Les pratiques journalistiques décortiquées au congrès de l’Acfas

Le congrès de l’Association francophone pour le savoir (Acfas) s’ouvre lundi, avec au programme au moins deux colloques qui pourraient bien intéresser les journalistes.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

À commencer par l’un de ceux qui fermeront la marche vendredi 12 mai et qui s’intitule Tribunaux et médias : une relation sous tension.

La couverture journalistique des affaires criminelles et civiles, ainsi que de certaines enquêtes publiques et commissions dont le dispositif s’apparente à celui d’un tribunal, emprunte souvent les logiques du récit et de la mise en scène, en insistant tout particulièrement sur les éléments anecdotiques et l’émotivité, écrivent les organisateurs. Certains déplorent que l’attention portée sur ces aspects soit au détriment de l’explication des enjeux de droit, tout en reconnaissant que la connaissance limitée des citoyens et des journalistes constitue une barrière à la compréhension de questions par ailleurs fort complexes.

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Des difficultés qui, croient-ils sont exacerbées à l’ère du numérique et des médias sociaux, du fait que le rythme médiatique, déjà beaucoup plus rapide que celui de la justice, s’accélère. Bruits et rumeurs se multiplient et se propagent autour de certaines causes très médiatisées, souvent des mois ou des années avant qu’un jugement soit rendu.

Pour leur part, les journalistes désapprouvent certaines pratiques qu’ils considèrent abusives — notamment les ordonnances de non-publication — et plus généralement l’accès restreint à l’information concernant l’activité judiciaire.

Ce colloque réunira des juges, juristes et journalistes du Québec ainsi que des chercheurs de différentes disciplines – droit, communication, criminologie, science politique, histoire – de plusieurs universités québécoises et françaises.

La création récente d’un poste de porte-parole des tribunaux du Québec sera abordée à la lumière de différentes expériences internationales. Il sera également question de procès hypermédiatisés et de représentations populaires de la justice et du droit. Quant à la dernière table ronde de la journée, elle portera sur les relations entre juges et journalistes.

Publicité native

Autre colloque intéressant pour les professionnels de l’information, celui portant sur le métier de communicateur. Il y sera notamment question des passerelles entre le journalisme et les autres métiers de la communication. Ou comment ces parcours hybrides peuvent être des tactiques de légitimisation de carrières. Plusieurs cas concrets seront analysés dont un blogueur de cinéma devenu journaliste pour Les Cahiers du Cinéma, un journaliste devenu réalisateur de webdocumentaires au Québec et un architecte des systèmes d’information ayant exercé au sein de plusieurs grands médias devenu « éditeur de réseaux sociaux et de nouveaux formats » au sein d’un grand quotidien britannique.

Parmi ces diverses pratiques de communication aux frontières de plus en plus poreuses, s’il en est une qui semble demeurer à la frontière de la déontologie journalistique, c’est bien la publicité native.

« Alors que les guides déontologiques prônent une séparation de la salle de rédaction et du département des ventes, la publicité native rassemble inévitablement les deux domaines, peut-on lire sur la page du colloque. Dans cette communication, nous proposons un cadre conceptuel pour lire l’impact de la publicité native au croisement entre professionnalisation et éthique, que nous illustrons à partir d’entretiens semi-dirigés avec des journalistes et de discours issus de la presse professionnelle. Nous démontrons ainsi comment la compétence communicationnelle est mise à mal et, par le fait même, bouscule la posture éthique du journaliste. »

Deux belles occasions pour les artisans de l’information de sortir un peu la tête du guidon et d’aller réfléchir à leurs pratiques en pleine mutation.

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