Leur journal, ils y tiennent!

Et ils le disent. Depuis quelques semaines, la campagne Mon journal, j’y tiens a investi  les médias sociaux. Le but? Soutenir une industrie au bord du précipice.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

En cause, le projet de Loi 122 qui prévoit que les municipalités ne seront plus tenues de publier leurs avis publics dans les journaux locaux. Le collectif à l’origine de la campagne parle d’une grave atteinte à la transparence de l’information provenant des municipalités.

«Le droit d’accès du public à l’information municipale serait donc directement brimé puisque l’accessibilité des avis publics s’en trouverait réduite et les citoyens devront faire un effort constant pour aller à la recherche de ces informations pour lesquelles cet accès doit pourtant être facilité, peut-on lire sur le site web de la campagne. Concrètement, c’est renverser le fardeau sur le citoyen qui devra désormais rechercher l’information sur des projets et décisions qui affecteront SA vie dans SA ville. C’est malheureusement ouvrir la porte vers de probables cachotteries bureaucratiques et les règlements passés en douce.»

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Outre le renversement du fardeau, ce sont les finances de ces journaux locaux qui seraient une nouvelle fois touchées, la publication de ces avis publics représentant une grande source de revenu pour eux. Et ce, alors même que le contexte est loin d’être favorable.

Le collectif accuse ainsi les différents paliers de gouvernements de ne rien faire pour venir en aide au secteur des journaux locaux. Il souligne que les revenus publicitaires en provenance d’Ottawa sont passés de 20 millions de dollars à 357 000 dollars entre 2004 et 2014, alors que la même année, le gouvernement du Canada a investi 4,7 M$ en publicité sur Facebook et Google.

«En bref, votre gouvernement prend votre argent et l’envoi directement aux Américains, accuse-t-on. Qu’arrivera-t-il lorsque Facebook et Google changeront leurs algorithmes? Déjà que ce sont eux qui décident ce que vous voyez ou pas sur votre Facebook. Serons-nous à leur merci? Est-ce vraiment ce que nous voulons? Que ces deux géants américains décident et contrôlent l’information à laquelle nous avons accès et qui est nécessaire à notre démocratie.»

Rempart indispensable à la démocratie

 Québec n’est pas non plus ménagé. Alors que les productions diffusées sur la plupart des médias – grandes chaînes de télévisions, radios, télévision communautaire – bénéficient de subvention ou de crédits d’impôt, les journaux, et notamment les journaux locaux, ne reçoivent rien. Pire, ils doivent même participer au financement des coûts nets des services de collecte sélective municipale.

«Ainsi, depuis une décennie, les journaux ont vu leur contribution au coût de recyclage du papier dans la province augmenter de 1075 %, rappelle-t-on. Dans les faits, certains journaux doivent, en plus de leurs taxes et impôts, payer jusqu’à 100 000 $ en frais de recyclage. Montant qui est alors retourné aux municipalités.»

L’industrie tire donc la sonnette d’alarme. Et pour parvenir à se faire entendre auprès des pouvoirs publics, elle demande aux lecteurs de se mobiliser et de faire pression.

«Certains ont beau dire ce qu’ils veulent, mais à ce jour, nous ne connaissons aucun média autre que les journaux régionaux gratuits qui arrivent directement chez chaque citoyen sans égard à son âge, son statut social, son revenu, sans l’avoir aussi préalablement choisi, sélectionné, cherché, pitonné et sans égard aussi à ses compétences technologiques, peut-on lire. Le droit à une information non censurée, neutre, crédible et vérifiée est un droit fondamental et un rempart indispensable à notre démocratie.»

Tournée de mobilisation

Pour lancer sa campagne, le collectif a fait le tour du Québec pour savoir si, comme les gouvernements le suggèrent, les journaux locaux ne sont bel et bien plus lus. Lac-Mégantic, Rivière-du-Loup, Baie-Comeau, Tadoussac, Joncquière, La Chute…  partout, le public a répondu à l’appel, affirmant que le papier a encore un avenir dans une vidéo mise en ligne sur le site de la campagne de mobilisation.

Le journal a un rôle de proximité avec la communauté. C’est-à-dire de transmettre les informations de ce qui se passe dans notre milieu. Les informations au niveau des gens, les projets que les gens mettent de l’avant, de ce qui se passe dans la communauté. Par exemple, ce que les enfants font à l’école. – Sonia Pagé

Non, ça ne devrait pas disparaître, parce que c’est quand même une référence. Les gens ont hâte d’ouvrir le journal. Les jeunes, les moins jeunes, parce qu’ils couvrent ce qui se fait dans la région, l’économie, le volet sportif. On ne devrait pas voir nos journaux disparaître. – Denis Bolduc

C’est un des seuls médias qui peut rejoindre les gens dans leur salon. Qu’ils prennent le temps de le feuilleter, de regarder leurs nouvelles et surtout de le garder avec eux. Le journal tu le touches, tu le vois, tu le lis. – Sébastien Lévesque

C’est un média traditionnel, et je suis peut-être de la vieille école, mais de toucher le papier, de prendre le temps de feuilleter, j’aurais de la difficulté à enlever ça de mes habitudes. – Joanne Lortie

On n’ose même pas l’imaginer. Si c’était le journal qui tombait, on aurait l’impression d’être une région dévitalisée au point qu’elle n’est même pas capable de supporter un journal, ça donnerait un dur coup. – Patrick Noël

C’est une équipe qui est proche de ses gens. Au niveau sportif, culturel ou économique, l’information est de qualité supérieure. C’est un catalyseur, c’est un stimulant pour l’économie. C’est un incontournable et il ne faut pas prendre ça pour acquis. – Bernard Filiatrault

Au-delà de cette tournée, le public est invité à manifester son attachement à son journal local sur les médias sociaux avec le mot-clic #monjournaljytiens.

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