TVA centralise ses bulletins de nouvelles régionaux

Les bulletins de nouvelles des stations régionales de TVA à Sherbrooke et Trois-Rivières sont désormais réalisés depuis Montréal et c’est bientôt de Québec que ceux de Saguenay et Rimouski le seront. Une affaire de gros sous qui impacte forcément la qualité de l’information, fustigent les syndicats.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

À l’origine de cette décision? Le passage à la haute définition (HD) voulu par le Conseil de radiodiffusion et de télécommunication du Canada (CRTC). Plutôt que d’équiper ses stations locales en matériel susceptible de supporter ce nouveau format, TVA a décidé de gérer la diffusion de leurs bulletins de nouvelles depuis ses studios de Montréal et de Québec.

«Mais ce n’est en fait qu’une affaire de gros sous, affirme Richard Labelle, président du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), local 4646, qui gère les stations de Sherbrooke, Trois-Rivières et Rimouski. La direction aurait très bien pu décider de nous équiper, mais elle a opté pour une autre solution, qui lui revient peut-être moins cher, mais qui d’une part a un impact sur la qualité de l’information offerte à nos téléspectateurs puisque nous avons en gros une heure de moins pour faire notre bulletin, d’autre part contrevient à notre convention collective.»

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Cette nouvelle façon de fonctionner a été implantée au mois d’aout dernier à Trois-Rivières, puis en novembre à Sherbrooke. La cueillette de l’information et la lecture du bulletin se font toujours depuis la station régionale, mais toute la réalisation est opérée depuis Montréal.

«Les caméras sont pilotées depuis Montréal et la personne que le lecteur ou la lectrice entend dans son oreillette est à Montréal, explique M. Labelle. Nous devons placer nos topos, nos sons, nos images sur un serveur et c’est à partir de Montréal que le bulletin en lui-même se fait. Or, Montréal ne peut opérer deux bulletins en même temps. Ce que signifie que deux semaines sur quatre, Sherbrooke est en différé pendant que Trois-Rivières est en direct et vice-versa.»

Mises à pied

Résultat, le bulletin doit être bouclé une heure auparavant. Ce qui peut poser de sérieux problèmes lorsque survient un événement qui demanderait un direct. Sans compter que le bulletin de midi est également repris à 15 heures maintenant.

«Ce qui arrive, c’est que parfois, nos téléspectateurs sont au courant de ce qui se passe chez eux par le réseau LCN, qui lui est en direct, et non par notre bulletin à nous, explique M. Labelle. Ça ne fait pas très sérieux. Lorsque nous sommes en différé, s’il y a un accident à 11h45, on ne leur en parlera qu’à 18 heures…»

Un système qui sera implanté à Saguenay en mars et un peu plus tard cette année à Rimouski.

«Ce sont les téléspectateurs qui vont en souffrir, croit Michel Boivin, directeur du syndicat des employés de CJPM-TV. C’est très grave si l’on considère l’écosystème médiatique dans lequel nous évoluons aujourd’hui, celui de l’omniprésence des réseaux sociaux qui diffusent tout et n’importe quoi. Juste un exemple local: il y a quelques jours, un jeune a été vu près d’une polyvalente avec une arme. Il y a eu un déploiement policier et sur les médias sociaux, on pouvez lire des appels du type, cachez-vous, il y a un tireur fou! En réalité, il s’agissait d’une fausse arme. Mais si les médias traditionnels, qui disposent de journalistes professionnels capables de remettre les informations dans leur contexte et de trier entre la nouvelle et la rumeur, sont en retard parce que diffusés en différé… c’est toute la notion de service public qui est en crise.»

Sherbrooke et Trois-Rivières ont également dû procéder à la mise à pied de deux personnes, en plus de réduire les heures de trois autres. Saguenay et Rimouski devront faire de même. Des griefs ont été déposés à ce sujet.

«Nos conventions collectives stipulent que des personnes extérieures à notre salle de nouvelles ne peuvent faire des choses que nous faisions auparavant par nous-mêmes, explique Richard Labelle. Or là, avec un peu de formation, nous pourrions très bien gérer la HD depuis nos studios. Nous attendons donc l’arbitrage. Le processus va aller en cour et nous n’aurons probablement pas de décision avant 2018.»

Centralisation des sujets

Michel Boivin ajoute également qu’avec ce nouveau mode opératoire, ce sont des emplois moins physiques qui s’en vont à Québec et Montréal.

«Jusque-là, les cameramen qui vieillissaient étaient bien contents de pouvoir terminer leur carrière en studio, où les caméras sont plus légères, explique-t-il. En fin de carrière, l’ossature n’est plus capable, le corps ne suit plus. Aucune proposition ne nous a été faite pour pallier cela.»

Une centralisation des opérations donc, qui succède à une autre, celle des sujets, critique pour sa part Richard Labelle, qui assure que les régions ont de moins en moins d’autonomie.

«On nous demande beaucoup de faire du contenu qui va plaire à Montréal, souligne-t-il. Par exemple, on va faire une tournée de la province sur la météo ou le prix de l’essence. Ou on va faire une journée sur le cancer. Mais un cancer, que ce soit à Montréal ou à Sherbrooke, c’est le même. Je n’apprends rien sur la réalité de ma localité avec ça. Et à côté de cela, il y a des sujets qui sont évacués.»

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