Révélations au sein du MTQ: quand le journalisme fait sauter une sous-ministre

En mai dernier, le journaliste Louis Lacroix lance une petite bombe en révélant dans les pages de L’Actualité, des irrégularités et des cas d’intimidation au sein même du Ministère des transports à Québec (MTQ). Une enquête qui quelques jours plus tard, a valu son poste à la sous-ministre Dominique Savoie. S’il avoue avoir très vite compris que son article aurait beaucoup d’impact, le courriériste parlementaire de Cogeco n’imaginait pas que cela puisse aller jusque-là. Pour Projet J, il revient sur les quelques semaines qui ont précédé la publication.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

louisLacroix_picProfile-300x240«J’ai démarré là-dessus un mois environ avant la publication, raconte-t-il. Au départ, j’enquêtais sur l’Unité permanente anticorruption, l’UPAC. J’avais eu vent de tensions avec les anciens de l’Unité anti-collusion, l’UAC, de Jacques Duscheneau. Depuis que la première a avalé la seconde, des clans se sont formés. Je faisais des recherches là-dessus et c’est là que d’autres informateurs m’ont parlé de la situation au Ministère des transports. J’ai décidé de changer mon approche.»

Le 17 mai dernier, dans les pages de L’Actualité, Louis Lacroix publie donc un long article intitulé L’UPAC a-t-elle ignoré des plaintes du ministère des Transports? On y apprend  que l’ex-ministre des transports, Robert Poëti, estime avoir manqué de temps pour amorcer les changements qu’il juge nécessaire au MTQ. Intimidations à l’encontre des vérificateurs des contrats, irrégularités dans l’octroie des chantiers, pouvoirs concentrés dans les mains de la sous-ministre Dominique Savoie, l’article révèle des pratiques douteuses au sein du ministère et un refus systématique de la part de l’UPAC d’aller mettre son nez dedans.

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«C’était gros ce que j’avais entre les mains, je m’en suis tout de suite rendu compte, explique M. Lacroix. Je ne pouvais pas sortir avec ça sans avoir vérifié et contre-vérifié ce que chacun me disait. Ça n’a pas été facile de faire parler les gens au ministère. J’ai travaillé avec au moins quatre personnes qui m’ont donné de l’information et ensuite, ça a été revérifié par l’intérieur. Et puis en toute fin, lorsque j’avais toute ma matière, j’ai demandé une entrevue avec M. Poëti puisque ce qui m’était révélé se déroulait lorsqu’il était ministre. Au départ, il a refusé, prétextant le secret ministériel. Je lui ai laissé quelques jours pour réfléchir et il a fini par accepter de me parler.»

Si la structure de l’article donne l’impression que tout a commencé avec Robert Poëti, il n’en est donc rien, indique le journaliste. Ça n’a pas été la base de l’histoire, mais il a accepté de donner sa aversion des faits. Lui, dit avoir voulu faire le ménage, modifier l’organigramme pour gagner en transparence et mettre fin aux pratiques d’intimidation. Il avait un plan de match sur quatre ans, dont le remaniement de janvier aura eu raison, son successeur, Jacques Daoust, ne l’ayant pas repris à son compte.

Bientôt la suite

«Est-ce justement parce que M. Poëti voulait faire le ménage qu’il a été écarté? Ce n’est pas à moi d’avancer cela, répond Louis Lacroix. Le Premier ministre Couillard dit que non, au ministère, des sources me disent que la sous-ministre Lavoie aurait eu assez de poids pour demander son départ. Moi, je me cantonne à exposer la situation, c’est à chacun de se faire  son idée ensuite.»

Chose certaine, il y aura une suite à ces révélations.

«Je travaille là-dessus, confie-t-il. C’est sûr que lorsque tu publies un papier comme celui-ci, il y a des gens qui veulent te parler. De quoi? Je vais garder ça pour moi pour l’instant… Mais il y a des gens qui m’appellent.»

En secret. Louis Lacroix ne sait pas s’il y a une chasse aux sorcières au ministère pour débusquer ceux qui lui auraient parlé, mais il regrette que nombre de ses informateurs veuillent préserver l’anonymat, de peur de représailles.

«Je le comprends, conclut-il. S’ils prennent l’initiative de parler à un journaliste, c’est sans doute qu’ils ont essayé d’exprimer certaines choses en interne et qu’ils ne se sont pas fait entendre. Mais c’est dommage que dans une société comme la nôtre, une des plus avancées au monde sur le plan démocratique, les gens soient encore obligés de se cacher pour dénoncer.»

(((Photo L’Actualité)))

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