La CSN préconise un crédit d’impôt pour les entreprises de presse

Un mois après le colloque organisé à Québec et intitulé, le quatrième pouvoir sous pression, la confédération des syndicats nationaux (CSN) publie ce matin un rapport, présentant plusieurs pistes de solution pour sauver la presse écrite au Québec. Revue de détails.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Plusieurs solutions à plus ou moins long terme sont envisagées dans ce document de 52 pages présenté ce matin lors d’une conférence de presse au Palais de congrès de Montréal. Leur but, mettre fin à la saignée que vivent de plus en plus de salles de nouvelles à travers toute la province. Des solutions de soutien à la presse écrite notamment, qui ne veulent être que temporaires, le temps que l’industrie ne trouve enfin le nouveau modèle d’affaires qui lui permette de renouer avec l’équilibre.

«Les propositions présentées ci-dessous offrent des pistes de solution pragmatiques, adaptées aux défis de ce secteur, peut-on lire. Elles se veulent temporaires, échelonnées sur une période de cinq ans, relativement faciles à financer et engagent la responsabilité de tous les intervenants qui veulent autre chose qu’un statu quo insensible aux nouvelles réalités, aux besoins du public et à la liberté de la presse.»

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Première d’entre elles, le crédit d’impôt remboursable sur la masse salariale, qui s’inspire de ce qui est présent dans le secteur des titres multimédias ou de la production cinématographique et télévisuelle.

Selon le rapport, son but serait de soutenir au Québec des secteurs générateurs de contenus québécois de taille et de qualité supérieures à ce que les seules lois du marché permettent de financer, et ainsi de préserver et créer des centaines d’emplois générant à leur tour des rentrées fiscales significatives.

Faire payer Google

La Fédération nationale des communications (FNC), branche de la CSN qui représente plusieurs milliers de travailleurs de l’information partout au Québec, préconise ainsi un crédit d’impôt d’une valeur de 25 % des dépenses salariales des entreprises québécoises de presse écrite qui produisent de l’information originale. Ce montant pourrait être majoré à 35 % si l’entreprise admissible avait pour mission de couvrir l’actualité autre que celle du Grand-Montréal, l’information régionale, étant, selon elle, la plus à risque de disparaitre.

Autre piste proposée, toujours à court terme, et toujours sur une durée de cinq ans, des aides pour aider les entreprises de presse d’ici à s’adapter au nouveau marché publicitaire, et ainsi éviter que celui-ci ne soit raflé par les multinationales du type Google ou Facebook, qui me produisent aucun contenu québécois. Enfin, la FNC souhaite l’intégration d’un volet «médias» au plan culturel numérique du Québec pour soutenir l’innovation des sites de presse en ligne qui offrent des publications numériques quotidiennes d’information politique et générale.

«Car au-delà de son rôle d’information, la presse écrite est un bien culturel», affirment les auteurs du rapport, qui rappellent notamment que la plateforme La Presse + a permis d’aller chercher de nouveaux lecteurs, plus jeunes et qui n’ont jamais été abonnés à La Presse papier…

Nouvelles taxes

Si ces trois propositions à court terme demandent à ce que l’État aille puiser dans ses caisses pour revitaliser une industrie en pleine perte de vitesse, le syndicat souhaite que les citoyens aient eux aussi à ouvrir leur portefeuille. Après tout, souligne-t-il, la modification de leurs habitudes et de leurs pratiques de consommation des médias leur a fait collectivement épargner 87 M$ en réduction des frais d’abonnement aux médias papier en dix ans.

La CSN entrevoit donc favorablement la possibilité que de nouvelles taxes soient ajoutées soit sur les services internet, soit sur les achats d’équipements électroniques dotés d’un écran. Surtout, elle lorgne du côté de ce qui se discute aujourd’hui en Europe pour mettre de l’avant la possibilité de taxer les entreprises de nouvelles technologies qui utilisent les infrastructures d’ici pour rejoindre le public canadien, telles que Google, Amazon ou encore Facebook.

Ce faisant, la confédération ne minimise pas tout l’enjeu politique d’une telle décision.

«Ces avenues ne sont pas des décisions faciles à prendre, les obstacles sont nombreux, la résistance pourrait être très forte, mais des solutions doivent être mises de l’avant pour que ces sociétés participent au financement des produits culturels québécois et canadiens comme le font d’ailleurs les entreprises de distribution de radiodiffusion, peut-on lire. Les citoyens pourraient se sentir sollicités une fois de plus. Cela est certes vrai. Mais ils sont interpellés pour sauvegarder une fonction essentielle au dynamisme de la société québécoise et à sa vitalité démocratique.»

La CSN souligne également que le Canada bénéficie d’une crédibilité importante dans le monde culturel et technologique et qu’il pourrait devenir un chef de file dans ce dossier en faisant connaître ses façons de faire qui sont démocratiques et respectueuses des droits des citoyens et des citoyennes.

Reste à espérer que ce énième rapport sur la crise que traversent les médias en général et le métier de journaliste en particulier, ne connaitra pas le même sort que celui de ses prédécesseurs, à savoir prendre la poussière sur l’étagère d’un ministère.

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