L’affaire PKP dérape

Pierre Craig photoPar Pierre Craig, Président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ)

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec estime que toute la question de l’arrivée éventuelle du grand patron de presse Pierre Karl Péladeau à la chefferie du Parti Québécois est en plein dérapage.

Depuis le saut en politique de M. Péladeau, le débat porte sur le conflit d’intérêts dans lequel se trouve un politicien qui contrôle 40 % de l’information produite au Québec. Un politicien qui pourrait de surcroît devenir chef d’un des deux plus importants partis politiques du Québec. De nombreuses voix, dont celles de la Fédération que je préside, se sont élevées pour demander à M. Péladeau de se départir des actions qu’il possède dans les médias de Québecor pour éliminer ce conflit d’intérêts.

Mais voilà que depuis une semaine apparaît soudainement un énorme problème que personne n’avait vu jusque-là : tous les médias du Québec seraient potentiellement sous l’influence de leurs propriétaires, qui pourraient exercer une forme de contrôle sur leur contenu! C’est ce que j’appellerais un dérapage… contrôlé. « Dérapage » parce qu’on s’éloigne du conflit d’intérêts, bien réel, dans lequel se trouve Pierre Karl Péladeau. « Contrôlé » parce qu’on est en train de créer une forêt, bien artificielle, pour cacher l’arbre qu’est ce conflit d’intérêts. Comme dirait l’autre, s’il y avait un problème d’influence indue sur l’ensemble des médias du Québec… On le saurait!

Le Parti Québécois propose de créer un comité d’experts qui enquêterait et ferait rapport à l’Assemblée nationale sur ce problème de l’influence de tous les patrons de presse sur le contenu de leurs médias. En langage clair, cela s’appelle vouloir noyer le poisson. Si André Desmarais, grand patron de La Presse et de six autres quotidiens majeurs de la province, s’était porté candidat à la chefferie du Parti libéral du Québec, le PQ aurait dénoncé, avec raison, ce conflit d’intérêts. Et dans cette dénonciation, le PQ n’aurait certainement pas invoqué un problème généralisé à tous les médias québécois.

La presse québécoise est libre. Elle est même très vigoureuse et alerte. La Commission Charbonneau, créée à partir des reportages de journalistes courageux, tenaces et exempts de toute influence, en est le témoignage le plus éloquent.

La société québécoise fait face en ce moment à un problème bien concret : le plus grand baron de la presse du Québec sera éventuellement chef de parti, et peut-être même premier ministre, tout en conservant la propriété de son empire médiatique. Si vous, députés de tous les partis, ne voulez pas ou ne pouvez pas trouver de solution à ce problème, dites-le clairement. Mais de grâce, n’allez pas inventer un problème là où il n’y en a pas pour diluer l’importance du conflit d’intérêts qui nous occupe ou pour vous sortir élégamment d’une situation dont vous ne savez plus que faire.

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