Taillefer, Blanchet: deux nouveaux joueurs dans l’industrie

Malgré la crise que traverse l’industrie des médias, il y a encore de nouveaux joueurs qui n’hésitent pas à l’investir. L’arrivée de Martin Cauchon à la tête de Capitales Média et des ex-quotidiens régionaux de Gesca a fait couler beaucoup d’encre notamment. Mais ProjetJ s’intéresse aujourd’hui à deux autres personnalités, le dragon Alexandre Taillefer, qui est devenu propriétaire du journal culturel Voir en avril dernier, et l’ex-ministre et député péquiste, Yves-François Blanchet, qui a lancé il y a tout juste un mois le journal en ligne TAG.média.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

Blanchet«C’est un concours de circonstances, explique Yves-François Blanchet. J’ai la connaissance du milieu médias pour avoir été dans la production de spectacle pendant vingt ans. J’ai une certaine aisance à naviguer dedans. Je l’ai également pas mal côtoyé lorsque j’étais en politique. Et je viens également du monde des affaires. J’ai voulu marier ces deux choses que je maitrise, avec le fait qu’il y a, à Shawinigan, le DigiHub, un incubateur industriel pour des entreprises du numérique.»

Depuis le 25 aout dernier, le paysage médiatique québécois accueille donc un nouveau venu. Un média local, qui couvre l’actualité de Shawinigan en Mauricie, mais qui se veut également national et international. Un média exclusivement en ligne.

«Ici, en Mauricie, 92% des ménages sont connectés à internet, explique le fondateur. 85% des gens sont sur les réseaux sociaux et les deux tiers de la population va d’abord chercher son information sur internet. Notre modèle d’affaires à nous n’est pas en crise parce qu’on n’a pas à subir le papier et la distribution. C’est sans doute plus difficile aujourd’hui pour les médias traditionnels qui ont à faire la transition vers le numérique.»

En finir avec les régies internationales

Pour se lancer, M. Blanchet a eu un prêt du Centre local de développement. Il a également dû faire «deux petits investissements», le premier au moment de créer le prototype du site internet, le deuxième actuellement, pour démarrer réellement les opérations. Le site doit ensuite se financer via la publicité. L’accès aux nouvelles est quant à lui gratuit pour les internautes, qui peuvent tabler sur vingt à trente entrées par jour, certaines en provenance de la Presse canadienne, agence à laquelle TAG.média est abonné, certaines écrites ou réécrites par des journalistes et autres blogueurs maison.

À Montréal, le Voir fait justement partie de ces médias traditionnels qui doivent parvenir à faire leur transition numérique. Et c’est dans ce contexte que le dragon Alexandre Taillefer a annoncé en avril en être devenu le propriétaire. D’emblée, dans les entrevues qu’il donne à l’époque, il admet être particulièrement intéressé par la boutique voir.ca.

Taillefer«Je vous avoue que si le Voir n’avait pas eu un modèle d’affaires innovateur, je n’aurais pas eu beaucoup d’intérêt, admet-il en entrevue à ProjetJ. Ils ont développé une approche que je trouve porteuse. Une relation tripartite entre les annonceurs, qui paient le journal en certificats cadeaux, le média, qui fait la promotion du contenu de l’annonceur, et le lecteur, qui devient acheteur des bons d’achat.»

Une manière selon lui de contourner les régies internationales à la Google, qui ont fait baisser le prix des annonces en parvenant à faire croire aux marques que placer une publicité sur un média de référence ne valait pas plus que sur un site qui cherche à faire du clic en publiant des listes automatisées.

Son objectif: tenter d’essaimer. Faire en sorte que d’autres médias au Québec adoptent le même modèle d’affaires afin que les annonceurs locaux reviennent annoncer directement sur les médias plutôt que sur Google ou Facebook.

Trois-Rivières et Drummondville

«On ne peut pas interdire aux journalistes de faire la promotion de leurs articles sur les réseaux sociaux, explique-t-il. Mais quand je vois qu’un théâtre montréalais préfère acheter un encart sur Facebook plutôt que sur le Voir, qui fait pourtant la promotion de son spectacle… ça me met hors de moi!»

De son côté, Yves-François Blanchet assure que les annonceurs locaux réagissent bien à l’arrivée de TAG.média. Les tarifs permettent la rentabilité et après moins d’un mois d’exploitation, les premiers objectifs sont atteints. Tout comme ceux qu’il s’était du reste fixé en terme de fréquentation. Le site a déjà dépassé plusieurs fois les 2000 visites par jour et les pages Facebook du média et de M. Blanchet confondues totalisent 9000 abonnés.

Assez en tout cas pour déjà penser à lancer, dans les prochaines semaines, une édition à Trois-Rivières et une autre à Drummondville. À ce moment-là, un journaliste chapeautera chacun des bureaux, un autre s’occupera de l’information régional, et un autre encore gérera les sports. Des pigistes pourront occasionnellement écrire ainsi que des chroniqueurs et blogueurs plus ou moins réguliers. De la vidéo fera également bientôt son apparition.

«C’est certain qu’on demande à nos gens d’être flexibles, indique M. Blanchet. En revanche, je ne m’immisce pas du tout dans le contenu. J’ai ma tribune à moi et tout le monde sait très bien ce que je pense et d’où je viens. Mais je suis ouvert à ce que d’autres viennent écrire le contraire. Et les journalistes, eux, choisissent leurs sujets et leurs angles. Je découvre souvent les articles une fois qu’ils sont publiés.»

Nouvelle formule au Voir

Alexandre Taillefer affirme lui aussi ne pas mettre son nez dans les affaires de la salle de nouvelles. Il a simplement rencontré le rédacteur en chef, Simon Jodoin, à quelques reprises pour savoir comment il pourrait l’épauler. Pour trouver des solutions, des moyens d’augmenter le budget alloué à la rédaction.

Et pour parler aussi de la nouvelle formule du journal papier. Car, oui, le papier est là pour rester au Voir. Du moins l’espère-t-il.

«En fait, nous faisons un test, admet le dragon. Nous allons lancer une nouvelle formule en janvier et voir comment réagit le milieu. Nous sommes prêts à assumer un certain coût car nous savons que les lecteurs y sont attachés et que c’est important pour le placement de la marque. Mais nous ne pourrons pas assumer 100% de ce coût. Nous nous donnerons donc un an et nous ferons le bilan.»

Et M. Taillefer de conclure l’entrevue en plaçant que quoi qu’il en soit, la gestion du Voir ne lui prend pas plus d’une journée par mois dans son agenda.

«En réalité, c’est surtout mon taxi qui me préoccupe ces temps-ci!», confie-t-il.

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(Visuels: Facebook)

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