Facebook souhaite collaborer avec les médias canadiens

Facebook était de retour la semaine dernière devant le Comité permanent du patrimoine canadien, qui planche actuellement sur l’avenir des médias locaux, afin d’y présenter les initiatives mises en place ces derniers mois pour lutter contre les fausses nouvelles.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

«Comme Mark Zuckerberg, fondateur et directeur général de Facebook l’a écrit, a commencé Kevin Chan, directeur des politiques publiques chez Facebook Canada, le droit de parole accordé à chacun augmente la diversité des opinions, mais on peut faire plus pour diminuer la polarisation, le sensationnalisme et la désinformation.»

Déjà entendu par le Comité au mois de novembre dernier, le géant du web a été réinvité à la suite des différentes initiatives annoncées pour lutter contre les fausses nouvelles, depuis l’entrée à la Maison Blanche de Donald Trump et de ses «faits alternatifs».

«Facebook croit fermement qu’il faut donner la parole à chacun et que nous ne pouvons pas nous-mêmes nous ériger en arbitres de la vérité, indique-t-il. Nous analysons donc le problème avec soin, nous expérimentons et nous tirons des leçons. Nous répéterons les expériences et nous en élargirons graduellement la portée. Dans l’immédiat, nous avons concentré nos efforts sur le pire du pire, les canulars évidents, propagés par des faussaires dans leur propre intérêt, et sur la mobilisation simultanée d’organisations de notre secteur et d’autres secteurs.»

Cet article vous intéresse? Faites un don à ProjetJ.

Depuis près d’un an maintenant au Canada, il est possible de signaler un canular, mais c’est devenu plus facile depuis quelques semaines. Un clic dans l’angle supérieur droit du message, on signale, et on explique que l’on suppute qu’il s’agisse d’une fausse nouvelle.

«Nous avons mis sur pied un programme pour collaborer avec les tierces organisations qui vérifient les faits et qui sont signataires du code de principes de Poynter, le réseau international de vérification des faits, qui comprend notamment ABC News, le Washington Post et Snopes.com, aux États-Unis, explique M. Chan. Nous soumettons les reportages signalés à l’analyse. Si le reportage se révèle faux, il est marqué comme contesté, il portera un avertissement bien visible de son caractère contesté et il ne pourra pas trouver place dans une publicité, ni faire l’objet d’une promotion.»

Facebook s’engage également à préciser dans sa politique publicitaire que les sites de fausses nouvelles ne peuvent en aucun cas recevoir de la publicité de Facebook. Et les sites des éditeurs seront analysés pour découvrir les cas où il pourrait être nécessaire d’appliquer la politique.

Interrogé par Julie Dabrusin, députée libérale de Toronto-Danforth à la Chambre des communes, Kevin Chan n’a pu cependant fournir de données concernant les signalements au Canada depuis un an.

«Vous comprendrez que nous devons être prudents dans notre façon de classer les fausses nouvelles, note-t-il. Nous ciblons les pires cas, et il faut faire attention à ne pas englober la satire ou le contenu d’opinion, par exemple. Nous devons être très prudents dans notre approche. Ce que je peux vous dire, c’est que nous nous appuyons sur les rapports de signalement pour déterminer si nous devons prioriser ou non une information sur le fil d’actualité. Par exemple, si beaucoup de gens signalent un article en particulier, c’est un facteur qui pourrait entrer en ligne de compte dans notre décision de déclasser le contenu dans le fil d’actualité.»

Tables rondes avec les médias

M. Chan a également profité de son passage devant le Comité pour revenir sur la manière dont Facebook souhaite collaborer avec les éditeurs de journaux et autres agences de presse dans les prochains mois.

«Nous reconnaissons le besoin de collaborer encore plus étroitement avec l’industrie de l’information, explique-t-il. Nous tenons à assurer à l’écosystème des nouvelles et au journalisme les conditions au sein desquelles ils pourront prospérer.»

Le mois dernier, le projet de journalisme Facebook a été lancé au Canada, en collaboration avec certains éditeurs de nouvelles partout au pays. L’objectif, créer de nouveaux produits susceptibles d’aider les journalistes, dans la droite ligne des Facebook Live, Facebook 360 et autre Instant Articles, mais cette fois en partenariat avec les éditeurs dès le départ afin d’être au plus près de leurs besoins.

«Nous voulons aussi examiner des façons de mieux appuyer et mieux renforcer les nouvelles locales sur Facebook et les nouveaux modèles d’entreprise à l’ère d’internet, ajoute Kevin Chan. Plus important encore, nous tenons à organiser des réunions régulières avec les médias et les partenaires éditeurs pour les écouter et apprendre de leurs façons de faire. Des tables rondes «d’écoute» seront d’ailleurs organisées dès ce printemps.»

Éducation aux médias

Mais la collaboration que Facebook souhaite avoir avec les médias ne s’arrête pas là. La firme dirigée par Mar Zuckerberg souhaite également formé les journalistes à l’utilisation de ses outils. En plus de la formation en salle de rédaction déjà offerte, des cours d’apprentissage en ligne sont proposés aux journalistes sur les différents produits, outils et services.

«Nous venons aussi d’acquérir CrowdTangle, un outil populaire chez les journalistes pour récupérer des reportages, mesurer leur retentissement social et identifier les personnes d’influence sur les différentes plateformes de médias sociaux, explique le directeur des politiques publiques. Et le mois dernier, nous avons annoncé la gratuité de CrowdTangle pour tous nos partenaires des médias.»

Kevin Chan propose également de collaborer avec les journalistes afin d’éduquer la population aux médias, et ce afin qu’elle fasse des choix éclairés sur les nouvelles qu’elle lit et pour qu’elle ait des discussions intelligentes sur ce qui l’intéresse.

«Nous pourrons aussi, sur certains points, collaborer avec des éducateurs et des chercheurs, précise-t-il. Au départ, notre premier souci sera de promouvoir la compréhension de l’actualité afin que chacun soit capable de savoir à quelle source se fier. Nous aiderons les organisations qui abattent déjà un travail important dans ce domaine et nous réunirons un consortium d’experts pour nous aider à déterminer les travaux de recherche à exécuter et les projets à financer.»

Si Kevin Chan est resté très évasif sur les premiers résultats obtenus, notamment en matière de chasse aux fausses informations, il est donc arrivé à Ottawa avec toute une panoplie d’initiatives dans sa besace, et à affirmer à plusieurs reprises sa volonté de collaborer avec les professionnels de l’information, ici au pays, notamment dans le domaine de la désinformation et de la chasse aux fausses nouvelles.

«Nous tentons actuellement de déterminer si les organismes qui se concentrent traditionnellement sur ces types d’enjeux seraient prêts à établir des partenariats et à collaborer, conclut-il. Nous ne croyons absolument pas que nous sommes équipés pour assumer ce rôle, et nous n’affirmons certainement pas avoir l’expertise nécessaire dans ce domaine.»

Gageons cependant que les médias qui accepteront de discuter avec M. Chan auront un autre sujet à mettre sur la table, celui de la redistribution des recettes publicitaires, de plus en plus siphonnées par les géants que sont Facebook et autre Google. Mais de cela, il n’a pas été question lors de cette présentation.

À voir aussi:

«Si on ne protège pas les sources, c’est le public qui est dans le noir»

Journalistes politiques, tous des sprinters?

Les journalistes alimentent-ils le cynisme?

À quoi sert le journalisme politique?

Couverture de l’attentat de Québec: trop de précipitation?

Fusillade à Québec : que les médias fassent leur examen de conscience

You may also like...