Newzulu débarque à Montréal

Le site international et participatif d’information par l’image a ouvert un bureau québécois cet été. Alors que leur présence dans les salles de nouvelles se fait de plus en plus rare, voilà peut-être un bon moyen pour les photoreporters, tant amateurs que professionnels, de gagner en visibilité. D’autant que la plateforme travaille en partenariat avec les plus grandes agences de presse.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

«Certains de nos collaborateurs se sont faits beaucoup d’argent avec leurs images, confie Marie Pâris, journaliste et éditrice de la version québécoise de Newzulu. Je pense notamment à la seule personne qui était présente sur la piste lorsque Michael Schumacher a eu son accident de ski. Sa vidéo n’est vraiment pas de bonne qualité, mais c’était les seules images qui existaient et elles ont été reprises par les médias du monde entier. Je pense également à une photo de Pauline Marois le soir de la défaite. On la voit, anéantie, juste devant son affiche, sur laquelle elle est tout sourire. De son slogan de campagne «déterminée», on ne voit que les dernières lettres, soit «terminée». Il y avait beaucoup de photojournalistes ce soir-là, mais ce cliché pris par un de nos collaborateurs, a été beaucoup utilisé, notamment par les médias français.»

L’aventure Newzulu démarre il y a dix-huit mois, lorsque la société australienne d’investissement Matilda Media rachète Citizenside, une plateforme participative de partage d’images citoyennes, appartenant jusque-là, entre autres, à l’Agence France Presse (AFP). Le but de son nouveau propriétaire, Alex Hartman, en faire une plateforme internationale de photojournalisme participatif.

Très vite, des bureaux s’ouvrent un peu partout dans le monde. À Paris, il emploie aujourd’hui sept à huit journalistes à temps plein, chargés à la fois de couvrir certains événements sur le terrain, de mobiliser et élargir la communauté de collaborateurs et de vérifier la véracité des images qui leur arrivent, avant de les mettre en ligne. Au Canada, une antenne ouvre d’abord à Toronto à la fin de l’année 2014, puis à Montréal durant l’été.

Plateforme internationale et locale

«Pour l’instant, je suis toute seule, explique Marie Pâris. Mais dès octobre, un deuxième journaliste va me rejoindre, puis un monteur vidéo, et d’ici six mois, nous souhaiterions agrandir l’équipe. À terme, le bureau montréalais devrait ressembler à ce que nous trouvons à Paris.»

Une belle opportunité pour les photographes amateurs d’avoir la chance de vendre une photo. Mais aussi pour les photoreporters professionnels de se faire voir. Car la plateforme a signé des partenariats avec plusieurs agences, notamment l’AFP et la Presse canadienne. Et lorsque des images sont vendues, le contributeur gagne 50% de la somme.

«L’une de nos forces réside dans le caractère international de la plateforme, note Marie Pâris. Ça ouvre de belles perspectives car des photos prises ici peuvent être reprises sur notre site français, australien ou autre, si elles ont une résonance ailleurs. La semaine dernière par exemple, les photos de l’Écosse ont été publiées sur toutes nos plateformes, parce que le référendum intéressait tout le monde.»

Si le bureau québécois, qui n’en est qu’à sa phase de lancement, ne compte aujourd’hui qu’une centaine de contributeurs, au niveau international, Newzulu peut compter sur une force de frappe de 100 000 membres environ, basés dans 150 pays. Tous les jours ce sont donc des milliers de photos qu’il faut vérifier méticuleusement, surtout lorsque le terrain est sensible.

Diversifier ses sources de revenus

«Prenons l’exemple du conflit israélo-palestinien cet été, commente Marie Pâris. Pour chaque image qui nous arrivait, Il fallait nous assurer de la fiabilité du collaborateur, vérifier qu’il se trouvait bien à l’endroit indiqué, que la photo avait été prise le bon jour, qu’elle n’avait pas été retouchée. Nous travaillons avec des logiciels de récupération de données, de géolocalisation, nous retraçons les adresse IP des ordinateurs, etc. Et puis lorsque les contributeurs travaillent avec nous régulièrement, il obtient aussi une certaine côte de confiance.»

Une vérification opérée 24 heures sur 24 grâce à la multiplication des bureaux un peu partout sur la planète. Ainsi, l’antenne montréalaise peut se retrouver à vérifier des images envoyées au bureau parisien lorsque celui-ci est fermé. Puis l’Asie et l’Australie prennent le relais et peuvent à leur tour vérifier la véracité des clichés qui arrivent à Montréal ou Toronto en pleine nuit sur le continent américain.

«Si je prends l’exemple de Lac –Mégantic, poursuit Marie Pâris. C’est typiquement le genre d’événements où, si notre bureau avait déjà existé, nous aurions reçu une multitude de clichés. D’autant que nous faisons des appels à témoin. Lorsqu’un événement survient, nous pouvons envoyer une alerte aux contributeurs qui en sont proches. Nous établissons un calendrier également et chaque jour, nos collaborateurs savent ce que nous aimerions bien voir couvrir.»

Bref, si certains voient dans cette plateforme une nouvelle forme de concurrence déloyale pour les photojournalistes professionnels, Newzulu répond que c’est aussi pour eux, un moyen de diversifier leurs sources de revenus.

«Nous savons que c’est un métier difficile, conclut Marie Pâris. Mais nous avons dans notre réseau des photoreporters freelance, qui lorsqu’ils sont envoyés sur un événement par un média, nous proposent à nous d’autres photos de ce même événement. C’est pour eux, une chance de plus de vendre des clichés.»

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