Les élections, un terrain de jeu exceptionnel pour les étudiants

Avec plus de 10% de poids média au Québec[1] depuis plusieurs semaines déjà, les élections fédérales sont le sujet du moment pour les journalistes de la province. Mais dans les écoles de journalisme aussi, cette échéance est un thème abondamment décliné. Qu’il s’agisse de la campagne ou de la soirée électorale de lundi prochain, les enseignants estiment que c’est une grande chance pour leurs étudiants de pouvoir vivre un tel événement durant leurs études.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Le 19 octobre prochain, plusieurs étudiants en journalisme vont pouvoir vivre la fébrilité d’une soirée électorale de l’intérieur, comme de vrais journalistes.

«C’est une vraie chance pour eux, estime Daniel Tremblay, professeur à la Cité collégiale à Ottawa, institution qui délivre un diplôme en journalisme en collaboration avec l’université d’Ottawa. Ce soir-là, ils vont côtoyer des journalistes, des vrais. Ils vont pouvoir les observer, leurs poser des questions. Ils vont aussi pouvoir comparer le texte qu’ils nous auront fourni sur la soirée avec ce que les professionnels auront écrit dans leurs médias respectifs. C’est très formateur.»

À la Cité, les étudiants en deuxième année seront envoyés dans un des principaux contés de la région d’Ottawa. Là où il peut y avoir des surprises, là où il y a des choses à surveiller. Dans la semaine qui suivra, ils réaliseront une édition spéciale de leur journal-école sur les résultats des élections fédérales.

«En première année, c’est plus compliqué parce qu’ils viennent tout juste de démarrer le programme et qu’ils ne savent pas encore très bien se débrouiller, explique M. Tremblay. Mais nous avons quand même décidé de les pousser dans le grands bains. Ils doivent donc se choisir un local de campagne et revenir avec cinq photos qui traduisent bien la soirée. Cinq photos sur lesquelles ont peut lire la joie ou la déception d’un candidat ou de ses partisans. Pour eux, ça risque de se jouer sur quelques minutes seulement. Ça va leur permettre d’appréhender la notion de timing. Le fait qu’on ne prend pas son break à n’importe quel moment…»

Couverture en direct

Dispositif encore pus complet à l’Université Laval où les étudiants vont vivre cette soirée du 19 octobre comme de vrais journalistes rattachés à la salle de nouvelles de leur journal-école, L’Exemplaire.

«Nous profitons du fait que nous sommes sur le web pour proposer une couverture en direct, indique Jean-Claude Picard, ancien professeur à l’Université Laval et coordonnateur de la soirée. Il y aura donc à la fois des journalistes sur le terrain, des équipes de deux qui vont couvrir quatre rassemblements dans la région de Québec. Ceux-là vont recueillir des informations, des commentaires. Les autres formeront le pupitre du site. Ils seront chargés de regarder la télévision, de surveiller les réseaux sociaux, de vérifier les informations, bref de faire de la veille durant toute la soirée et de mettre tout le matériel en ondes.»

Certains réaliseront des blocs radio, d’autres enverront des images depuis le local qu’ils couvriront sur le terrain, d’autres encore écriront des textes qui seront mis à jour au fur et à mesure que les résultats tomberont. Un bloc d’analyse avec des politologues professionnels est également envisagé.

Comme de vrais pros

«C’est une vraie chance pour les étudiants de pouvoir couvrir un tel événement, estime le professeur à la retraite. Avec le papier, on ne pouvait pas faire ça car ça prenait trop de temps à sortir. Là, ils vivent une expérience de couverture dans les conditions réelles. Ils font leurs interviews, leurs photos, prennent leurs sons, leurs images, twittent, envoient leur matériel. Tout ça le plus rapidement possible. Comme de vrais pros.»

M. Picard assure d’ailleurs que sur le terrain, ils ne sont pas mis de côté sous prétexte qu’ils sont étudiants. Un point de vue que ne partage pas totalement Daniel Tremblay à la Cité d’Ottawa. Selon lui, il est plus difficile d’obtenir de l’information lorsqu’on est étudiant. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas couvrir ce type d’événements.

