Plagiat à grande échelle

Plusieurs journalistes québécois ont eu la mauvaise surprise ces derniers jours de découvrir que le site de nouvelles Sivertimes.com, supposé être basé à Toronto, traduisait mots pour mots leurs articles avant de les publier sans leur en accorder la paternité. Malgré l’évidence de la fraude, il pourrait bien s’avérer difficile d’y mettre un terme, le site semblant en réalité être installé en Ukraine.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

non-au-plagiat-tpe-1024x444«Tout a commencé pour moi la semaine dernière, raconte Nathalie Côté, pigiste à La Presse. Je suis tombé sur le statut Facebook de Caroline Rodgers, elle-même collaboratrice à La Presse, et qui avait vu plusieurs de ses textes repris. J’ai vérifié moi-même. J’y ai retrouvé nombre de mes articles et j’en ai reconnu d’autres aussi de mes collègues.»

Même chose du côté de La Voix de l’Est où la journaliste Marie-Ève Martel a fait une petite recherche après qu’un de ses collègues a retrouvé dimanche, un de ses articles sur cette même plateforme. Résultat, en quelques minutes hier, elle est tombée sur plus de quarante textes en provenance du quotidien de Granby.

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«Les textes sont traduits en anglais et toutes les mentions de nos noms et du média sont retirées, explique-t-elle. On retrouve parfois «The Voice of the East» dans le texte dans les formules du type «a indiqué à La Voix de l’Est…».

La Presse, Groupe Capitales Médias, et ce matin, c’est TC Média qui apprend à ses dépends avoir lui aussi été plagié. Aucun groupe ne semble donc épargné par la fraude quasi systématique… mais pour le moins difficile à faire cesser. En effet, si les mentions officielles font croire que le site est basé à Toronto… il semble bel et bien qu’il se situe plutôt en Ukraine.

Plusieurs journalistes ont d’ailleurs contacté directement les responsables de Sivertimes.com pour leur demander de mettre un terme immédiatement à ce vol de contenu. Marie-Ève Martel a pour sa part reçu une réponse en ukrainien, lui indiquant en substance qu’elle devrait plutôt se réjouir de voir ses papiers lus dans le monde entier… alors que personne ne lit son journal à Granby.

Des avocats à La Presse

De son côté, Nathalie Côté s’est tournée vers Copibec, l’organisme qui gère les droits d’auteur des journalistes. Mais celui-ci lui a répondu ne pas être en mesure de faire quoi que ce soit tant que le site ne lui demande pas un droit de reproduction. La Presse a quant à elle mis des avocats sur le coup après que plusieurs de ses pigistes se soient plaints, précise Mme Côté.

«C’est frustrant car il semble bien que nous soyons complètement démunis, indique-t-elle. Si encore le site était vraiment à Toronto, nous pourrions envoyer une mise en demeure. Mais en Ukraine…»

«C’est du vol, ajoute Marie-Ève Martel. Ce site se fait de l’argent en vendant de la publicité, et ce, grâce à notre contenu. Ce n’est pas une plateforme qui semble avoir beaucoup de trafic. Mais c’est une question de principe.»

La jeune journaliste a par ailleurs écrit un billet sur son blogue ce matin pour dénoncer la situation.

De son côté, Valérie Gaudreau du Soleil, a également retrouvé plusieurs de ses textes sur Sivertimes.com, notamment ceux portant sur le maire de Québec, Régis Labeaume. Elle raconte sur Facebook que la direction de son journal avait tenté de joindre les administrateurs du site un peu plus tôt cette année et que l’article dont il était question a l’époque a aujourd’hui disparu.

Contacté par Projet J, le directeur de l’information de La Voix de L’Est Marc Gendron, a quant à lui indiqué avoir que bien peu de choses à dire pour l’instant sur cette affaire, mais la prendre très au sérieux.

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