Les journalistes en congrès cette fin de semaine

affiche_709-350x204Le grand rassemblement annuel de la Fédération professionnelle des journalistes s’ouvre vendredi à Saint-Sauveur sur fond d’espionnage de confrères par différents services de police, et d’élection de Donald Trump aux États-Unis, qu’aucun média n’avait vu venir. Deux sujets qui seront probablement sur toutes les lèvres.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Et pourtant, ils n’avaient même pas encore eu lieu lorsque le programme officiel du prochain congrès a été mis en place. Juste peut-être une prémonition en avant-dernière page du journal du congrès préparé par toute l’équipe de Métro Montréal. L’année en quatre caricatures et parmi elles, un dessin d’André-Philippe Côté, montrant la salle de nouvelles du Washington Post et un journaliste disant à sa collègue : «Arrête de dénoncer Trump… tu vas le faire élire!»

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Pas d’atelier donc sur cette élection surprise, mais gageons que la perte d’influence des médias et des journalistes, voire le fossé qui les sépare de plus en plus de la population au point de n’avoir pu imaginer un tel résultat feront partie des discussions de couloir.

Sur l’espionnage en revanche, la fédération a décidé d’agir avec l’organisation au pied levé d’une table de concertation sur le journalisme sous surveillance. Au-delà de la technologie cryptographique, comment mieux protéger les sources journalistiques? Quels rôles peuvent jouer les médias, les journalistes, la FPJQ? Quelles sont les voies législatives, au provincial comme au fédéral? Autant de questions et bien d’autres qui pourront être débattues afin d’abreuver la fédération en vue de préparer la commission d’enquête publique qui s’ouvrira prochainement sur la question.

Enquête, sources anonymes et données

Mais même si le scandale n’avait pas encore explosé, le journalisme d’enquête et les sources journalistiques figuraient en bonne place parmi les thématiques abordées durant le congrès. Nourrir le chien de garde, thème principal du congrès même. Ou comment faire en sorte que tous les médias, petits, moyens et grands, proches des centres de pouvoir ou plus éloignés, dans les principales villes ou en région, puisse s’adonner à ce genre journalistique? Parce que parfois de tous petits moyens suffisent pour peu que l’on veuille aller plus loin que la cassette de plus en plus souvent servie, pourvu que l’on veuille s’affranchir des pressions aussi bien externes qu’internes afin de dénicher la vérité.

Et faut-il pour cela avoir recours aux sources anonymes? Oui, parfois, notamment pour protéger les lanceurs d’alerte… mais à trop les utiliser, cela ne peut-il pas donner l’impression que le témoignage est inventé de toutes pièces au point de remettre la crédibilité du journaliste et du média en cause? Plusieurs panélistes tenteront de situer la ligne à ne pas dépasser.

Autre dossier dont il sera largement question, les données. Comment récupérer les données ouvertes pour les transformer en scoop? Car donnée ouverte ne signifie pas forcément transparence tant le journalisme croule aujourd’hui littéralement dessous. Et en parlant de transparence… le gouvernement Trudeau, qui avait promis de l’être plus que son prédécesseur, a-t-il fait mieux en la matière? Oui, la grande noirceur de l’époque Harper semble bel est bien derrière nous, ce qui ne signifie pas que rien ne reste à améliorer, viendront dire plusieurs journalistes œuvrant sur la colline parlementaire à Ottawa.

Lise Bissonnette honorée

Les données donc, auxquelles toute la jeune génération de journalistes sait qu’elle ne pourra pas échapper. Et ils seront eux-aussi au centre des débats, les jeunes. La presse étudiante d’une part, ou comment celle-ci peut-elle former les chiens de garde de demain dont la société aura tellement besoin? Ces jeunes à qui le patron de Vice, Shane Smith souhaite que tous les grands médias remettent leurs clés s’ils veulent survivre. Les milléniaux qui commencent à entrer sur le marché du travail, les milléniaux biberonnés à l’internet et aux médias sociaux, s’informent-ils comme leurs pairs? Et surtout informent-ils comme eux?

Non, répondrait l’ex-directrice du Devoir, Lise Bissonnette, à qui il sera remis samedi lors de la soirée de gala, le traditionnel prix Judith Jasmin Hommage décerné par les anciens présidents et présidentes de la FPJQ.

Dans une entrevue menée par la journaliste du Soleil Valérie Gaudreau dans les pages du journal du congrès, Mme Bissonnette dit avoir adoré être reporter, mais ne pas être sure qu’elle aimerait encore l’être aujourd’hui. Alors même que c’est sous sa direction, en 1997 que Le Devoir s’est doté d’un site internet, faisant ainsi à l’époque, figure de pionnier.

«Vingt ans plus tard, elle juge que la progression fulgurante du numérique a des bons et des mauvais côtés, écrit Mme Gaudreau. Les journalistes sont noyés dans l’information parcellaire.»

Un fonds pour le journalisme international

L’indépendance des journalistes dans une monde de surinformation et de désinformation, l’importance de l’enquête, plus que jamais nécessaire, selon elle, les fondamentaux, comme la vérification des faits, qui malgré la vitesse folle, doivent rester les mêmes, etc., autant de sujets qui préoccupent l’ex-journaliste, passée depuis par la direction de la Grande bibliothèque du Québec et aujourd’hui présidente du Conseil d’administration de l’Uqàm. Autant de sujets qui seront débattus durant le congrès.

Mais le journalisme international ne sera pas en reste non plus. Ce parent pourtant pauvre de l’information au Québec. Moins de 4% de poids média en 2015, selon Influence Communication, contre 7% dans les médias de l’ensemble du Canada et 10% dans le reste du monde. Une constante dont il est d’ailleurs fréquemment question lors des congrès de la FPJQ. Manque de moyens, répondent les patrons de médias, qui se cachent également derrière un manque d’intérêt de la part des Québécois.

Eh bien, cette année, une poignée de journalistes ont décidé de prendre les choses en main et de créer un fonds québécois en journalisme international. L’objectif? Aller chercher 300 000 dollars dans les poches des gouvernements, des grandes fondations et de certaines entreprises, ainsi que par le biais du sociofinancement, afin de financer des reportages à l’étranger. Les bailleurs n’auraient aucun droit de regard sur les projets financés, ni sur les contenus diffusés. Et les boursiers pourraient obtenir entre 500 et 9000 dollars.

Un projet de nature à permettre aux journalistes de partir sur le terrain afin de prendre réellement le pouls de la population partout dans le monde. Ce qui, de l’avis de nombre d’analystes à manqué aux journalistes devenus trop sédentaires, et qui du haut de leur tour à bureaux, n’ont pas su mesurer la colère de la population américaine ayant porté un Donald Trump au pouvoir.

vote-en-ligne-350x233Stéphane Giroux, prochain président de la FPJQ

Le journaliste judiciaire du réseau CTV, Stéphane Giroux, sera élu dimanche par acclamation à la présidence de la FPJQ. Et ce, pour un mandat d’un an. Personne ne s’est présenté contre lui.

Il succédera à Jean-Thomas Léveillé de La Presse, président par intérim depuis le mois d’aout et la démission de Lise Millette pour des raisons personnelles. M. Léveillé redeviendra quant à lui vice-président de la fédération, poste auquel il sera lui aussi réélu par acclamation dimanche. Idem pour Valérie Gaudreau du Soleil, au poste de trésorière et Simon Dominé, administrateur régions hors Montréal.

Il reste en revanche quatre postes d’administrateurs à combler et dix candidats. Les membres professionnels de la FPJQ ont jusqu’à samedi à 18h pour voter via internet.

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