Les Affaires, un an après l’application iPad

Depuis que TC Média a vendu ses magazines à Quebecor, le groupe ne possède plus que deux salles de nouvelles au 1100, René-Lévesque ouest, à savoir Métro-Montréal et Les Affaires. ProjetJ reprend justement sa visite des rédactions à la recherche des transformations liées au passage au numérique avec l’hebdomadaire économique. Faire plus avec les mêmes ressources humaines, semble-être le maître-mot ici depuis le lancement de l’application iPad il y a un peu plus d’un an.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

[Texte modifié le lundi 31 aout.]

La vue sur Montréal et plus loin sur le Fleuve est époustouflante au vingt-quatrième étage de la tour 1100, René-Lévesque. Mais pas sûr que les journalistes et autres employés de la salle de nouvelles des Affaires aient vraiment le temps de s’y attarder tant le rythme est intense ces derniers mois. La faute à qui? Au plan de numérisation, avec d’une part le site internet, qu’il faut alimenter en actualités alors que l’hebdomadaire avait plutôt pour vocation de se pencher sur des dossiers plus feature. Et d’autre part, depuis un an, l’arrivée de l’application iPad.

«Les ressources humaines n’ont pas augmenté, confirme Julie Cailliau, chef de publication et guide d’un jour pour ProjetJ à travers les allées de la salle de nouvelles. On a juste gagné en efficacité. On s’est adaptés.»

IMG_0387La rédaction compte une quinzaine de blogueurs à l’externe et une trentaine de personnes à l’interne, dont une dizaine de journalistes, des chroniqueurs, pupitreurs, et autres cadres de direction. Tout ce petit monde est réparti dans un grand espace à aire ouverte, plus ou moins par service.

Premier arrêt du côté du pupitre. Ilot crucial, c’est lui qui traite et dispatche le matériel vers le papier et/ou la tablette. Lui qui continue à monter les pages du journal.

IMG_0384«Les pages de l’application Ipad ne sont pas réalisées ici, commente la chef de publication. Elles sont mises en page par le centre d’excellence en édition multiplateforme, entité qui appartient à TC Média, mais qui se situe à Rivière-des-Prairies. C’est cependant le pupitre qui s’assure d’avoir tout le matériel. C’est avec lui qu’on définit ce qui va aller dans la version papier et ce qui va se retrouver seulement sur la version iPad. Puisque bien entendu, il y a plus de stock sur la tablette. Les textes peuvent être en version longue, il peut y avoir des encadrés supplémentaires, des entrevues, des diaporamas, de la vidéo, des infographies, etc.»

Plus de travail

Autant de matériel, qu’à part les infographies, les journalistes doivent désormais fournir. Selon leur intérêt personnel, précise Julie Cailliau. Les journalistes ont reçu cet hiver une formation pour filmer avec un iPad. Certains se mettent à la photo, même si un photographe externe est la plupart du temps envoyé sur les événements à couvrir.

«C’est certain que tout le monde doit travailler fort, poursuit-elle. Mais nous avons mis en place des nouvelles façons de faire, de nouvelles manières de communiquer et de gérer les documents via des outils comme Google Drive notamment. En bout de ligne, les correcteurs ont vu eux aussi leur charge augmenter. Tout le monde a dû s’adapter. On est bien obligés de faire en sorte que tous les textes n’arrivent pas en même temps pour les deux supports. Sinon, ils ne s’en sortiraient pas.»

Deux supports, la tablette et le papier. Le site web fonctionnant plus en flux plus tendu. Une trentaine de textes y sont publiés chaque jour. Des billets de blogues, mais surtout des nouvelles en provenance des agences de presse et des journalistes maison, tous contribuant à toutes les plateformes à la fois. Mais ce matériel-là ne passe pas par le service de correction.

