La vie à Radio-Canada à l’heure des compressions

IMontpetit_PhotoLucLavigneIsabelle Montpetit a pris les rênes du Syndicat des communications de Radio-Canada (SCRC) en octobre dernier, succédant ainsi à Alex Levasseur. Entre les conséquences des compressions de budget décrétées par Ottawa, et la décision du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) d’accepter la demande de la direction souhaitant une réorganisation de la structure syndicale, la nouvelle présidente a pas mal de pain sur la planche en ce début d’année.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

La dernière fois que ProjetJ a parlé avec l’ex-président du SCRC, Alex Levasseur, celui-ci attendait la décision incessamment sous peu. Quelques jours tout au plus. C’était à la mi-juin et les employés de Radio-Canada venaient d’accepter la reconduction de leur convention collective jusqu’au 28 février 2015. La décision en question est en fait tombée à la rentrée. Après de longs mois de négociations et de tergiversations, le CCRI finissait par accéder à la demande de la direction de Radio-Canada, qui demandait une révision complète de la structure syndicale.

Rappelons qu’aujourd’hui, les employés du diffuseur public au Québec et à Moncton sont représentés par quatre syndicats, dont le SCRC. À la fin de l’exercice, il ne devra en rester plus qu’un, deux ou trois. Libre pour l’instant aux deux parties de s’entendre sur cette réorganisation, le CCRI tranchera si celles-ci ne parviennent pas à un accord.

«La direction ne souhaite qu’un seul syndicat, rapporte Isabelle Montpetit. De notre côté, nous avons adopté en assemblée générale une résolution souple pour rassembler sous un même syndicat les employés liés à la production du contenu qui va en ondes, qu’il s’agisse d’information, de variété, des émissions de radio et de télévision, etc. Une fois que la décision sera prise, il y aura un vote pour savoir à quelle centrale le ou les syndicats seront affiliés.»

Convention collective

Une redéfinition attendue au printemps. Et c’est alors que le véritable travail pourra commencer. Celui qui consistera à trouver des points d’ancrage entre les différents métiers de Radio-Canada jusque-là représentés par des syndicats différents mais qui devront dorénavant évoluer au sein de la même convention collective.

Une convention collective qui, du côté du syndicat des communications arrive à échéance à la fin du mois…

[Paragraphe suivant modifié]

«La loi autorise l’ouverture des négociations trois mois avant l’échéance, indique la nouvelle présidente. Or, la direction a demandé au CCRI de les suspendre dans l’attente de la redéfinition de la structure syndicale. Nous en sommes là. On attend une décision. Les quatre conventions collectives vont continuer à s’appliquer après la fusion, mais ça nous empêche notamment d’avoir nos augmentations de salaire.»

Autre sujet brulant bien sûr, les compressions de budget décidées par le gouvernement Harper, et toutes les conséquences qu’elles entrainent.

[Paragraphe modifié]

«Les compressions à répétition ont fait très mal à la salle des nouvelles, note Mme Montpetit. Quant à celles qui ont été annoncées en octobre, elles n’ont pas encore fini d’être administrées, on n’en connait donc pas encore toutes les conséquences. Pour l’instant, il y a peu de permanents qui soient touchés par cette dernière vague. Il y a toujours des postes vacants d’ordinaire occupés par des temporaires. Nous y avons placé des titulaires. En revanche, ceux qui travaillent sur appel ont vu leurs heures diminuer de manière drastique. Le problème, c’est que ce sont souvent des jeunes. Et que ces jeunes, nous en avons besoin, notamment dans l’optique du passage au numérique, que l’on nous vend comme une solution magique pour faire des économies.»

Détresse psychologique

La présidente explique également que les absents ne sont plus remplacés, ce qui contribue à la surcharge de travail et au stress. Un vaste sondage a d’ailleurs été mené à la fin de l’année dernière et les résultats préliminaires publiés il y a quelques semaines.

«En fait, c’est parti de l’initiative d’un délégué syndical qui travaille dans la salle des nouvelles, raconte-t-elle Tous les jours, il avait des collègues qui venaient pleurer sur son épaule. Résultat: 64% des répondants présentent une détresse psychologique élevée. C’est énorme! Dans la population active en général, une récente enquête évoque le chiffre de 18%.»

Parmi eux, 84% soulignent également que leur état est lié à leur travail. Parmi les symptômes rapportés, l’anxiété et l’insomnie. Nombreux sont ceux qui ont l’impression de ne pas pouvoir faire leur travail correctement dans une journée normale, ne pas avoir le temps de prendre une pause, que leur travail empiète sur leur vie personnelle. L’augmentation de la charge de travail est souvent montrée du doigt, tout comme le peu de latitude dans les décisions et de reconnaissance de la part de la hiérarchie. Bref, conclut le rapport préliminaire, l’environnement de travail à Radio-Canada n’est pas sain et sécuritaire pour ses employés.

Publireportages cachés?

Autres conséquences des compressions, la réduction de la durée des bulletins de nouvelles en région ainsi que dans les autres provinces du Canada, qui passent tous de soixante à trente minutes, ainsi que le manque de formation continue, notamment aux nouvelles technologies numériques.

Plus pernicieux, le syndicat se questionne sur la mise en ligne de capsules sports associées à un concessionnaire automobile.

tb-boisvert«Je suis tombée sur une page du Grenier aux images sur laquelle une chroniqueuse qui travaille à Radio-Canada explique comment le marketing va s’intégrer aux contenus. Il y a quelques mois, c’était un publireportage sur le zona dont la mise en page reprenait complètement les codes de notre site web. On est tellement pris à la gorge, que tous les moyens sont bons pour trouver de l’argent, aussi peu éthiques soient-ils», conclut Isabelle Montpetit.

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