Encore une mauvaise semaine pour la presse en région

Si elle était attendue, l’annonce de TC Transcontinental de se départir de ses hebdomadaires locaux a secoué l’industrie.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Le président et chef de la direction de TC Transcontinental François Olivier, avait prévenu l’an dernier devant le Comité permanent du patrimoine canadien chargé de réfléchir sur l’avenir des médias communautaires. Si rien n’était mis en place rapidement pour venir en aide aux éditeurs, il ne faudrait pas s’étonner que des licenciements ou des ventes de journaux aient lieu dans un futur plus ou moins proche.

L’industrie n’a donc pas été surprise mardi lorsque l’annonce officielle de la mise en vente par TC de tous ses hebdomadaires au Québec et du journal Métro, en tout 93 publications et sites web a été entérinée. D’autant moins que la rumeur circulait depuis une semaine déjà, depuis l’annonce de la vente de ses 28 journaux et sites web de l’Atlantique à SaltWire Network Inc.

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Pas surprise, mais inquiète cependant. Car si M. Olivier se dit confiant de parvenir à vendre au moins la moitié des publications en question, celles-ci étant «rentables malgré les défis», affirme-t-il en entrevue à la Presse canadienne, tout le monde se demande bien qui pourrait être intéressé par un tel portefeuille de titres.

Et en premier lieu, le journaliste Fagstein, qui dans un billet de blogue passe en revue toutes les possibilités sans en trouver une qui lui paraisse grandement crédible. Québécor, qui s’est départi de tous ses hebdos au profit de TC il y a un peu plus de trois ans? Le Groupe Capitales Médias déjà détenteur de plusieurs quotidiens régionaux? Alexandre Taillefer, qui vient de racheter Voir et l’Actualité? Un nouveau joueur, riche et assez conscient de l’importance de préserver l’information en région pour accepter de perdre de l’argent? Personne?

Car même si Transcontinental affirme vouloir continuer à éditer les titres qui ne seraient pas vendus, personne ne semble vraiment croire que la situation perdurera, surtout si ceux qui restent sont ceux qui perdent le plus d’argent.

Le triomphe du capitalisme

Voilà bien une nouvelle fois le nerf de la guerre. L’argent. Dans un billet de blogue plutôt pessimiste, la journaliste Marie-Ève Martel, fustige le triomphe du capitalisme qui mène à l’abandon des médias.

«Et c’est exactement ce qui se produit aujourd’hui, écrit-elle. Le triomphe du capitalisme, où la rentabilité prime sur la mission idéaliste  du produit. Paradigme éternel des entreprises de presse privées, qui doivent jongler avec ces deux éléments.»

La rentabilité n’est plus là depuis que la publicité est partie voir si l’herbe était plus verte du côté des géants du web que sont les Facebook et autres Google de ce monde.

Dans une entrevue accordée à Infopresse le mois dernier, Yann Jodoin, premier vice-président, stratégie client, mise en marché et image de marque, de la Banque Nationale, expliquait par exemple réaliser 65% de ses investissements médias en numérique, contre 35% il y a cinq ans.

« Mon défi, comme responsable de la marque, c’est la notoriété, indique-t-il. Si nous sommes très connus au Québec, il faut, ailleurs, se battre contre les RBC de ce monde. Et dans le domaine «traditionnel» (télé, radio, affichage), je ne pourrai pas les concurrencer en matière de poids média. Alors, nous avons décidé d’être la meilleure banque dans le milieu numérique, d’essayer d’atteindre le consommateur d’une façon très précise. À l’extérieur du Québec, par exemple, nous ne recourons presque pas aux médias imprimés. »

Quant à l’argent public investi dans les journaux locaux, il se réduit lui aussi comme peau de chagrin. Les revenus publicitaires en provenance d’Ottawa sont par exemple passés de 20 millions de dollars à 357 000 dollars entre 2004 et 2014, alors que la même année, le gouvernement du Canada a investi 4,7 M$ en publicité sur Facebook et Google.

Dans quelques mois, les médias communautaires devraient encore voir une de leurs précieuses sources de revenus se tarir. Le projet de loi 122, qui sera étudié en mai, prévoit que les municipalités n’auront plus l’obligation de publier leurs avis publics dans les médias locaux.

Sylvain Gaudreault au créneau

Une mesure fustigée hier par Sylvain Gaudreault, porte-parole de l’opposition officielle en matière de développement des régions.

«Les avis publics représentent 0,05% du budget des municipalités, a-t-il indiqué lors d’un point presse. Toutefois, à travers le Québec, ces avis représentent 10M$ en revenus publicitaires. C’est un montant à ne pas négliger.»

Il a plus généralement reproché au gouvernement de ne pas lever le petit doigt pour venir en aide à une industrie frappée par la crise.

«Malheureusement, il n’y a rien dans le dernier budget libéral pour les médias», a-t-il accusé.

En réalité, le dernier budget Leitao prévoit 36 millions de dollars d’aide à la presse écrite dont une bonne part pour les régions. Une somme cependant considérée comme dérisoire par un grand nombre d’acteurs de l’industrie, eu égard aux besoins considérables.

La Coalition pour la pérennité de la presse d’information au Québec  demandait quant à elle, des crédits d’impôt remboursables pour embaucher des journalistes, l’abrogation du programme RecycleMédias et l’abolition de la TPS et de la TVQ sur les journaux vendus.

Une coalition à laquelle appartenait TC Transcontinental et ses 93 hebdos avant de finir par jeter l’éponge, mardi.

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