Facebook, réseau social préféré des journalistes québécois

Trois journalistes québécois sur quatre considèrent positif l’impact des réseaux sociaux sur leur vie professionnelle. C’est ce qui ressort d’une vaste étude menée par Michelle Sullivan, consultante en relations publiques et chargée de cours à L’Université de Montréal et à McGill. Ils sont également 13% à estimer que Facebook et consorts ont bouleversé le métier. Décryptage.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

«On avance tellement de choses sur l’utilisation par les journalistes des réseaux sociaux que j’ai voulu savoir ce qu’il en était vraiment», explique Michelle Sullivan, en entrevue téléphonique, à la veille de la présentation de ses résultats, qui a lieu en ce moment même à la soirée des grands communicateurs organisée par la Téluq.

Ainsi, durant les Fêtes, 1272 journalistes francophones québécois ont reçu un courriel les invitant à répondre à un sondage sur leur utilisation des médias sociaux. Soixante et une questions. 211 d’entre eux ont pris le temps de le renvoyer.

«J’ai été surprise par le retour, presque touchée, avoue la consultante. Les journalistes ont été très généreux. Nombreux sont ceux qui ont commenté. Ça nous donne un résultat très riche.»

Ainsi, on apprend que 97% des répondants utilisent les médias sociaux au moins à des fins professionnelles, la plupart d’entre eux les ayant adoptés très tôt, par curiosité pour les nouveaux outils et par désir de demeurer actuel principalement.

On apprend également, que le média social le plus fréquenté par les journalistes au Québec demeure Facebook, et ce autant pour l’inspiration que pour la recherche. Une majorité des répondants dit y aller dans le but d’identifier des sources pour un reportage. Ils se tournent également plus souvent vers lui pour échanger avec le public et pour faire la promotion de leur propre contenu. Twitter suit de près, et est quant à lui le réseau de prédilection pour la recherche d’informations précises et pour suivre l’actualité.

Vérification et règles éthiques

«Les journalistes n’utilisent peut-être pas encore les réseaux sociaux de manière stratégique, car dans ce cas, Linkedn serait un outil beaucoup plus pertinent, notamment pour les recherchistes, analyse Mme Sullivan. Or, il est très peu considéré. J’ai l’impression qu’ils utilisent Facebook de manière informelle, pour faire croitre leur propre notoriété. Mais s’ils savaient à quel point la portée est faible, ils n’agiraient peut-être pas de cette façon. Ils l’utilisent pour être là où sont les gens, Monsieur et Madame tout le monde.»

Faire croitre leur propre notoriété, voilà bien une donnée qui ressort de l’étude selon la chargée de cours. Bâtir sa propre marque, au-delà du média auquel le journaliste appartient. Quitte à verser dans l’égotisme.

«D’après les réponses, l’utilisation des réseaux sociaux est rarement une demande de l’employeur, note Michelle Sullivan. Ce sont les journalistes qui prennent l’initiative de partager leurs articles, et de le faire le plus vite possible. Car ça aussi, c’est quelque-chose qui revient souvent. La course que ces nouveaux médias ont amenée. Ce n’est pas complètement nouveau, il y a toujours eu la chasse au scoop. Mais ça s’est renforcé.»

Ainsi, si près des trois quart des journalistes québécois considèrent que les réseaux sociaux ont eu un impact positif sur leur métier, ils admettent qu’ils ont aussi apporté leur lot de stress, d’augmentation de la charge de travail… et de dérives. Ils soulignent en effet, qu’il faut faire très attention avec une information en provenance de ce type de sources et toujours vérifier deux fois plutôt qu’une.

«On me dit également qu’au contraire, le fait que ces sources soient peu fiables pousse justement les journalistes à porter plus d’attention à la vérification des faits, nuance Mme Sullivan. Près de neuf répondants sur dix considèrent aussi que les codes déontologiques devraient comprendre des directives concernant les nouveaux médias. Et près de trois sur quatre qu’ils devraient être soumis aux mêmes règles éthiques que les médias traditionnels.»

Quid des blogueurs?

Ainsi selon la plupart des répondants, un journaliste reste un journaliste lorsqu’il publie ou partage sur les réseaux sociaux. Il doit donc respecter son devoir de réserve. À la différence du chroniqueur et du blogueur… avec lequel le journaliste entretient une relation très complexe. Ainsi, presque la moitié des répondants affirment qu’un billet de blogue leur a inspiré un reportage et un sur trois a déjà cité un blogueur comme source dans un article ou un reportage. Mais seulement 42% d’entre eux considèrent normal de se retrouver à leurs côtés dans les conférences de presse.

«J’ai eu un commentaire me disant que la conférence de presse, c’est justement la ligne de démarcation qu’il faut établir afin de faire respecter le métier de journaliste, raconte Michelle Sullivan. Un autre a écrit que n’importe qui peut se désigner blogueur en se levant le matin et demander des accréditations. Qu’il faudrait donc pouvoir classifier les blogues pour leur donner une reconnaissance de la part des pairs. Il y en a d’autres qui pensent que ce n’est pas un sujet parce que le blogue, c’est tellement 2008!»

Quoi qu’il en soit, l’opération devrait être renouvelée d’ici un an ou deux, histoire de suivre l’évolution de l’utilisation des réseaux sociaux par les journalistes d’ici. Dans les prochains mois, Michelle Sullivan va également envoyer son sondage aux journalistes anglophones dans tout le Canada et aux journalistes francophones hors Québec, à des fins de comparaison.

En attendant, l’auteure de ce texte va s’empresser d’aller le publier sur les réseaux sociaux…

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