Alexandre Taillefer acquiert l’Actualité… et autres nouvelles qui ont marqué 2016

C’est officiel depuis ce matin, l’homme d’affaires Alexandre Taillefer acquiert donc le magazine l’Actualité mis en vente par le groupe torontois Rogers depuis le mois de septembre. Voilà qui conclut une année chaotique pour l’industrie des médias. Retour sur cinq événements qui l’ont marquée.

 Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

 1. Alexandre Taillefer, nouveau propriétaire de l’Actualité

On attendait une décision avant Noël, la nouvelle est donc tombée ce matin. C’est belle et bien l’entreprise d’Alexandre Taillefer, qui acquiert le magazine l’Actualité. Dans un communiqué publié ce matin par Mishmash Média, collectif expérientiel créé par M. Taillefer et dont la mission est de faire rayonner la culture québécoise de talent, le nouveau patron assure que le magazine, pilier du paysage médiatique québécois depuis plus de 40 ans, poursuivra sa mission d’information, d’analyse et de réflexion.

«Mishmash reconnaît le rôle fondamental que joue l’Actualité comme véhicule de réflexion, d’analyse et de critique des enjeux d’affaires publiques, et continuera de bâtir sur les solides fondations érigées par l’équipe éditoriale du magazine au cours des dernières décennies, peut-on lire.

Déjà propriétaire de Voir, le collectif ne cache pas viser à court terme une mise en commun de certaines fonctions des deux publications. Les deux marques maintiendront cependant une direction éditoriale et des équipes de rédaction autonomes afin de bien répondre aux attentes des clientèles cibles différentes, mais complémentaires, des deux magazines. Des discussions avec d’autres entreprises du secteur des médias et du divertissement sont également en cours, de nouveaux membres devraient donc y faire leur entrée au cours des prochains mois.

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Voilà qui met en tout cas fin à trois mois d’incertitudes pour les journalistes du magazine, depuis qu’en septembre, le groupe Rogers avait annoncé vouloir se départir de tous ses magazines francophones. Nous savions par ailleurs déjà depuis quelques semaines que TC Média avait racheté l’ensemble des publications financières, dont le magazine Conseiller, que Loulou disparaitrait purement et simplement et que finalement, Rogers garderait Châtelaine tout en réduisant le nombre de numéros à six par an.

«Nous saluons l’arrivée aujourd’hui de Mishmash Média comme nouveau propriétaire et nous sommes convaincus que cette entreprise saura préserver l’importance du magazine pour le public de langue française, tout en lui insufflant une nouvelle énergie pour faire face aux défis d’aujourd’hui», a déclaré Carole Beaulieu, rédactrice en chef de l’Actualité depuis 18 ans, qui agira comme conseillère stratégique pour Mishmash Média.

Reste à savoir qui d’autre fera partie de la nouvelle aventure. Au début du mois, les salariés ont reçu une lettre leur stipulant leur date de fin de contrat oscillant entre le 31 décembre et la fin du mois de janvier. Laissant ainsi au nouveau propriétaire l’opportunité de choisir qui il décide de reprendre dans ses rangs.

2. L’affaire Lagacé

Du nom de Patrick Lagacé, journaliste et chroniqueur vedette à La Presse, celui par qui le scandale est arrivé. Le mois dernier, on apprenait donc que ce dernier avait été mis sur écoute et géolocalisé six mois durant par le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) afin de retracer celui qui au sein du service de police lui donnait des informations.

Le SPVM a par la suite confirmé avoir espionné Patrick Lagacé donc, mais aussi Félix Séguin de TVA Nouvelles, Monic Néron de Cogeco et le journaliste indépendant Fabrice de Pierrebourg. Du côté de la Sécurité du Québec (SQ), on assume avoir a mis sous surveillance les téléphones cellulaires de Marie-Maude Denis, Alain Gravel et Isabelle Richer de Radio-Canada, du chef du bureau de La Presse à l’Assemblée nationale, Denis Lessard, du reporter spécialiste du crime organisé André Cédilot et d’Éric Thibault du Journal de Montréal.

Assez pour que le gouvernement du Québec ne mette en place une commission d’enquête qui ouvrira en 2017, publiera ses conclusion au printemps 2018 et sera présidée par le juge Jacques Chamberland. Depuis, la Fédération professionnelle des journalistes (FPJQ) a mis en place une table de concertation sur la protection des sources journalistiques afin que tous les artisans puissent parler d’une seule et même voix lors de cette commission.

