+20% de nouvelles internationales ce semestre

Bientôt le milieu de l’année! ProjetJ fait le point sur ce qui a particulièrement intéressé les journalistes québécois avec Jean-François Dumas, président d’Influence Communication. Sans grande surprise, l’attentat de Charlie Hebdo arrive largement en tête des nouvelles les plus couvertes durant ce semestre, marqué également par un regain d’intérêt pour les informations internationales.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

  1. Charlie Hebdo largement en tête

4430243_d3cd4c219e3df2fb3e5c02e98c8dc74ed735f62d_545x460_autocropDans la semaine du 6 au 12 janvier, le poids médias de l’attentat au journal satirique Charlie Hebdo a été de 25,67%. Ce qui signifie qu’une nouvelle sur quatre dans les journaux, à la radio ou à la télévision cette semaine-là au Québec avait un rapport avec les événements parisiens.

«Sauf gros fait-divers, je fais le pari que ça restera la nouvelle de l’année, lance Jean-François Dumas, et ce, malgré les élections fédérales de l’automne. Charlie Hebdo est vraiment à mettre dans une case à part. On s’est attaqué à la liberté d’expression dans un pays occidental très connu. Ça aurait été en Afrique, on en n’aurait moins parlé. Ça aurait été ailleurs que dans une salle de nouvelles, idem. N’importe quelle information qui touche des journalistes est toujours plus médiatisée.»

Et de rappeler que lorsque la salle de nouvelles de TQS a fermé, laissant 273 artisans de l’information sur le carreau, le dossier, durant l’année qui a précédé, a eu un poids médias équivalent à ce qu’il est en général lorsque l’on déplore 3000 pertes d’emplois environ.

  1. François Bugingo, sous le radar

032b84e97c7c.KfGLfHUDmpQVous avez l’impression d’avoir beaucoup entendu parler de l’affaire Bugingo dans les médias? Eh bien vous vous trompez. Le scandale du journaliste affabulateur ne fait pas partie des vingt nouvelles les plus médiatisées au Québec ce semestre.

«Les journalistes ont eu un malaise à en parler, explique le président d’Influence Communication. Parce qu’il avait travaillé pratiquement pour tous les conglomérats. Parce que ça touchait un des leurs, qu’il a une personnalité très sympathique et que donc, nombre de ses confrères avaient des liens amicaux avec lui. Ils ont d’abord donné la chance au coureur. Ils lui ont donné le bénéfice du doute, l’ont laissé répondre avant de condamner. Jusqu’au moment où tout le monde a compris que ce que disait l’article était vrai et que M. Bugingo n’avait pas vraiment de défense.»

Ainsi, Jean-François Dumas estime que si les mêmes accusations d’affabulation et de tromperie avaient été portées à l’encontre d’un politicien ou d’un artiste, le lynchage médiatique aurait été bien plus grand, et que l’on retrouverait probablement le sujet dans le top 20.

Cela dit, si les médias traditionnels sont restés plutôt bienveillants à l’égard de François Bugingo, il n’en est pas allé de même sur les réseaux sociaux. Quarante-huit heure après la publication de l’article d’Isabelle Hachey, l’affaire avait généré plus de 12 000 tweets. D’où sans doute cette impression d’avoir été inondé.

  1. +20% de nouvelles internationales

Souvent considérées comme le parent pauvre de l’information au Québec, les nouvelles internationales sont ce semestre au cinquième rang des thèmes les plus populaires. Depuis le 1er janvier, elles ont même occupé 20% plus d’espace que durant la même période en 2014, révèlent les chiffres d’Influence Communication. Et 600% plus que la moyenne des premiers semestres depuis l’an 2000.

Il est vrai que l’attentat de Charlie Hebdo a focalisé toutes les attentions durant les premières semaines de l’année. Mais cette constatation s’ancre dans une tendance puisque l’an dernier déjà, l’international avait eu la faveur des journalistes. Durant l’été notamment, l’offensive israélienne sur Gaza et le crash du vol MH17 de la Malaysian Airlines au dessus de l’Ukraine avaient tous les deux fait la manchette durant plusieurs semaines.

