La Presse canadienne en plein virage numérique

Les services français de la Presse canadienne ont un nouveau patron depuis la fin avril. Et à peine deux mois après son arrivée en poste, Jean-Philippe Pineault semble bien vouloir rapidement imposer sa marque. L’objectif? Réaliser le virage que tous les producteurs d’information doivent aujourd’hui prendre afin de ne pas se faire happer par la révolution numérique en marche. Et ainsi accompagner les clients de l’agence dans leur métamorphose.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

AAEAAQAAAAAAAAgVAAAAJDcyYzJkMTdmLTg2YTctNDNkMS1hZWJkLWU3MDk3Mzg4ZGIyOQ«Nos clients et nous sommes condamnés à devoir travailler ensemble et à être complémentaires, note le nouveau directeur de l’information des services français. À une certaine époque, les salles étaient plus garnies, c’était peut-être plus simple pour un média de couvrir des nouvelles nationales, qui n’étaient pas nécessairement dans son secteur. Aujourd’hui, ils comptent plus souvent sur nous. Cette collaboration est plus forte que jamais. Il nous faut donc bien comprendre ce qu’attendent nos clients, tant en terme de sujets que de formats.»

Et ce, toujours dans l’optique de «gérer la décroissance», alors que même si les coupures sont derrière et la restructuration opérée, même si l’agence se trouve aujourd’hui plutôt dans une période d’embauche, les ressources demeurent sous pression.

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«Nous n’avons pas beaucoup de marge de manœuvre, avoue M. Pineault. Il faut nous assurer de placer nos ressources au bon endroit. C’est ce sur quoi je mets une partie de mon énergie depuis mon arrivée. Je travaille à repérer le type d’information et les formats que nos clients reprennent le plus souvent. Mais aussi l’heure à laquelle, nos nouvelles fonctionnent le mieux.»

Et alors que tous les grands médias entreprennent aujourd’hui leur virage numérique, la Presse canadienne s’efforce elle aussi de les rejoindre sur ce terrain. Un poste de Chef des nouvelles numériques vient d’être ouvert à cet effet et le nouveau patron attend toutes les candidatures sérieuses et désireuses de s’investir dans le projet.

Un regard québécois

«Nous vivons les mêmes défis que nos clients, indique le directeur de l’info. Ils migrent vers les plateformes numériques, nous devons les y accompagner. C’est la réflexion que nous sommes en train d’entreprendre. Notre fondement, c’est d’être sur l’événement qui fait la nouvelle et de le rapporter rapidement. Mais peut-être pourrions-nous le faire différemment, sous forme de diaporama, de timeline, de cartes. Mais aussi en segmentant nos textes pour qu’ils s’adaptent mieux à la lecture sur appareils mobiles, ou encore en réalisant des storify avec les réactions que l’on ramasse.»

Aujourd’hui, une cinquantaine de personnes – temps plein, temps partiel, photographes et cadres – travaillent pour les services français de l’agence. À Québec, Montréal et Ottawa. Dans les reste du Canada, ce sont les services anglophones qui prennent le relais, les textes étant traduits. Ailleurs, la Presse canadienne bénéficie d’un partenariat avec l’Associated Press. Elle dispose également d’un correspondant à Washington et de quelques collaborateurs occasionnels, en Europe notamment.

«Sur les événements d’envergure, comme ce qui s’est passé à Paris en novembre ou à Bruxelles en mars, c’est intéressant de pouvoir avoir un regard québécois, indique Jean-Philippe Pineault. Quelqu’un qui puisse remettre la nouvelle dans son contexte de manière à ce qu’elle s’adresse réellement à un public de Montréal, de Québec ou du Saguenay. Ça lui donne du sens. C’est pareil lorsque Céline Dion donne des concerts à Paris. La couverture ne peut pas être la même si elle s’adresse à un Français ou à un Québécois.»

Produire de l’info, c’est onéreux

En cela, les médias locaux sont essentiels. Essentiel également pour qu’une démocratie demeure en santé. De ce point de vue, M. Pineault appuie les différentes voix qui se lèvent ces dernières semaines afin que les décideurs publics s’intéressent enfin de près à la crise que tous les médias traversent aux quatre coins de la planète.

«Cette crise n’est pas anecdotique, souligne-t-il. L’industrie se transforme, de nouveaux joueurs apparaissent, de nouvelles habitudes de consommation cohabitent avec les anciennes. Tout cela fait en sorte que les revenus publicitaires des médias chutent. Nous ne sommes pas touchés directement à la Presse Canadienne, mais indirectement, oui, par le biais de nos clients. Or, produire de l’information de qualité, c’est onéreux. Offrir des contenus journalistiques qui respectent les règles de l’art, c’est couteux. Mais, c’est dans notre ADN à la Presse canadienne.»

Le directeur de l’information ne souhaite pas se prononcer sur le modèle à suivre pour redonner du souffle aux producteurs d’information. Crédit d’impôt? En finir avec la taxe sur le recyclage? Taxer au contraire les multinationales telles Google et Facebook qui ne produisent pas de contenus mais qui drainent vers elles la grande majorité des revenus publicitaires?

«Je ne sais pas quelle serait la meilleure solution, conclut-il. Mais je vois qu’une conversation sérieuse s’entreprend sur ce terrain et j’en suis très heureux. Parce que ça concerne tout le monde. L’information, on la prend parfois pour acquis, mais il faut y faire attention. Il y a des médias qui disparaissent ici, au Québec. Et ça, ce n’est jamais une bonne nouvelle.»

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