«Ça leur apprend à se battre pour obtenir une entrevue, estime-t-il. Souvent, quand ils deviennent ensuite journalistes professionnels et qu’ils œuvrent au sein de groupes reconnus, ils reviennent nous voir et nous disent que ce qui les surprend le plus, c’est la facilité avec laquelle ils obtiennent un rendez-vous!»

À l’Université de Montréal, les étudiants en DESS de journalisme aussi, sont depuis la rentrée, concentrés sur ce même sujet.

«Les élections, c’est un terrain de jeu exceptionnel pour les étudiants, affirme Luce Julien, ex-directrice des nouvelles multiplateformes et de l’information numérique à Radio-Canada et qui partage depuis la rentrée avec Florent Daudens, journaliste à Radio-Canada, une charge de cours sur le journalisme à l’ère numérique. C’est une chance pour eux, mais aussi pour nous, en tant qu’enseignants car ça nous donne un matériel énorme à exploiter et des sujets sans cesse renouvelés.»

Une flopée de sujets pertinents

Ainsi leur cours ce concentre cet automne uniquement sur l’échéance électorale. Durant toute la session, les travaux vont porter dessus. Analyse de l’utilisation des réseaux sociaux par les candidats, couverture en direct d’un des débats des chefs, etc. Toutes les semaines, les étudiants échangent également sur ce qui les a marqués durant les jours précédents.

«Nous avons des étudiants qui ne s’intéressent pas du tout à la politique et que ça doit barber, croit Mme Julien. Mais il nous a paru à Florent et à moi, incontournable de partir sur ce thème. Car même s’ils couvrent plus tard les sports ou la culture, ces futurs journalistes devront comprendre le fonctionnement de la société dans laquelle ils vivent. C’est fondamental qu’ils aient ces connaissances car dans tous les sujets ou presque, il y a des enjeux sociaux et politiques.»

Ces non-passionnés pourraient être portés à croire qu’ils n’en ont plus que pour quelques jours à manger de la politique… mais que né ni! Une fois la soirée électorale passée, il y aura encore une flopée de sujets pertinents à couvrir, croit l’enseignante.

«Les gagnants, le perdants, les nouveaux députés, les circonscriptions qui basculent, les conséquences sur des questions telles que l’accueil des migrants ou la place de la culture, énumère-t-elle. On va pouvoir en parler encore longtemps!»

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«J’ai envie d’être dans une salle de presse pour couvrir une élection!»

Guillaume Levasseur fait partie des étudiants de Florent Daudens et Luce Julien à l’Université de Montréal.
ProjetJ a voulu avoir son sentiment par rapport à la couverture de la campagne.

Couvrir la campagne électorale durant toute une session, c’est pas un peu lassant?

Personnellement, je trouve ça réaliste. J’imagine que dans une salle de nouvelles se faire assigner un beat comme la campagne électorale est quelque chose d’assez fréquent et ça reproduit un peu cela. Je trouve donc cela pertinent comme exercice. Une campagne électorale c’est un évènement qui monopolise tellement l’actualité qu’il est de toute façon très dur de passer à côté!

Quel intérêt y trouvez-vous?

Je suis peut-être un peu biaisé sur la question, ayant fait un baccalauréat en politique appliquée avant le DESS, la politique m’intéresse beaucoup. Je trouve intéressant les mini «réunions de production» que Luce Julien nous fait avoir en début de cours, de trouver des sujets et des angles en lien avec la campagne. Ce n’est pas toujours facile, mais ça nous force à nous faire une tête et à réfléchir avant le cours pour avoir une idée. Cela me donne sincèrement envie d’être dans une salle de presse pour couvrir une élection!

Pensez-vous que tout journaliste, quel que soit son beat, devrait avoir des notions de politique?

Je crois que oui. C’est pertinent d’avoir au moins une base sur ces aspects. Parce que peu importe le sujet couvert, il va finir par y avoir un jour un lien avec la politique: sport, culture, faits divers…  Ça permet d’avoir une autre profondeur d’analyse qui peut toujours être utile.

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[1] Source : Influence Communication

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