IMG_0382«Le web nous occupe de plus en plus au fil du temps, confirme René Vézina, l’un des chroniqueurs et blogueurs vedettes du journal. Même si c’est une créature dont on ne sait pas encore très bien de quoi elle se nourrit. C’est par ailleurs sur le site que notre part de responsabilité est la plus grande, ajoute-t-il. Parce que la mise en ligne doit être rapide. Et parce qu’on doit faire confiance aux correcteurs automatiques pseudo-intelligents qui nous remplacent parfois Premier Ministre par Premier Sinistre…»

Stratégie sociale et digitale

Les rédacteurs ont en effet la responsabilité de pré-publier leurs textes afin qu’ils soient mis en ligne par le suite par le chef de publication du site lesAffaires.com, Yannick Clerouin.

IMG_0390«Les blogues marchent fort, on travaille donc à les mettre bien en valeur sur le site, explique-t-il. Depuis un an, le site a été redesigné et nous avons gagné en popularité. Nous avons aussi beaucoup repensé le contenu avec de la vidéo parfois, plus de photos, des rendez-vous quotidiens. Le ton est parfois plus rigolo, plus irrévérencieux que sur les autres supports. En même temps, il y a de vraies infos dont les gens ont besoin, comme par exemple notre tour du monde des titres qui bougent avant l’ouverture de la bourse. Le site a beaucoup évolué et ça porte ses fruits.»

Ça porte ses fruits également parce que la direction a décidé de mettre le paquet sur les médias sociaux. Depuis le mois d’avril, Julien Abadie, en remplacement d’un congé maternité, est entré en poste à titre de webmestre. Depuis, il gère également la portion éditoriale de la stratégie sociale et digitale mise en place ces derniers mois.

IMG_0388«J’ai trois objectifs, explique-t-il, accroitre le trafic sur le site web, amplifier l’engagement sur la page Facebook et bâtir une communauté de fans.»

Résultat, en quelques semaines, la page Facebook a gagné 9000 fans pour atteindre le nombre de 29 000 abonnés et l’engagement a cru de 57%. Le compte Twitter affiche quant à lui près de 35 000 followers.

«En janvier, 9% du trafic arrivait des réseaux sociaux, c’est aujourd’hui 20%, avec une pointe, une certaine fin de semaine, à 31%!», rapporte-t-il.

Convergence

Une façon de rajeunir son lectorat même si Julie Cailliau estime que ce n’est pas vraiment un défi pour le journal, son public étant déjà relativement jeune et ne vieillissant pas. Des chiffres qui sont cependant particulièrement étonnants si l’on pense que les articles du journal papier, repris sur le web, se trouvent derrière un mur payant.

«Nous offrons certains textes, précise la chef de publication, mais en grande majorité, nous réservons notre contenu à nos abonnés. Et ça va rester ainsi. Tout comme il n’est pas question d’abandonner le papier au profit de l’iPad. La publicité reste encore très présente dans le journal.»

Mais pour faire vivre la salle de nouvelles, il faut aller chercher d’autres revenus que la publicité et les abonnements. Depuis six à sept ans, Les Affaires organisent ainsi des événements, une cinquantaine par an environ, susceptibles d’intéresser les entrepreneurs et autres cadres et chefs d’entreprises. Aux côtés de la rédaction, Une équipe importante est dédiée à cela, tant pour l’organisation que pour la recherche de contenus.

«Cette dernière tâche est confiée à des producteurs de contenus, dont le travail s’apparente finalement assez à ce que font les recherchistes en radio ou télévision, explique Julie Cailliau. Ils montent des dossiers et il arrive parfois, sur des sujets qui peuvent intéresser nos lecteurs, que nos journalistes travaillent avec eux.»

De la convergence en somme. Tout comme lorsque la salle de nouvelles couvre ces mêmes événements.

«Mais nous gardons notre jugement éditorial, prévient la chef de publication. Nous n’y allons que lorsque nous pensons que cela peut avoir un intérêt pour notre lectorat.»

À voir aussi:

HuffPost Québec: une salle de nouvelles petite et flexible

La Presse: une salle de nouvelles à l’image de son aventure numérique

Salle de nouvelles numérique: être sous les yeux de tous

Conseil de presse: des changements en perspective

«Le Conseil de presse doit corriger des lacunes»

Les experts sont-ils vraiment experts?

You may also like...