36 millions de dollars pour la presse écrite

Comme la rumeur le laissait présager ces derniers jours, le budget 2017 du Québec prévoit une aide à la presse écrite pour maintenir une diversité éditoriale en région et accompagner le secteur dans son virage numérique.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

24 millions de dollars sur cinq ans – 4 millions cette année et 5 millions par an par la suite – seront ainsi alloués à la transformation numérique de la presse d’information, et ce, afin que les Québécois continuent à recevoir une  information diversifiée et de qualité à la grandeur de la province.

Le gouvernement reconnait que le marché des médias écrits est en pleine mutation, que l’information migre de plus en plus vers des supports numériques et qu’il en résulte des baisses importantes de revenus pour les entreprises du secteur de la presse d’information écrite.

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« Le marché de la presse d’information écrite est fragilisé par une importante diminution des revenus publicitaires et d’abonnement depuis quelques années, en raison des bouleversements provoqués par la venue des nouvelles technologies numériques dans le secteur de l’information, peut-on lire dans le cadre financier détaillé présenté cet après-midi. Les entreprises de la presse d’information écrite doivent donc s’adapter à ce nouvel environnement technologique en maximisant les revenus tirés des plateformes numériques et en favorisant le développement et l’utilisation de produits innovants pour une meilleure diffusion de l’information. »

Le texte n’indique pas comment ces sommes seront distribuées – les détails seront annoncés ultérieurement par le ministre de la Culture et des Communications, Luc Fortin – mais il prévoit la mise en place d’un programme d’aide pour renforcer l’information locale et régionale diffusée par les médias communautaires, et un autre pour soutenir et encourager les entreprises de la presse d’information écrite à revoir leur modèle d’affaires et à miser sur le numérique.

Il s’agira donc d’une part de stimuler la production et la diffusion de l’information locale et régionale et de favoriser la diversité des sources d’information et la pluralité des médias; et d’autre part de soutenir l’adaptation des pratiques d’affaires afin d’augmenter la capacité de mise en marché des producteurs de contenus d’information québécois tout en favorisant l’acquisition de technologies numériques et la mise en place de nouvelles approches journalistiques.

RecycleMédias

12 millions de dollars supplémentaires seront versés à RecycleMédias pour la collecte sélective. Rappelons que depuis 2005, les médias imprimés paient une taxe aux municipalités, via l’organisme RecycleMédias – qui représente notamment Gesca, Québecor Média, TC Médias, The Gazette, Le Devoir, Corporation Sun Media, l’Association des journaux régionaux du Québec, Groupe Voir, l’Association des médias écrits communautaires du Québec et plusieurs autres journaux indépendants – afin d’assurer la récupération et la valorisation des matières résiduelles que constitue le papier.

Les propriétaires et distributeurs de médias écrits ont vu ces coûts augmenter notablement – 1 000 % en 10 ans – et en demandent régulièrement l’abrogation pure et simple.

Dans son budget, le gouvernement répond qu’il souhaite préserver le système actuel de compensation aux municipalités pour le service de collecte sélective, car il le considère comme équitable. Il annonce néanmoins le versement d’une subvention temporaire à RecycleMédias de 12 millions de dollars donc, toujours sur cinq ans.

«Ces mesures permettront d’appuyer le secteur de la presse d’information écrite, qui occupe une place importante dans l’économie québécoise et joue un rôle rassembleur dans la vie des citoyens», croit le gouvernement.

Réactions

Ces annonces sont un premier pas dans la bonne direction, estime la Coalition pour la pérennité de la presse d’information au Québec, dont fait partie le Groupe Capitales Médias, Le Devoir, Hebdos Québec et TC Transcontinental.

En entrevue au journal Le Soleil, le directeur du Devoir Brian Myles a indiqué que ce coup de pouce démontre que l’on peut soutenir l’industrie, sans compromettre l’indépendance et la distance que les médias doivent avoir pour couvrir le gouvernement. Sauf que selon lui, le montant est «nettement insuffisant pour créer l’électrochoc qu’on espère».

Rappelons que la Coalition demandait des crédits d’impôt remboursables pour embaucher des journalistes, l’abrogation du programme RecycleMédias et l’abolition de la TPS et de la TVQ sur les journaux vendus. Avec les annonces de cet après-midi, on est donc loin du compte.

«Le gouvernement aura un examen de conscience à faire également, affirme pour sa part Claude Gagnon, président du Groupe Capitales Médias, lui aussi en entrevue au Soleil. Lorsqu’il fait des placements publicitaires sur le web, l’argent des contribuables est envoyé directement à des entreprises étrangères, au lieu d’être investi dans des médias québécois.»

Un discours partagé par plusieurs journalistes qui ont commenté l’annonce sur leurs médias sociaux. Ils indiquent notamment que la vraie solution passerait tout d’abord par le retour des revenus publicitaires aspirés aujourd’hui par les Google, Facebook  et autres géants internationaux du web. Mais que pour avoir ne serait-ce qu’une petite chance d’y parvenir, ce serait à Ottawa d’agir.

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