De plus en plus de patrons de presse en faveur d’un soutien public

Depuis que la Fédération nationale des communications (FNC) a officiellement sollicité les gouvernements afin qu’ils soutiennent une industrie des médias en plein virage numérique, plusieurs patrons de presse sont sortis du bois pour appuyer cette demande. Revue de détails.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Porte-drapeaux de ce mouvement, inusité en Amérique du Nord alors que l’Europe est plus coutumière du fait, le quotidien Le Devoir et les groupes Transcontinental et Capitales Médias.

« La majorité des journaux que nous possédons sont dans de très petits marchés, où ils produisent des nouvelles locales, a indiqué le président et chef de la direction de Transcontinental, François Olivier. Je pense que les gouvernements ont un rôle à jouer pour nous aider à traverser la transition du papier vers le numérique. »

Il s’exprimait ainsi le 10 juin dernier, en marge de la publication des résultats financiers du dernier trimestre, qui dévoilait des profits en forte baisse.

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Quant à Brian Myles, très récent directeur du Devoir, il s’est déjà exprimé plusieurs fois sur le sujet, estimant ce soutien essentiel afin de maintenir une information de qualité, alors que les entreprises de presse vivent des difficultés financières tout en ayant l’obligation, pour survivre, de développer de nouvelles plateformes, occuper de nouveaux espaces pour rejoindre de nouveaux publics.

Les réserves de La Presse

Tous trois demandent en somme la même chose que la Fédération nationale des communications, à savoir une réduction de la taxe sur le recyclage du papier utilisé pour l’impression des journaux, un crédit d’impôt sur la masse salariale, et/ou de nouvelles taxes qui pourraient être imposées aux consommateurs de nouvelles ou encore aux multinationales telles que Google ou Facebook, qui s’accaparent une grande partie des revenus publicitaires sans jamais produire de contenu d’information.

Le groupe Postmedia, propriétaire notamment de The Montreal Gazette, a appuyé le mois dernier cette demande de  soutien, suggérant quant à lui aux gouvernements d’augmenter leurs dépenses publicitaires dans les journaux du pays.

Tous assument que ce soutien ne saurait être que temporaire, afin de permettre à l’industrie de réaliser son virage numérique et de trouver le modèle d’affaires lui permettant de prendre un nouveau départ pérenne et sain.

Le groupe Quebecor ne s’est quant à lui pas encore prononcé sur le sujet. Quant à La Presse, si ses dirigeants concèdent que le contexte est difficile dans l’industrie, ils ne voient rien d’enthousiasmant à ce qu’un gouvernement vienne mettre son nez dans leurs affaires. Est-ce que l’indépendance des salles de nouvelles sera préservée? Et puis d’abord, qui financera-t-on? Les médias dits indépendants, les conglomérats aussi, le blogueur dans son sous-sol? Qui décidera de qui est un  producteur d’information?

Pas d’aide de Québec dans l’immédiat

Autant de questions auxquelles il faudra effectivement répondre si les gouvernements décident de prendre la balle au bon. De ce côté d’ailleurs, c’est pour l’instant le silence radio. Seule Hélène David, alors Ministre de la Culture du Québec, s’est exprimée dans les pages du Devoir en avril dernier, soulignant que Québec n’envisageait pas d’aide immédiate pour la presse écrite. Elle rappelait dans le même temps à ses collègues, l’importance, pour leur ministère, d’acheter de la publicité dans les journaux régionaux, une source de revenus majeure pour ces publications.

«Le défi est de trouver un mode de distribution qui ne va pas servir à financer des contenus à faible valeur démocratique ou civique, comme les sports, les spectacles, les sections spéciales de tourisme, la mode, etc., estime pour sa part, Marc-François Bernier, professeur au département de communications de l’Université d’Ottawa. Le marché favorise déjà ces contenus. Pour être légitime, l’aide publique doit servir à du journalisme d’intérêt public.»

Selon lui, il faut trouver un mécanisme qui ne soit pas une forme d’ingérence dans la gestion des salles de rédaction, mais qui ne soit pas non plus une subvention qui irait à du journalisme de divertissement ou de promotion.

«Il n’y a sans doute pas de mécanisme parfait, mais il est sans doute possible d’en trouver un qui soit raisonnable et légitime», conclut-il.

Dans la même veine, et afin de tenir compte des bouleversements que vit l’industrie, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a pris la décision la semaine dernière, de donner plus de flexibilité aux télédiffuseurs qui produisent des nouvelles locales, dans la manière dont ils allouent leurs ressources financières. Le Conseil a par ailleurs annoncé la création d’un Fonds pour les nouvelles locales indépendantes, qui mettra quelque 23 millions à la disposition des stations indépendantes pour la production de nouvelles locales.

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