NéoMédia, nouveau gros joueur en région

ProjetJ poursuit sa série sur l’information et le journalisme en région en mettant les projecteurs aujourd’hui sur NéoMédia. Ou comment une agence web installée en Beauce est devenue, en rachetant à l’automne neuf des hebdos dont TC Média devait se départir suite au rachat des titres de Quebecor, un véritable groupe médiatique régional sur internet, totalisant 1,2 millions de visiteurs uniques par mois.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Les premiers pas de iClic, agence web à l’origine de NéoMédia, dans l’univers des médias au milieu des années 2000, auront pourtant été catastrophiques.

«C’était en 2006, raconte Claude Poulin, copropriétaire de l’entreprise. Nous devions démarrer un calendrier des activités locales, un répertoire des commerces et la mise en ligne des communiqués de presse qui concernaient les entreprises de la Beauce. Mais nous avons un petit côté délinquant qui nous a amené à copier les contenus des autres médias. Tout ce qui parlait de la Beauce, on le rassemblait sur notre site web. Ça n’a pas pris longtemps pour que nous recevions des mises en demeure… et ils n’avaient pas tort puisque nous attirions les annonceurs grâce à du contenu dont on n’était pas propriétaire, et alors qu’on ne mettait même pas les références. On a alors décidé d’embaucher un journaliste et c’est comme ça que nous sommes devenus un média. Par la force des choses.»

Le site en question s’appelle EnBeauce.com et il prend rapidement son envol. Parallèlement, l’agence web grossit. Entre 2006 et 2010, elle produit puis gère notamment quatorze sites internet pour des médias indépendants un peu partout au Québec. Neuf d’entre eux sont par la suite rachetés par Quebecor.

«On s’est pris un petit coup de masse, avoue M. Poulin. On est resté en standby pendant deux à trois ans. Et puis, il y a eu cette transaction entre Quebecor et TC Média qui a donné lieu à la mise sur le marché de trente trois hebdos. On a sauté sur l’occasion et fait une offre pour obtenir la totalité. Neuf nous ont été attribué.»

1,2 millions de visiteurs uniques

Depuis six mois, le Journal de Joliette, l’Écho de Laval, Sorel-Tracy Express, le Réveil et quelques autres dans Lanaudière, les Laurentides, la Montérégie, en Mauricie et au Saguenay, font donc partie du groupe NéoMédia, fondé à l’occasion de cette transaction. En tout, l’entreprise de presse possède aujourd’hui 17 titres, et un dix-huitième sera lancé le mois prochain à Vaudreuil-Dorion.

Des publications qui ont abandonné leur version papier dès leur arrivée au sein du nouveau groupe, pour n’exister plus que sur le web. Toutes possèdent en revanche une rédaction composée en général de deux journalistes. Une petite quarantaine de professionnels de l’information salariés à temps plein travaille donc pour NéoMédia, en plus de quelques pigistes qui couvrent l’information dans les villages les plus reculés.

«Chaque journaliste doit écrire deux à trois articles originaux par jour, précise le copropriétaire. En plus de placer des communiqués de presse. En gros, chaque site publie une quinzaine d’articles quotidiennement. C’est l’une des raisons de notre succès.»

Car NéoMédia avance aujourd’hui le chiffre d’1,2 millions de visiteurs uniques par mois sur l’ensemble des publications. Le Journal de Joliette attire par exemple plus de 15 000 internautes par jour, contre moins de mille lors de la transaction.

«Il y avait un véritable besoin, assure Claude Poulin. Les gens ne veulent plus attendre une semaine pour être informés de ce qui se passe près de chez eux. Or, dans de nombreuses régions, au quotidien, il n’y avait que des nouvelles nationales et internationales. Un cataclysme en Iran, ça touche pas grand monde chez nous. Quand c’est dans votre province, dans votre ville, ce n’est pas pareil. Nous mettons en ligne tous les jours des informations qui concernent les gens qui nous lisent. Et puis, nous avons également une belle présence sur les réseaux sociaux.»

100 titres en 2020

Ainsi, les journalistes sont mandatés pour relayer les informations de service, l’ouverture d’un nouveau commerce, un changement d’horaire à la pharmacie. Mais ils doivent aussi faire leurs propres reportages, voire enquêter.

«Nous avons des reporters d’expérience, assure M. Poulin. Il y a beaucoup de médias qui ont fermé en région ces dernières années, Radio-Canada a beaucoup coupé. Nous récupérons donc de vrais professionnels capables de sortir la nouvelle. Et bien sûr, complètement indépendants de nos annonceurs.»

Des annonceurs locaux qui, à en croire le chef d’entreprise, sont bien contents de pouvoir faire leur promotion dans un média local plus d’une fois par semaine. Les affaires semblent donc bien rouler pour l’ex-petite entreprise de Saint-Georges de Beauce devenue groupe de presse… qui ambitionne d’exploiter une centaine de titres d’ici 2020.

«Les grands centres urbains comme Sherbrooke et Trois-Rivières sont bien desservis, conclut-il. Mais ailleurs, dans les communautés rurales, il y a vraiment une place à prendre. C’est ce que nous allons faire.»

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