Conseil de presse : un guide de déontologie simplifié

Dix-neuf pages au lieu de quarante-huit dans sa version précédente, le guide de déontologie du journalisme version 2015, présenté par le Conseil de presse du Québec (CPQ) la semaine dernière à l’occasion du congrès de la FPJQ, est résolument plus simple, plus clair, moins verbeux. Les grands principes qui régissent la pratique du métier restent cependant inchangés.

 Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Paule-Beaugrand-Champagne«C’était un des principaux objectifs que de simplifier le guide, commente la présidente du Conseil de presse, Paule Beaugrand-Champagne. Il s’agit d’un outil de référence, d’un outil qui s’adresse au grand public. Il doit donc être facile de s’y retrouver, on doit y trouver des réponses rapidement. Or, ce n’était pas le cas avec le précédent, qui était trop verbeux, qui se répétait. À l’époque, il y avait clairement un objectif pédagogique. On cherchait a faire comprendre au public quel était le rôle des médias d’information. Nous pensons qu’aujourd’hui, ce n’est plus nécessaire.»

Cinq grandes idées ont guidé les membres du comité de rédaction. Il s’agissait de conserver tous les principes du journalisme – la liberté, l’indépendance, la rigueur, l’impartialité, l’équité et la recherche de vérité notamment – tout en faisait disparaitre les répétitions, les énoncés à saveur pédagogique et les vœux pieux, en retirant les modalité d’application trop précises. Il s’agissait également de numéroter les articles et les paragraphes et d’intégrer des références à la jurisprudence, à savoir certaines causes qui ont déjà été jugées et qui éclairent certains articles.

Il aura ainsi fallu plusieurs années pour en arriver à cette nouvelle mouture. Déjà en novembre 2013, une cinquantaine de personnes avaient pris part à une journée de réflexion. Des membres du Conseil de presse à savoir les médias, des journalistes et des représentants du public, les différents partenaires ainsi que des avocats spécialistes, des universitaires, la FPJQ ou encore la Fédération nationale des communications (FNC) étaient présents, et devant l’ampleur de la tâche, ils avaient pris la décision de mettre sur pied un comité dédié. Six personnes – deux représentants des médias, des journalistes et du public – ont ensuite travaillé à la rédaction des vingt-sept articles qui composent le texte.

Devoir de réserve

Parmi les principes réitérés, sur lesquels il y a parfois débat au sein de la profession, le numéro 6, intitulé Indépendance et intégrité, qui stipule que «les journalistes doivent éviter, autant dans leur vie professionnelle que personnelle, tout comportement, engagement, fonction ou tâche qui pourrait les détourner de leur devoir d’indépendance et d’intégrité.»

«Cela implique le devoir de réserve, note Mme Beaugrand-Champagne. Nous estimons que celui-ci doit s’appliquer partout.»

Partout, même sur les réseaux sociaux. Partout, même lorsqu’il s’agit de signer une pétition, pourtant complètement en accord avec ses convictions personnelles. Partout, même lorsqu’il s’agit de participer à une marche pour sauver Radio-Canada…

Le printemps dernier, la FNC avait justement organisé une communication sur le sujet, se demandant si ce sacro-saint devoir de réserve, appliqué dans la sphère personnelle, ne portait pas atteinte à un autre principe fondamental, la liberté d’expression. Certains croyaient alors que, poussé à l’extrême, le devoir de réserve réduisait les journalistes à un état de «sous-citoyens».

Révolution numérique

Dans son objectif de simplification, le guide définit également seulement deux genres journalistiques (article 10), le journalisme factuel et le journalisme d’opinion. Il ne perd plus dans les méandres des différentes sous-catégories – reportage vs enquête, chronique vs éditorial, etc. – Deux genres journalistiques donc, mais deux genres qui doivent tous les deux s’appuyer sur des faits, le premier les rapportant, le second les exposant afin d’expliquer sur quoi les arguments sont fondés.

Un principe que certains chroniqueurs rejettent mais qui avait notamment déjà fait condamner Sophie Durocher, chroniqueuse au Journal de Montréal. En aout 2013, le Conseil de presse a en effet statué que Mme Durocher avait terni la réputation de Gesca par sa négligence, son imprudence et son manque de rigueur journalistique. Son article Les copains d’abord lui avait alors coûté à elle et à son employeur 10 000 $ d’amende, une rétractation et des excuses. Elle, prétextait que son statut de chroniqueuse ne l’obligeait pas à s’appuyer sur des faits.

Si quelques articles peuvent ainsi porter au débat, la grande majorité d’entre eux répondent à la nécessité d’indépendance et de liberté dont le métier doit disposer en tout temps et partout. Le guide rappelle les principes d’exactitude, de vérité, d’équité, de rigueur et d’impartialité dont doivent faire preuve les journalistes. En ces temps de révolution numérique, il tient également compte de la nouvelle réalité journalistique sans toutefois aller dans les détails afin qu’il n’ait pas à être réécrit à chaque petite évolution technologique.

«Parce que fondamentalement le métier ne change pas, explique la présidente du Conseil de presse. Les responsabilités des journalistes et des entreprises de presse restent les mêmes.»

Tout le problème posé par le contenu marketing est ainsi régi par l’article 14.2, qui stipule que les médias d’information [doivent établir] une distinction claire entre l’information journalistique et la publicité afin d’éviter toute confusion quant à la nature de l’information transmise au public.»

Nouvelles procédures au Conseil

La question des commentaires du public a elle aussi été simplifiée.

«La déontologie exige que les médias qui acceptent la contribution du public le fassent de manière équitable et notamment, qu’un commentaire ne puisse être refusé en raison d’un parti pris ou pour faire taire une information d’intérêt public, explique Mme Beaugrand-Champagne. Mais nous ne sommes pas allés plus loin que ce qu’impose la nétiquette en terme de responsabilité. Nous ne pouvons pas demander aux médias de surveiller tout ce qui s’écrit sur leurs réseaux sociaux en temps réel. Ils doivent cependant y porter attention rapidement.»

La publication de la nouvelle version du guide de déontologie marque un moment important du mandat de la présidente, qui, même si elle avait pris le dossier en cours de route, en avait fait une de ces priorités.

Comme elle l’avait confié à ProjetJ au début de l’été, le Conseil a également travaillé d’arrache-pied afin mettre en place de nouvelles procédures, plus démocratiques, dans son processus de plainte. De nouvelles procédures adoptées en septembre et dont un bilan sera dressé dans un an afin de statuer sur leur pertinence. Parmi elles, le fait que le secrétariat général ne fournisse plus aux jurys une proposition de décision mais seulement un résumé exécutif de ce qui a été découvert en cours de recherche.

«Les membres des jurys trouvent ça difficile parce qu’ils ont plus de travail, avoue Paule Beaugrand-Champagne. C’est pourquoi nous nous sommes donnés un an pour évaluer tout ça.»

Par ailleurs, les discussions se poursuivent avec les médias qui se sont retirés du Conseil de presse, en premier lieu Québecor. Et la présidente assure que pour l’instant, les contacts sont positifs.

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À voir aussi:

Conseil de presse doit corriger des lacunes»

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