«Il va falloir cependant regarder de près dans les prochaines semaines quel sera l’impact de l’affaire Bugingo sur le traitement des nouvelles en provenance de l’étranger, souligne Jean-François Dumas. Dans les dernières années, il générait à lui tout seul 8% des nouvelles internationales dans les médias québécois. Ça fait en gros deux ans que l’intérêt pour ces sujets est en constante augmentation… et c’est à peu près aussi à cette période de François Bugingo est devenu omniprésent. Il est trop tôt pour mesurer l’impact de son retrait, mais nous allons suivre ça.»

  1. Politique provinciale, sport et faits divers

«L’an dernier, les trois thèmes qui avaient dominé étaient sport, politique provinciale et faits-divers, rappelle le président d’Influence Communication. Ce semestre, c’est politique provinciale, sport et faits-divers.»

Ainsi, malgré la percée des informations internationales, les trois thèmes les plus populaires restent années après années les mêmes.

«Des faits-divers, on n’en a pas eu de gros, analyse M. Dumas, mais ils sont omniprésents. Des affaires à la Claude Poirier, on aime bien ça nous, au Québec. Côté sport, rien de bien nouveau, le hockey en général et le Canadien en particulier surpassent toutes les autres nouvelles. Enfin la politique provinciale intéresse toujours beaucoup.»

De la mort de Jacques Parizeau à l’élection de Pierre-Karl Péladeau à la tête du Parti québécois en passant par les politiques d’austérité et les diverses bourdes du ministre Bolduc, qui ont conduit à sa démission et à un remaniement ministériel, tout cela se trouve dans le top 20.

«En revanche, même si le retour de Gilles Duceppe aux commandes du Bloc fait son entrée au classement cette semaine, la politique fédérale ne fait toujours pas recette, poursuit-il. Alors même que nous avons des élections en octobre. Quant à la culture… la seule nouvelle à faire partie du palmarès est la victoire de Kevin Bazinet à l’émission La Voix. Il va sans dire que sans la force du réseau que forment les médias de Quebecor, il n’y aurait donc aucune nouvelle culturelle dans le classement.»

5. Moins de polarisation?

Certes rarement nouvelle n’aura atteint un poids médias de plus de 25% comme c’est le cas de l’attentat de Charlie Hebdo cette année. Certes, son poids médias dans le reste du Canada n’aura été «que» de 7,38% cette semaine-là, sept fois plus que l’info n°2, à savoir la chute du prix du pétrole, mais largement moins que dans les médias d’ici.

«Au Québec, on a tendance à sauter à bras raccourcis sur une nouvelle, quitte à ce qu’elle éclipse toutes les autres, raconte Jean-François Dumas. Ça s’explique beaucoup par l’étroitesse de l’écosystème médiatique et la concentration. La convergence fait en sorte que les mêmes informations ressortent sur tous les canaux.»

Cela dit, ce premier semestre semble moins polarisé. Ainsi, seulement deux nouvelles ont atteint la barre des 10% de poids médias, contre huit durant toute l’année 2014. Par ailleurs, la vingtième information la plus médiatisée l’an dernier avait un poids de 5,80%, alors que seulement sept sujets atteignent ce pointage en 2015 pour l’instant.

Les 5 nouvelles les plus médiatisées au Québec depuis le 1er janvier 2015

Rang Nouvelle Semaine Poids médias
1 Attentat au journal satirique Charlie Hebdo à Paris 6 au 12 janvier 2015 25,67 %
2 Décès à 84 ans de l’ancien Premier ministre du Québec, Monsieur Jacques Parizeau 2 au 8 juin 2015 15,11 %
3 Séries éliminatoires dans l’est: CH contre les Sénateurs d’Ottawa 14 au 20 avril 2015 8,95 %
4 Dévoilement du budget 2015-2016 par le ministre des Finances Carlos Leitao 24 au 30 mars 2015 7,85 %
5 Pierre Karl Péladeau est le nouveau chef du Parti québécois 12 au 18 mai 2015 6,50 %

Source: Influence Communication

À voir aussi:

«L’affaire Bugingo rappelle les risques qu’il y a à tricher»

Affaire Bugingo: Plus jamais ça?

Isabelle Hachey: «Je n’imaginais pas qu’on en parlerait autant»

Affaire Bugingo: le journalisme québécois sous le choc

Journalisme: le gouffre générationnel (partie 1)

Journalisme: le gouffre générationnel (partie 2)

 

You may also like...