Journalisme : les grands chantiers de la FNC

ProjetJ referme sa série sur les grands dossiers à suivre cette année en matière de journalisme avec la position de la Fédération nationale des communications (FNC-CSN) sur le sujet. Entretien avec son président, Pierre Roger, et sa secrétaire générale, Pascale St-Onge.

Propos recueillis par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Dossier #1 : l’avenir de Radio-Canada

De ce côté-ci, les défis ne manquent pas. Les compressions sont récurrentes, il y a des mises à pied, des gens qui perdent leur emploi, d’autres qui sont reclassés. Il y a la question de la fusion des accréditations syndicales, qui risque elle aussi d’amener une certaine réorganisation dans le travail même, l’ingérence du gouvernement dans la gouvernance même du diffuseur public. Il y a aussi la campagne électorale de l’automne prochain au Fédéral. Personne n’est rassuré sur l’avenir de Radio-Canada si jamais les conservateurs sont reconduits au pouvoir. On a vu les sorties du premier ministre Harper la semaine dernière à Québec. Ça risque d’être très dommageable. Le bon point, c’est que cette question fera partie du débat durant la campagne. Les différents partis politiques devront prendre position et dire clairement ce qu’ils comptent faire avec le diffuseur public en cas de victoire. Car on voit bien que de plus en plus de gens sont sensibilisés et se portent à sa défense. Il y a eu la marche de soutien lors de la fermeture du costumier. 25 000 personnes dans la rue et pas seulement les artisans de Radio-Canada. Il y avait des journalistes d’autres médias, des citoyens de tous âges. Idem il y a dix jours lors du spectacle au Métropolis. L’année va être décisive, nous suivons la situation de très près. Avec beaucoup d’inquiétude.

Dossier #2 : le statut des journalistes à la pige

Il faudra bien un jour que ce dossier aboutisse! Nous appuyons l’Association des journalistes indépendants (AJIQ) depuis des années, afin que les pigistes puissent enfin obtenir des conditions minimales sur la bases desquelles ils pourraient négocier leurs contrats avec les employeurs. Avec toutes les coupures dans l’industrie, il y a inévitablement de plus en plus de pigistes. Ils sont de plus en plus précaires, subissent beaucoup de pression. Ils n’ont pas la même liberté, ni le même poids qu’un syndiqué pour négocier ou refuser des demandes qui vont parfois à l’encontre de la déontologie. On nous rapporte de véritables histoires d’horreur. Des discussions sont ouvertes à ce sujet avec les ministères du travail et de la culture sans que nous connaissions pour l’instant leur position. Nous avons l’opportunité d’avoir un gouvernement majoritaire qui devrait donc être encore en poste pendant les trois prochaines années, et nous espérons arriver à quelque-chose avant la fin du mandat. Le problème, c’est que chaque fois qu’il y a remaniement, chaque fois que le ministre change, il faut tout recommencer. Et Hélène David est pressentie pour remplacer Yves Bolduc à l’éducation. On en saura certainement plus demain… c’est parfois décourageant, mais nous continuons à pousser le dossier.

Dossier #3 : la situation de la presse écrite

Il y a plusieurs réalités dans ce dossier. D’un côté, les quotidiens régionaux de Gesca, qui devraient intégrer la plateforme La Presse+ sans qu’on n’en connaisse pour l’instant les modalités. Mais il semble évident qu’à plus ou moins long terme, le papier va disparaitre ici. Il y a le cas du Devoir, qui connait des difficultés. Là, le virage numérique est bel et bien pris avec l’application tablette. On saura dans les prochains mois si la situation s’améliore mais ça reste pour nous très préoccupant. Enfin, il y a le problème des hebdos en région. Depuis que Quebecor a décidé de se retirer de ce marché, vendant tous ses titres à TC Média, il y a eu beaucoup de fermetures. Certains préservent une vitrine sur internet et disent se concentrer sur l’information hyperlocale. Mais nous sommes très inquiets quant au contenu. Quand le même journaliste signe une nouvelle le jour même à Alma, Chambly et dans Lanaudière, soit il a des pouvoirs de télépathie, soit il recopie un communiqué ou il pige des informations dans un autre média. Quoi qu’il en soit, les conditions de travail sont de plus en plus pénibles et les demandes patronales de plus en plus grandes et à la limite de l’éthique. Et ces journalistes ne sont pas protégés par une convention collective.

Dossier #4 : les publireportages qui ne disent pas «assez» leur nom

Avec les nouvelles plateformes, viennent de nouvelles pratiques publicitaires. Rejetant les bannières et les pop-up dont les lecteurs ne veulent pas, les médias doivent innover. Il y a des formes exploratoires. C’est normal, on comprend bien que nous sommes dans un univers nouveau et qu’il faille trouver des manières de financer l’information. Mais il faut absolument que ce soit très clair pour le lecteur. Que le contenu rédactionnel et le contenu publicitaire soient très distinctement différentiés. Le problème se pose aujourd’hui sur La Presse+ et nous sommes heureux de voir que les discussions ont repris à ce sujet. Mais au fur et à mesure que les autres médias vont adopter de nouvelles plateformes technologiques, ils vont se retrouver confronter à cette même problématique. Il faut rester très vigilant.

Dossier #5 : le droit du public à l’information

À chaque fois que les conditions de travail des journalistes sont attaquées, c’est le droit du public à être informé qui est menacé. À chaque fois qu’un journaliste trouve des embuches sur son chemin, on s’attaque à la démocratie. Or, il y a aujourd’hui au Québec et au Canada de vrais problèmes. Les lois sur l’accès à l’information qui se révèlent être de véritables barrages, les gouvernements, que ce soit au Fédéral ou au Provincial, qui tentent de contrôler l’information, balayant d’un revers de main le fait qu’ils sont redevables envers la population. Et du côté des médias eux-mêmes, le besoin de se trouver un modèle capable de soutenir leurs affaires. Or, l’information n’est pas une marchandise comme les autres. Avec les nouvelles technologies, de nombreuses industries se questionnent sur leur avenir. Mais les entreprises de presse ne doivent jamais oublier leur rôle dans la société. Elles doivent toujours placer la qualité du contenu qu’elles diffusent avant toute autre considération. Ce n’est pas évident quand, même les politiques minimisent le besoin en journalistes. Quand, même dans les plus hautes sphères, on entend qu’aujourd’hui, tout le monde peut prendre une vidéo et la poster. Oubliant la mise en contexte et les vérifications qu’entreprennent les journalistes. Quand ont entend qu’il n’est plus nécessaire d’envoyer un journaliste canadien sur un conflit à l’autre bout du monde parce qu’on aura toujours un moyen de savoir ce qui se passe là-bas. Alors qu’il est primordial d’avoir le regard de quelqu’un d’ici sur ce qui se passe ailleurs. Quelqu’un qui partage nos valeurs. Bref, la FNC va s’atteler cette année à défendre les conditions de travail des journalistes, quels qu’ils soient. Parce qu’il en va de la santé de notre démocratie.

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