Mais si sa tenue est une bonne nouvelle pour le milieu, il n’en reste pas moins que le chemin risque bien d’être semé d’embuches. Dans sa chronique de lundi, Patrick Lagacé nous donne à tous rendez-vous le 4 janvier, date de levée d’un interdit de publication qui lui permettra de dévoiler sur quelle base le juge a donné l’autorisation aux policier de l’espionner. Base qui n’a pas l’air de lui paraitre très pertinente, c’est un euphémisme. Alors que pendant ce temps-là, la conseillère municipale Anie Samson, à qui avait été remis le mandat d’entendre les policiers sur cette affaire, a remis un rapport dans lequel elle dit avoir été satisfaite des explications du SPVM, notamment sur les démarches légales à remplir avant d’obtenir un mandat.

3. Le portable de Michaël Nguyen saisi par la justice

Deux mois plus tôt, c’était le journaliste affecté au Palais de justice par le Journal de Montréal, Michaël Nguyen qui se faisait saisir son ordinateur par la Sécurité du Québec (SQ). Son crime? Avoir mis la main sur des documents ultra-secrets susceptibles de mettre la nation en danger? Que nenni! L’article ayant mené à cette saisie d’ordinateur date du 3 juin dernier et son auteur révélait alors qu’une juge, en l’occurrence Suzanne Vadboncoeur,  faisait face à une plainte, pour avoir traité des constables spéciaux de «cons», «d’épais» et «d’imbéciles», après un souper de Noël de la magistrature.

Des informations que le journaliste avait trouvées en faisant une simple recherche avec le moteur de recherche Google. Ce que la Couronne ne conteste pas tout en arguant que les documents entourant les enquêtes déontologiques sur des juges sont confidentiels et que M. Nguyen devait le savoir.

«Si la porte n’est pas barrée, est-ce que ça autorise quelqu’un à entrer et à commettre un vol?», a questionné l’avocate du DPCP Me Mélanie Dufour.

Le Journal de Montréal tente depuis cet automne de faire casser le mandat de perquisition qui a autorisé la police à saisir le portable le 21 septembre dernier. La cause est actuellement en délibérée.

4. Le journalisme scientifique se mobilise

Après une année à hauts risques en 2015, Les Débrouillards et l’Agence Science Presse ayant craint de devoir mettre la clé sous la porte faute de financement, le milieu du journalisme scientifique a décidé de prendre les choses en main en 2016 en se rendant à la fois plus visible et plus utile.

Première phase au printemps avec la campagne #100lascience consistant à publier deux  fois par jour pendant cinquante jours les messages de personnalités scientifiques ou non clamant leur attachement à la science. Leur point commun : avoir la certitude que le monde serait moins compréhensible s’il n’y avait pas de journalistes scientifiques.

Un mouvement largement relayé sur les médias sociaux et qui s’est accompagné d’une campagne de sociofinancement dans le but d’embaucher un détecteur de rumeurs chargé de mettre à mal la désinformation scientifique florissante sur internet.

Ce sera chose faite à partir de janvier. Et grâce à l’apport de financements institutionnels, ce détecteur sera même en poste à temps plein et pourra vérifier trois nouvelles par semaine environ. Pour en finir avec le cancer que l’on traite avec des ananas et les canneberges qui préviennent les infections urinaires…

5. Richard Martineau attaque Ricochet pour 350 000 dollars

Le chroniqueur vedette n’a pas apprécié que le média en ligne, chantre du progressisme, publie en février dernier un texte satyrique de Marc-André Cyr illustré par le caricaturiste Alexandre Fatta, texte qui prenait la forme d’une notice nécrologique.

En novembre dernier, il a donc décidé d’attaquer Ricochet en justice et de demander 350 000 dollars de dommages et intérêts, ce qui signerait probablement son arrêt de mort.

En réponse à cela, Ricochet a lancé une campagne de sociofinancement, cherchant à amasser 50 000 dollars pour couvrir ses frais d’avocat. À ce jour, 93 % de la somme a déjà été amassée.

Dans la poursuite déposée le 11 novembre en Cour supérieure, les avocats de M. Martineau font valoir que MM. Cyr et Fatta ont «dépassé les limites de la liberté d’expression et du simple débat d’idées» en «glorifiant la mort» de M. Martineau.

À l’annonce de cette poursuite, les médias sociaux se sont enflammés, nombre d’internautes rappelant la velléité avec laquelle Richard Martineau s’était fait le défenseur du mouvement «Je suis Charlie» en janvier 2015 et ironisant sur sa défense de la liberté d’expression à deux vitesses.

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