Ex-journalistes, qu’êtes-vous devenus?

C’est la question que se posent deux professeures des universités de Toronto et Concordia. Via un sondage à remplir sur le net, elles cherchent à comprendre où sont passés les quelques milliers de journalistes qui ont quitté leur poste ces dernières années, à la suite d’un licenciement ou d’un départ volontaire. Une enquête qui permettra également de comparer notre situation à celle de l’Australie, qui a déjà procédé à un travail comparable.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Fermeture ou fusion de salles de nouvelles, coupures budgétaires, réorganisation du travail, détérioration des conditions de travail… autant de raisons qui font en sorte que nombre de journalistes se sont retrouvés mis à pied, ou ont décidé de profiter d’un programme de départ volontaire ces dernières années. Qu’advient-il d’eux par la suite?

«Au Canada, depuis la récession de 2008, le secteur des médias est en constante restructuration, et bon nombre de travailleurs du domaine ont été remerciés de leurs services, peut-on lire en introduction du sondage publié il y a quelques semaines par les chercheures. Et pourtant nous en savons très peu sur ce que ces travailleurs vivent après leur départ d’une entreprise médiatique. Notre étude permettra de mieux mesurer l’effet de telles mises à pied et réorientations professionnelles obligées sur l’évolution actuelle du journalisme canadien.»

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Avez-vous suivi des séances de formation ou de perfectionnement avant la mise à pied ou le départ volontaire, notamment dans le domaine des contenus numériques? Avez-vous été soutenu par votre syndicat? À quoi ressemblait le marché de l’emploi? Avez-vous mis du temps à vous retrouver un poste? Dans le journalisme? Dans un autre domaine? Envisagez-vous un jour de revenir au journalisme? Nicole Cohen de l’Institute of Communication, Culture, Information and Technology de l’Université de Toronto Mississauga et Andrea Hunter du Département de journalisme à Concordia, veulent tout savoir de vous.

Baisse de revenusPert

En plus de permettre de comprendre la situation professionnelle et émotive que vivent les victimes de la crise que traversent les médias d’information, ici, l’étude canadienne permettra également de comparer notre situation à celle de l’Australie.

«Une étude similaire a été réalisée par des chercheurs en Australie, explique Andrea Hunter. Nous espérons pouvoir tirer des conclusions de la comparaison entre les deux pays car il y a des similitudes dans nos deux systèmes de médias. Nous tenons également à mettre l’expérience canadienne dans un contexte international plus large.»

Les premiers résultats australiens ont d’ailleurs déjà été publiés. Ils révèlent que 85% des journalistes ayant perdu leur job depuis 2008 ont retrouvé un emploi. Mais qu’il s’agit seulement pour 33% d’entre eux d’un poste à temps plein dans le domaine du journalisme. 7% d’entre eux sont toujours à la recherche d’un travail, 8,5% ont profité de cette opportunité pour prendre une pause. Mais alors que 77% d’entre eux gagnaient entre 80 000 et 140 000 dollars australiens (78 000 à 136 000 CAD) avant leur perte d’emploi, ils sont aujourd’hui 65 % à toucher moins de 80 000 AUD annuellement.

Surtout, nombre d’entre eux disent avoir très mal vécu leur mise à pied ou leur départ volontaire. La majorité rapporte des sentiments négatifs, décrivant cette expérience comme «insoutenable», «traumatisante» et «catastrophique».

230 réponses attendues

L’un d’eux révèle avoir eu le «cœur brisé comme lorsqu’une relation amoureuse se termine». Un autre décrit ce moment comme «presqu’aussi choquant que d’avoir appris qu’il souffrait d’un cancer».

Un journaliste compare le manque d’interaction avec ses collègues et le silence qui s’est installé dans la salle de nouvelles au moment de son départ aux instants qui suivent la mort d’un membre d’une famille à la suite d’une logue maladie.

Un tiers des répondants australiens affirment cependant avoir vécu l’expérience de manière positive. Comme une libération, même.

Les deux chercheures canadiennes s’attendent à recevoir 230 réponses environ afin de pouvoir réellement comparer les résultats avec ceux de la recherche australienne. Les personnes intéressées ont jusqu’au 15 mars pour remplir le sondage en ligne.

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