Michel Auger honoré ce soir

Plusieurs journalistes québécois sont en lice pour recevoir l’un des prestigieux prix de la Fondation pour le journalisme canadien (FJC) qui seront décernés dans quelques heures au Fairmont Royal York de Toronto. Parmi eux, Alec Castonguay et Noémi Mercier pour leur enquête sur les crimes sexuels dans l’armée publiée dans l’Actualité. Ils sont finalistes dans la catégorie Excellence en journalisme. Mais ce soir également, un autre Québécois va se retrouver sous les projecteurs. Après avoir reçu le prix Judith-Jasmin Hommage de la FPJQ en 2013, Michel Auger se verra remettre aujourd’hui l’une des plus grandes distinctions pour un journaliste canadien, le prix Couronnement de carrière, remis chaque année par la Fondation. Pour ProjetJ, il revient sur trois dossiers qui l’ont marqué durant ses cinquante ans de service.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Le dossier de la mafia et du crime organisé l’a tenu occupé durant toute sa vie et lui a valu de se prendre six balles dans le corps un beau matin de septembre 2000.

Michel Auger, chroniqueur judiciaire de longue date pour Le Journal de Montréal ayant survécu à une tentative de meurtre, recevra le Prix Couronnement de carrière de La Fondation pour le journalisme canadien (FJC) lors de la Remise des prix de la FJC qui se tiendra le 3 juin à Toronto. (Groupe CNW/La Fondation pour le journalisme canadien)«Tout au long de sa carrière à titre de chroniqueur judiciaire, M. Auger a surpassé le cadre de ses fonctions en creusant plus profondément que ses pairs et en fournissant aux lecteurs le meilleur tableau qui soit du monde criminalisé de Montréal, affirme par voie de communiqué Chantal Hébert, membre du jury de sélection et chroniqueuse politique pour de nombreuses publications à travers tout le Canada. Il est allé si loin que les personnes qu’il a couvertes (ou découvertes) souhaitaient sa mort. Il a grandement inspiré la génération de journalistes enquêteurs qui, grâce à leur travail, ont entraîné la tenue d’une enquête sur la corruption au Québec.»

Interrogé par ProjetJ sur les dossiers qu’il retient de sa longue carrière, le journaliste aujourd’hui en retraite active, se souvient tout particulièrement de trois séries, toutes plus ou moins liées au crime organisé.

Corruption au PLQ

Dans les années 70, Michel Auger découvre des cas de collusion et de corruption de la part de membres du gouvernement libéral de Robert Bourassa, au sujet de contrats mêlant ce qui s’appelle à l’époque la Régie des alcools du Québec (ex-SAQ).

«En conséquence, beaucoup d’agences de vins appartenaient à des partisans libéraux, raconte-t-il. J’avais fait toute une série d’articles qui découlait de dossiers secrets discutés à la commission d’enquête sur le crime organisé (CECO). Ça a créé un climat malsain contre le parti libéral. Climat considéré comme un des éléments qui ont permis au parti québécois de remporter la victoire qu’on a connue en 1976.»

La veille de l’attentat

Un jour, Michel Auger donne une entrevue à Radio-Canada à l’émission Médias. Il vient d’écrire dans le Journal de Montréal, une série de papiers sur les dessous de la guerre des motards, notamment les prêts usuraires et la violence dans le milieu. Ça faisait des mois qu’il refusait l’entrevue que sollicitait l’animateur.

«Il m’a dit, maintenant que tu publies quelque-chose, tu ne peux plus refuser de venir à l’émission, confie Michel Auger. J’y suis allé. C’était le 12 septembre 2000… le lendemain matin, je me faisais tirer dessus. Il n’y a pas de lien de cause à effet, l’attentat contre moi avait été préparé bien avant cela… mais cette coïncidence m’a toujours marqué.»

L’espion et le Premier ministre

Plus anecdotique, Michel Auger revient avec amusement sur un des scoops qu’il a déterré durant les Jeux-Olympiques de Montréal en 1976.

«J’ai découvert que l’attaché soviétique du comité olympique de Montréal était un espion, raconte-t-il. J’avais réussi à avoir cet élément grâce à des contacts dans le milieu du renseignement. Ce qui est drôle c’est que ce même personnage avait été quelques années plus tôt, l’un des responsables de la série de hockey Canada-URSS. À l’époque, il avait rencontré Pierre-Elliott Trudeau pour lui présenter le chandail de l’équipe soviétique. J’étais encore à la Presse et nous avions cette photo dans les archives. Nous ne l’avions pas publiée, mais lorsque j’ai révélé que c’était un espion, nous l’avons ressortie. Ça a fait pas mal les manchettes!»

(Photo: Fondation pour le journalisme canadien)

À voir aussi:

Journalisme: le gouffre générationnel (partie 1)

Journalisme: le gouffre générationnel (partie 2)

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