Les médias, des marques comme les autres

gam17_couverture_grandeC’est en tout cas ce qui ressort d’un dossier paru dans la toute nouvelle mouture du Guide annuel des médias édité par Infopresse. Le crédo? Pour sortir de la crise, les médias doivent parvenir à attirer les milléniaux, qui eux, sont très sensibles à l’image des marques et aux valeurs qu’elles véhiculent. Fini la bullshit, place à l’authenticité.

 Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

«Habituellement, vieillir est un signe de sagesse: pourtant, l’industrie des médias se transforme sans jamais pouvoir se reposer sur ses lauriers.»

Dans son éditorial du Guide annuel des médias 2017, le président et éditeur d’Infopresse Arnaud Granata explique qu’après les changements de la télé, de la radio et de l’affichage, l’arrivée du web, des plateformes mobiles et des réseaux sociaux, la réalité virtuelle force maintenant les marques, leurs agences et les médias à inventer constamment de nouvelles façons de faire et à trouver de nouveaux modèles de revenus. Il ajoute que pour s’en sortir, l’industrie des médias devra parvenir à capter les nouvelles générations de consommateurs, les fameux milléniaux, sans pour autant faire fuir les plus anciennes. Bref, faire cohabiter médias traditionnels et nouveaux; nouveaux formats et anciens.

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Cette nouvelle mouture du guide des médias débarque donc avec, comme chaque année tous les chiffres et statistiques de l’industrie. Les journaux les plus lus, les radios les plus écoutées, les chaines de télé les plus regardées, les réseaux sociaux préférés des Québécois, la croissance de la mobilité, etc., tout y est. Mais il arrive surtout avec un dossier complet sur les nouvelles tendances, et tente  quelques pistes de solutions.

Vice, plus mature

En vedette, Ryan Archibald, directeur général de Vice Media Canada, celui qui a justement su aller chercher les milléniaux sur leur terrain. Un homme qui ne se dit pas ému par les prévisions alarmistes concernant l’avenir des médias. Lui prêche pour l’authenticité, soulignant que Vice a beaucoup changé ses derniers mois, que le ton différent, certains diront mordant, demeure mais que le contenu est devenu plus mature.

«Beaucoup de gens le disent, mais c’est vrai: l’authenticité est la voie à suivre, affirme-t-il dans une entrevue accordée à la journaliste Gabrielle Jacques. Nous traitons de sujets que nous croyons réellement intéressants, d’un angle qui est accessible. Nous cherchons à nous présenter de façon à ouvrir la conversation.»

Une conversation qu’il souhaite maintenant avec les Québécois puisque la chaine télé Viceland arrive à Montréal… en conquérant, ajoute la journaliste, qui, rapportant les propos de Ryan Archibald, souligne que l’auditoire est déjà grand alors que le site n’en est qu’à ses premiers balbutiements en français.

Conversation, transparence, authenticité, liberté… Vice aurait tout compris des milléniaux à en croire les témoins, annonceurs, producteurs de contenu, directeurs marketing, influenceurs, avec lesquels Infopresse a discuté pour tenter d’entrer dans la tête de ces fameux milléniaux que tout le monde s’arrache.

«Il est souvent plus judicieux d’engager les milléniaux avec des campagnes ciblées, peut-on lire. Ils ont des détecteurs de bullshit. Il est devenu très rare qu’on arrive à les engager par a masse média et que tous voient ton message en même temps. Il faut y aller de manière plus nichée avec des associations de valeurs.»

S’adapter aux technologies

Une nouvelle réalité à laquelle les médias d’information ne peuvent pas déroger puisque de ces annonces et du lectorat qu’elles sont capables d’atteindre, dépend en grande part leur financement. Mais aussi parce que de l’avis de tous, les médias eux-mêmes doivent aujourd’hui se comporter comme des marques si elles veulent percer dans le nouvel écosystème.

Infopresse revient notamment sur les raisons qui ont mené La Presse a abandonné l’imprimé au profit d’une édition tablette offerte gratuitement aux consommateurs. Il s’agissait alors de rajeunir le lectorat et d’augmenter les revenus publicitaires tout en continuant d’offrir du contenu de qualité à moindre coût. Mais pour y parvenir, encore fallait-il faire un examen approfondi de ce qui constitue l’ADN de la marque La Presse.

«Pour plusieurs lecteurs, notre marque était très liée au papier, estime son président et éditeur Guy Crevier en entrevue avec Julie Buchinger. Pas pour moi. Le papier est un moyen, un support. La marque de La Presse, c’est sa capacité à produire des contenus de qualité, de grands dossiers, du journalisme d’enquête; c’est une salle de rédaction de 250 personnes.»

Et Guy Crevier d’ajouter que peut-être que la tablette ne fonctionnera plus bien dans vingt ans, mais que l’essentiel, c’est que la marque La Presse soit capable de s’adapter aux nouvelles réalités technologiques présentes ou futures.

Médias publics

Même constat dans les médias publics, qui eux aussi considèrent qu’on ne peux plus faire autrement que de penser les médias comme des marques.

«Dans l’abondance actuelle de l’offre, même lorsqu’on est une chaine publique et qu’on a une mission à porter, souligne la directrice générale de Télé-Québec, Marie Collin, il faut que la marque soit forte, avec un positionnement très clair pour que le citoyen, le téléspectateur et le consommateur sachent exactement  le type d’expérience qu’offrira notre plateforme.»

Même son de cloche à Radio-Canada, qui en rassemblant en 2013 toutes ses propriétés sous le dénominateur «Ici», a voulu se doter d’une plus grande cohérence et renforcer la notion de groupe média de service public. Avec un bémol cependant.

«Par la nature même de son mandat, un diffuseur public est plus qu’une marque, nuance le vice-président principal de Radio-Canada, Louis Lalande. Il y a des choses que nous ne pouvons pas faire parce que ce n’est pas ce que les citoyens attendent de nous. Et quand ça arrive, ils nous les disent haut et fort!»

Et de conclure que la clé du succès est de trouver le bon équilibre entre les réflexes d’une marque et la responsabilité de diffuseur public.

Rester soi-même en somme. Authentique, en d’autres termes.

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