L’après-Gesca: une nouvelle ère pour les régions

Le nouveau patron des ex-quotidiens régionaux de Gesca, Martin Cauchon, termine sa tournée des salles de nouvelles. Presque deux semaines après l’annonce surprise de cette vente, le temps est à l’analyse. Et chacun veut y voir la preuve qu’il y a encore un intérêt pour l’information régionale… même du côté des propriétaires de presse.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

«Ce qui nous rassure, c’est cette profession de foi qu’il a faite en faveur de l’information régionale d’une part et du papier d’autre part, confie Marie-Ève Martel, journaliste à la Voix de l’Est. C’est très encourageant de voir que nous ne sommes pas seuls à trouver ça important. Mais ça ne signifie pas que tous nos problèmes se sont envolés comme par magie!»

Des problèmes, des inquiétudes dont les responsables des sections régionales de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) s’étaient entretenus quelques jours auparavant lors d’une réunion à Québec.

«Nous avions deux points à l’ordre du jour, explique la présidente Lise Millette. Il s’agissait de mesurer le moral des troupes, voir les dynamiques dans chacune des régions, les problèmes d’accès à l’information, les entraves, la diversité, estimer les effets des coupures, etc. Et on avait beaucoup d’inquiétudes du côté de Gesca. Les conventions collectives sont arrivées à échéance au 31 décembre et les négociations étaient reportées. Inquiétudes du côté du virage numérique, de la fin probable du papier aussi. Bref, beaucoup d’appréhension… et quand la semaine suivante, la nouvelle est tombée, ça a pris tout le monde par surprise. Même nos délégués n’avaient pas été mis au courant avant son dévoilement.»

Plus de champ

Confirmation de la part de Marie-Ève Martel, qui raconte qu’une demi-heure avant l’annonce, les employés ont reçu un courriel les invitant à une réunion.

«À onze heures moins cinq, il a commencé à y avoir des rumeurs sur Twitter. Et à 11 heures, nous l’avons appris. En même temps que se déroulait la conférence de presse.»

Si rien ne semble devoir changer à court terme pour les employés de Capitales Médias, le nouveau groupe du nouveau propriétaire de presse et ex-politicien Martin Cauchon, il n’en reste pas moins que cet achat vient redonner du souffle à une industrie régionale qui en avait bien besoin.

«Au sein de Gesca, nous avions une épée de Damoclès au dessus de nos têtes, explique Mme Martel. Guy Crevier ne croit plus au papier. Nous devions migrer vers la Presse+ à un rythme qui n’était pas forcément celui des régions. Chez nous, la tablette n’a pas pénétré tous les foyers et les gens tiennent encore à leur édition papier. Bien sûr, nous devons continuer à penser à notre migration vers le numérique. Mais l’arrivée de M. Cauchon nous donne plus de champ.»

Pas de chèque en blanc

Lors de sa visite à la Voix de l’Est, le nouveau patron a pris le temps de discuter avec les employés et de répondre aux questions.

«Même si certaines restent sans réponse, note cependant Lise Millette. M. Cauchon évoque ses cent jours. Pour l’instant, il dresse un état des lieux. Mais il y a encore beaucoup de choses que nous ne savons pas. À priori, il y aura continuité. C’est ce que semble vouloir dire la nomination de Claude Gagnon au poste de PDG de la nouvelle entreprise, lui qui était responsable des éditions régionales. Mais le groupe aura-t-il les reins assez solides? Les salles de nouvelles préserveront-elles leur indépendance? Pour l’instant, nous poussons un ouf de soulagement parce que nous avons six quotidiens régionaux qui ne ferment pas et un nouveau patron de presse qui semble croire en la presse régionale. Mais nous ne lui donnons pas un chèque en blanc.»

Car les défis qui l’attendent sont grands. Ces derniers mois en région, les nouvelles ont plutôt été mauvaises et les coupures dans les antennes régionales de Radio-Canada, annoncée la semaine dernière, ne démentent pas la tendance. De nombreux hebdos ont mis la clé sous la porte, certains postes de correspondants ont disparu et le sort des pigistes est loin d’être tout rose non plus.

Mobiliser le public

L’arrivée d’un nouveau joueur redonne cependant espoir.

«On se demandait vraiment si les propriétaires de médias croyaient encore en cette information régionale, explique Mme Millette. Avec Martin Cauchon, la réponse est oui. Ça va redonner de l’énergie aux journalistes. Ils vont se remobiliser, mais aussi travailler à mobiliser le public. Ils doivent rappeler à la population que les médias, les journalistes travaillent pour elle. Lire son hebdo ou écouter sa radio locale, c’est soutenir des gens, qui au quotidien, s’intéressent aux histoires qui les concernent. Il faut parvenir à faire émerger ce sentiment d’appartenance dans les régions.»

Parce que, quoi qu’il en soit, en attendant que des réponses soient apportées à toutes les questions en suspens, les journalistes, eux, continuent à travailler pour sortir les nouvelles.

«Au quotidien, ce rachat ne change rien pour moi, estime Marie-Ève Martel. Mon métier c’est de faire de l’information locale et régionale. Notre nouveau mandat avec Capitales Médias, c’est d’aller encore plus loin là-dedans. C’est ce que je fais.»

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