Faut-il avoir peur du journalisme de demain?

Comme chaque semestre, Méta-média, la plateforme web traitant de prospective à France Télévisions, approfondit plusieurs questions liées à la transformation des médias et à l’avenir du journalisme. Dans la nouvelle mouture parue cet été, deux sujets ont particulièrement intéressé ProjetJ, à savoir le journalisme à 360° et les robots-journalistes.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Que se passe-t-il lorsque le journalisme est porté à 360°, se demande Hervé Brusini, directeur de la stratégie éditoriale et de la diversité chez France Télévisions.

«Il bouillonne d’idées, il frémit de questions, répond-il. Disposer ainsi d’un nouvel outil de prise de vues ne peut que déclencher son enthousiasme mais aussi remettre en cause bien de ses pratiques.»

Mais qu’est-ce donc que ce journalisme à 360°? Tout simplement l’arrivée de la réalité virtuelle dans le champ journalistique. Plusieurs caméras, des GoPro généralement, placées les unes à côté des autres de manière à former un cercle, et qui à elles toutes filment toute la scène, sous tous les angles, laissant tout le loisir au spectateur de naviguer dedans, d’explorer, de regarder où bon lui semble… et non plus là où le journaliste souhaite qu’il focalise.

«Interrogez les journalistes reporters d’images ou rédacteurs, ils vous diront à quel point l’essai d’un équipement en 360° a constitué pour eux un réel bouleversement, écrit M. Brusini. Il leur a donné le sentiment de retrouver les sensations du reportage dans l’acceptation la plus simple: être à l’endroit de l’événement et par cette présence professionnelle, faire connaitre ce qui se passe. Pour autant cet émerveillement provoque instantanément une multitude de questions.»

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Que devient l’exercice journalistique dans le dispositif à 360°, est-on en droit de se demander. Et qu’en est-il du récit, de la narration dans une telle expérience?

L’auteur répond que nous ne sommes qu’au tout début de cette ère du 360°. Qu’aujourd’hui, tout le travail de cette nouvelle forme  de journalisme consiste à trouver le bon angle. À placer les caméras à un endroit bien précis, celui qui procurera la plus grande expérience au public, la sensation d’y être. Mais la technologie évolue à vitesse grand V et les outils deviennent plus perfectionnés chaque jour ou presque.

«Si l’intervention du professionnel se contente de poser au bon endroit, au bon moment, un appareil de captation et diffusion d’images, le geste est plus que frustrant au regard de la richesse du métier, convient le cadre de France Télévisions. Le reporter ne guide plus le regard de l’audience. C’est cette dernière qui se fait son récit, comme un badaud observe une scène et se fait son récit en son for intérieur. La nouvelle écriture du reportage à 360° consistera alors (comme on le voit déjà dans plusieurs tentatives) à superposer des informations écrites sur l’écran, sous forme de panneaux virtuels disposés ici et là pour éclairer, ajouter, approfondir l’information sur des participants, des lieux, des problématiques. Déjà les questions et commentaires pullulent dans l’application Periscope.»

Plus de contenus à valeur ajoutée

capturePeur donc de la part des journalistes de n’être plus que des poseurs de caméras. Peur également de se voir remplacer par des robots. Mais là encore, les auteurs de Méta-média se veulent rassurants.

«Est-ce que les algorithmes vont remplacer les journalistes?, questionne Erwann Gaucher, directeur du numérique à France Bleu. On prend le problème à l’envers: nous n’avons pas les journalistes qui rédigeraient les 36 000 textes différents pour 36 000 communes.»

M. Gaucher fait référence à la première grande expérience menée en France en la matière, à savoir la couverture des élections régionales de décembre 2015. Des robots, des algorithmes en réalité puisqu’il ne s’agit ni d’humanoïdes, ni même de bras articulés qui taperaient sur un clavier, avaient rédigé des textes automatisés délivrant les résultats du scrutin commune par commune. 36 000 textes donc.

«Je peux utiliser des algorithmes pour faire ce qu’on ne peut pas faire, ajoute le directeur du numérique. Mais ma limite, c’est de mettre une voix de synthèse à la place d’une voix chaude qui va interagir avec le public. La radio, c’est la voix, parfois même plus la voix que l’info, la voix qu’on accepte d’avoir dans sa salle de bain le matin.»

Et de préciser que les rédacteurs en chef ont maintenant la responsabilité de faire évoluer leur offre éditoriale en redéployant leurs journalistes sur des contenus avec une vraie valeur ajoutée.

«Le texte rédigé par un logiciel est un début, pas une fin», conclut-il.

Pour télécharger l’édition complète de Méta-média #11 (Au delà du mobile), c’est ici.

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