignes éditoriales des médias ne sont pas influencées par des pressions politiques ou économiques.

Un sentiment qui n’est pas partagé par l’ensemble des vingt-six pays interrogés. Seul un Grec sur cinq en effet dit avoir, la plupart du temps, confiance en l’information qu’il reçoit.

Initiatives d’ici

Si l’internet mobile et les réseaux sociaux sont de plus en plus populaires au sein de la population canadienne désireuse de s’informer, il n’en reste pas moins, qu’ici, ce sont les médias traditionnels, notamment la télévision, qui dominent donc encore.

Ce qui ne signifie pas que les défis ne soient pas déjà présents, écrit Colette Brin, directrice du CEM. Les médias canadiens doivent déjà faire face aux changements dans les habitudes de consommation du public et au déclin de leurs revenus publicitaires, surtout du côté de la presse écrite. Revenus publicitaires qu’ils ne parviennent pas à attirer sur leurs plateformes numériques alors que ceux-ci s’en vont principalement vers les réseaux sociaux, les moteurs de recherche et les pure players.

Plusieurs initiatives ont vu le jour ces dernières années pour tenter de remédier à cette saignée. La plus emblématique, souligne Mme Brin, semble être la plateforme La Presse+ sur tablette, qui a mené en janvier dernier à l’arrêt de la publication du journal papier en semaine. Un modèle qui n’a cependant pas réussi pour l’instant à se décliner ailleurs, le Toronto Star ayant mis fin à l’expérience après quelques mois seulement d’exploitation.

Le groupe Québecor a quant à lui renoncé à la fin de l’année dernière au mur payant qu’il avait dressé sur les sites du Journal de Montréal et du Journal de Québec. Comme d’autres médias canadiens, ces journaux ont alors rejoint le système Instant Article proposé par Facebook.

Ici comme ailleurs, les différents acteurs de l’industrie des médias cherchent la meilleure façon de répondre à la crise engendrée par la révolution numérique. Si les supports traditionnels demeurent essentiels dans le paysage médiatique canadien d’aujourd’hui, tous les chiffres démontrent que les moins de 35 ans présentent des profils numériques plus marqués que leurs ainés. Les prochaines données de cette étude désormais annuelle, en diront plus sur la vitesse à laquelle les Canadiens décideront d’abandonner le papier et les ondes.

Pour télécharger le rapport complet (en anglais), c’est ici.

Pour télécharger les données premières canadiennes, c’est ici.


L’enquête canadienne a été menée en ligne par YouGov en février et mars 2016 auprès d’un panel de 2 011 internautes consommateurs de nouvelles. Les données ont été pondérées afin de représenter les populations analysées.

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