Terrorisme: les médias publics francophones coopèrent

Afin de mieux couvrir les questions liées au terrorisme, les médias publics du Canada, de la France, de la Belgique et de la Suisse collaborent et échangent des informations. Une façon de s’adapter à la dimension transnationale du phénomène, à l’image des consortiums d’investigation déjà existants entre différents médias.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Nouvelles erronées, scoops qu’il faut par la suite démentir, photos trop crues, témoignages sensationnalistes… depuis le début de la dernière vague d’attentats terroristes en Europe, les médias ne cessent de se faire critiquer sur leur couverture des événements.

Pour y remédier, les médias publics francophones ont décidé de travailler ensemble. En amont et dans le cas d’une nouvelle attaque. C’est ce qu’on apprenait dans les pages du journal Le Monde au printemps. Comment cela se traduit-il six mois plus tard?

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«On s’échange des informations, indique le directeur général de l’information de Radio-Canada, Michel Cormier. Nous avons plusieurs équipes qui enquêtent sur ce phénomène ici à Radio-Canada, et aussi bien entendu en Europe. On  s’assure que ces équipes soient en contact constant pour s’échanger de l’information et qu’elles puissent profiter de l’expertise de chacun pour faire des reportages. Que ce soit de l’enquête approfondie ou dans la couverture d’événements ponctuels.»

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Il ne s’agit cependant pas pour l’instant de pouvoir diffuser à l’antenne un sujet fait par d’autres, mais bien d’échanger des informations fournies par des sources, de vérifier, de recouper, de croiser des données, d’échanger des tuyaux, des numéros de téléphone.

À Radio-Canada, cela concerne principalement les journalistes de l’émission Enquête ainsi que quelques autres à la salle de nouvelles, qui travaillent sur les filières djihadistes.

Accélérer la couverture

«Concrètement, si demain il y avait malheureusement un nouvel attentat, cette collaboration nous permettrait d’accélérer la couverture car nous pourrions recouper plus vite les informations que chacun parviendrait à avoir de ses propres sources», explique M. Cormier.

Il ajoute que cette collaboration ne vient pas avec une harmonisation de la couverture.

«C’est un dossier séparé, indique-t-il. Chacun y va de sa propre politique, sa propre philosophie. Je ne sais même pas si nous avons de grandes différences, on n’en a pas discuté de façon formelle.»

Le directeur de l’information rappelle que Radio-Canada ne montre pas de victimes, ni de cadavres de trop près, à savoir qu’ils ne doivent pas être identifiables. Les coupables et les suspects continuent quant à eux d’être montrés et nommés, car il s’agit selon lui d’une information digne d’intérêt public.

«On ne fait pas de surenchère non plus, indique-t-il. On ne met pas les images des terroristes en boucle. Les événements de Nice et d’Orlando cet été ont été pour tout le monde un moment de réflexion. À un moment donné, il peut y avoir saturation. Certaines personnes sont plus sensibles. On essaye d’aller rapidement dans l’analyse sans s’attarder sur l’aspect morbide. Il s’agit plutôt de tirer le sens ou la signification de ces événements.»

Effet de saturation

Lors de l’attentat de Nice, le 14 juillet dernier, la chaine publique française France 2 avait été durement critiquée pour sa couverture. Dans la précipitation, celle-ci a en effet diffusé une série d’images violentes, notamment la vidéo du camion fonçant dans la foule et une entrevue d’un homme dépité, aux côtés du corps de son épouse gisant sur la promenade des Anglais. Les commentaires sur les médias sociaux notamment n’avaient pas été tendres.

«Ce n’est pas suite à des commentaires du public que nous avons décidé de faire attention à notre couverture, explique pour sa part Michel Cormier. Mais lorsqu’il y  des attentats à répétition sur des semaines, il y a un effet de saturation au sein public et il faut y être sensible. C’est un sentiment général que je partage. Mais je n’ai pas de preuve qu’il y ait des gens qui souffrent de traumatismes à la suite d’une diffusion.»

Moins de sensationnalisme, plus d’analyse. Moins de rumeurs, plus d’informations recoupées et vérifiées. Moins de dérapages dus à la précipitation et à la course au scoop en somme. Voilà en tout cas bien tout l’objectif de cette coopération. Même si tous espèrent ne pas avoir à tester son efficacité sur le terrain à l’occasion d’un nouvel attentat terroriste.

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