Une journée pour réfléchir à l’avenir du journalisme

À la demande du ministère des communications, le Centre d’études sur les médias (CEM) de l’Université Laval organise demain une journée de réflexion sur l’impact des mutations dans l’univers de l’information. Changement des habitudes de consommation, nouveaux modèles d’affaires et situation de la presse régionale seront particulièrement scrutés à la loupe. Les conclusions devraient ensuite faire partie du plan culturel numérique du gouvernement du Québec.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

20% des Québécois s’informent via les nouveaux médias, révélait une enquête du Centre d’études sur les médias (CEM) effectuée en janvier 2013.

«Ce n’est pas encore énorme, mais c’était en croissance, commente Daniel Giroux, secrétaire général du CEM. À l’époque, les tablettes n’étaient pas aussi populaires qu’aujourd’hui. Nous projetons de refaire cette enquête au printemps et les résultats devraient encore avoir évolué. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’aujourd’hui, plus d’un Québécois sur cinq s’informe exclusivement de manière numérique, et que ce chiffre explose si l’on considère les plus jeunes, c’est-à-dire les moins de quarante ans. Ça a un impact important sur les médias et le métier de journaliste. Nous sommes bien content que le gouvernement s’en préoccupe au point de nous demander d’y réfléchir sérieusement et de lui remettre un rapport.»

Des impacts qui seront donc décortiqués demain, à l’auditorium de la BanQ, dans le Vieux-Montréal. Conférenciers et panélistes vont se succéder pour mettre des mots sur les conséquences de cette migration des lecteurs vers les nouvelles plateformes et sur les réponses qu’il faudrait apporter.

Nouveaux modèles d’affaires

«Il y a plusieurs problématiques, estime M. Giroux. D’abord, les internautes ne s’abreuvent pas forcément aux sources traditionnelles d’information. Oui, ils consultent les sites de Radio-Canada, La Presse, TVA ou Le Devoir, mais ils consultent aussi des blogues qui ne sont pas forcément liés aux grands médias, et ils donnent du crédit aux commentaires que les gens font sur l’actualité. Il y a baisse de l’auditoire sur les supports traditionnels, donc baisse des revenus publicitaires… qui ne glissent pas forcément sur les sites internet des médias historiques parce que, sur la toile, les annonceurs ont d’autres moyens, plus efficaces, de rejoindre leur public cible.»

Bref, il faut donc trouver de nouveaux modèles d’affaires afin de continuer à produire et diffuser un journalisme de qualité. Et donner de bonnes raisons aux citoyens de payer pour une information alors que de nombreux sites d’actualité sont en accès gratuit. Aller plus loin que la nouvelle, enquêter, vérifier les faits, etc. Bref, tout ce qui coûte cher.

«Les médias doivent sans cesse innover et je crois d’ailleurs qu’ils le font, note le secrétaire général du CEM. Les journalistes eux-mêmes doivent constamment se remettre en question et acquérir de nouvelles compétences. De plus en plus, les lecteurs attendent que l’information arrive à eux, via les réseaux sur lesquels ils sont branchés, leur famille, leurs amis, leurs contacts. Il faut en tenir compte si on veut les rejoindre. Ça bouscule les habitudes des journalistes, qui doivent être partout, travailler rapidement et de plus en plus, soigner leur propre marque. Car les internautes suivent aujourd’hui plus souvent une signature qu’un média.»

Une réponse: La Presse+

Et quand on parle d’innovation dans le petit monde des médias québécois, on pense inévitablement à La Presse+, dont le modèle est en train de s’exporter en Ontario, puisque le Toronto Star planche à sa mise en place. L’éditeur du quotidien torontois, John Cruickshank, fera d’ailleurs partie des conférenciers demain.

«Nous n’avons pas encore assez de recul pour savoir si La Presse+ est définitivement un modèle à suivre, croit Daniel Giroux. Il n’y a pas d’analyses scientifiques. Les seuls retours que nous avons sont les chiffres que donne Gesca, mais aussi les commentaires de certains annonceurs, qui estiment que le modèle de publicité que permet l’application, plus vivant, interactif, est intéressant et peut s’avérer performant.»

Que ce soit pour l’encenser ou pour l’attaquer, il y a fort à parier que le chemin emprunté par Gesca, alliant fin du journal papier éminente et information gratuite sur tablette, sera une nouvelle fois sur toutes les lèvres demain.

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