HuffPost Québec: une salle de nouvelles petite et flexible

Une petite équipe lovée dans un loft en plein cœur du Vieux-Montréal. Voilà l’une des forces de ce pure player, parti de trois fois rien et qui emploiera bientôt vingt personnes à l’interne. En trois ans, le HuffPost Québec a su faire fi de tous les préjugés qui circulaient à son encontre pour s’imposer comme un média de référence, notamment auprès de la jeunesse. 1,6 million de visiteurs uniques fréquentent son site chaque mois.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Un grand bureau à aire ouverte dans un immeuble du Vieux-Montréal. C’est ici que viennent travailler les vingt employés, dont seize journalistes, que compte la salle de nouvelles du Huffington Post Québec. Une cuisine et une salle de réunion vitrée sont les seules pièces qu’il est possible de fermer. L’éditeur et rédacteur en chef, Patrick White, a quant à lui son espace de travail au milieu des pupitreurs.

IMG_0359«Nous sommes arrivés ici en juillet 2012, quelques mois seulement après notre lancement, explique-t-il. Nous avons très vite gagné en crédibilité, auprès des jeunes notamment, grâce à notre couverture du printemps érable. La rédaction a grossi et nous avons déménagé. Pour moi, il était très important que nous gardions une vraie salle de nouvelles physique. Ainsi, nous sommes bien plus réactifs quand les nouvelles tombent. L’information circule mieux. Notre force, c’est la vitesse», explique celui qui, entre deux rendez-vous, s’en va vérifier son compte Twitter.

La vitesse. À tel point que les textes présentent souvent encore quelques coquilles lorsqu’ils sont initialement publiés. Mais qu’à cela ne tienne, le pupitre peut compter sur la force de sa communauté, qui lui fait gentiment remonter les fautes qu’elle repère. Vitesse encore avec les réseaux sociaux. Sur leur bureau, tous les journalistes disposent de deux écrans, l’un d’eux étant en permanence ouvert sur Facebook et Twitter.

IMG_0363«Nos journalistes sont attitrés à telle ou telle rubrique, mais les médias sociaux, c’est l’affaire de tous, confirme Patrick White. Il faut être extrêmement rapide sur la gâchette. Nous avons aujourd’hui plus de 152 000 fans sur Facebook et 65000 abonnés sur Twitter. Nous comptons 1,6 million de visiteurs uniques par mois… et une grande part d’entre eux arrive via les médias sociaux. Parce que nous sommes très souvent parmi les premiers à relayer la nouvelle.»

2/3 de contenu maison

Lorsque ProjetJ a visité les locaux du HuffPost, ça faisait tout juste 48 heures que Jacques Parizeau était décédé.

Nous l’avons appris par la salle de nouvelles du Huffington Post de la Colombie Britannique, raconte le rédacteur en chef. Il était minuit quarante-cinq. Tout de suite, j’ai posté une alerte sur Twitter. Nous avons ensuite tous travaillé de la maison. Obtenir des réactions, écrire une biographie, un édito, trouver des vidéos d’archives, etc. À 2h30 du matin, tout était en ligne. Nous avons une petite équipe, jeune, très flexible. J’ai travaillé à pas mal d’endroits avant de me lancer dans cette aventure, et je peux vous dire que ça n’a rien à voir avec la manière dont ça se passe ailleurs.»

Et pourtant, M. White réfute l’idée, avancée par ses détracteurs, selon laquelle son média se ferait une spécialité de recopier des communiqués de presse. Oui, les premiers éléments à être mis en ligne sont bien souvent une version remaniée du communiqué, mais ensuite, ses journalistes font leurs propres papiers.

IMG_0361«Il est vrai qu’un tiers de notre contenu est viral. Nous partageons des choses et d’autres, des vidéos de chats notamment, à côté desquelles nous écrivons un petit texte. Ça fait partie de notre ADN, admet-il. Mais un autre tiers de notre contenu vient de nos blogueurs. Nous en avons mille huit cents aujourd’hui, ce qui nous assure une belle diversité d’opinions. On l’a vu avec le décès de M. Parizeau. Avant la fin de l’avant-midi, on avait une dizaine de billets de blogues très différents les uns des autres. Et enfin, le dernier tiers, ce sont les nouvelles. Et là, je dirais que la moitié provient des contrats que nous avons avec Radio-Canada, l’AFP et la Presse canadienne, l’autre moitié, étant notre contenu à nous.»

Le HuffPost Québec dispose d’ailleurs d’une trentaine de pigistes, en plus de ses employés à l’interne, pour quadriller le terrain, principalement à Montréal et à Québec. Québec où depuis quelques mois, le pure player a ouvert un bureau à l’Assemblée nationale. Le directeur espère en ouvrir un autre rapidement à la Chambre des communes à Ottawa pour suivre la politique fédérale.

[L’information est maintenant confirmée. Le bureau parlementaire d’Ottawa ouvrira le 3 aout 2015. Le poste sera occupé par Catherine Lévesque, journaliste qui travaille au Huffington Post depuis 2012.]

«On prend la nouvelle politique au sérieux, affirme-t-il. Nous avons notre propre manière d’en parler. Une manière qui va chercher les jeunes car depuis le début, c’est notre public. Parce que nous savons aller les rejoindre. Ils sont sur leurs mobiles, ils sont sur Instagram, on va les chercher là maintenant. S’ils s’en vont sur Snapchat, on s’en ira là-bas aussi. Nous avons un responsable du contenu viral qui regarde ça de près. Et moi aussi bien entendu, c’est mon travail en tant qu’ambassadeur de la marque. Nous avons été les premiers à aller si intensivement sur les médias sociaux. Ça nous démarque. Un peu plus de la moitié de notre trafic aujourd’hui vient du mobile.»

Le virage vidéo

Ainsi, Patrick White s’enorgueillit de «gérer une croissance», quand la plupart des médias tentent tant bien que mal de se sortir de la crise qui frappe l’industrie de plein fouet. Une bonne santé qu’il attribue à la force du réseau, le Huffington Post ayant une vingtaine de succursales un peu partout sur la planète.

IMG_0357«Nous reprenons les meilleurs textes de toutes les rédactions du HuffPost à travers le monde, explique-t-il. Bien sûr en provenance de France, parce qu’ils sont instantanément disponibles en français. Mais il y a un service de traduction en temps réel qui nous permet de piocher dans une base de textes extraordinaire. Nous devenons une véritable petite agence de presse à nous tout seul. Le HuffPost USA va même bientôt se désabonner de l’Associated Press.»

La force du réseau, mais aussi la flexibilité de son équipe, très jeune, et qui ne se pose pas de questions au sujet du multiplateforme puisqu’elle est née dedans. Prochaine grande étape: généraliser la vidéo sur le site.

«Il ne s’agit pas pour l’instant d’avoir notre propre studio comme ils peuvent en avoir un à Toronto, explique Patrick White. Mais nous prévoyons d’embaucher deux vidéojournalistes dans les prochaines semaines pour couvrir l’actualité à Montréal notamment.»

Deux personnes de plus… la rédaction pourrait bien se retrouver à l’étroit dans son loft de la rue Le Royer… un autre déménagement est-il envisagé?

«À court terme, nous allons nous serrer, répond le directeur. Mais pour 2016… il faudra voir comment les choses évoluent.»

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