Coderre/FPJQ : des échanges constructifs

À peine trois jours après la rencontre entre un comité de la Fédération professionnelle des journalistes (FPJQ) d’un côté, le maire Coderre, son directeur de cabinet et les directeurs des communications de l’autre, l’Hôtel de Ville a déjà fait parvenir une réponse de quatre pages. En attendant les premiers résultats sur le terrain, la présidente de la FPJQ, Lise Millette, parle «d’échanges constructifs» et d’une «approche d’ouverture» de la part de l’administration Coderre.

Par Hélène Roulot-Ganzmann @roulotganzmann

«On est sortis avec une impression positive, résume Lise Millette en entrevue à Projet J. Il faudra voir si à l’usure, les ouvertures qui ont été démontrées vont s’incarner pour de vrai sur le terrain.»

Le comité représentant les journalistes, composé de Lise Millette, de la directrice générale de la FPJQ, Caroline Locher et de George Kalogerakis et Yannick Pinel, respectivement directeurs de l’information du Journal de Montréal et de Métro Montréal, est arrivé vendredi à l’Hôtel de Ville avec vingt-huit pages de cas d’entraves à la liberté de presse ou à l’accès à l’information. Des obstacles dont tous les médias sont les victimes, sans discrimination. Ainsi, Radio-Canada, TVA, Le Journal de Montréal, La Presse, Le Devoir, Les Affaires, Métro, 24 Heures, des journaux d’arrondissement et le département de journalisme de l’UQAM en ont déjà fait les frais.

«Nous ne sommes pas rentrés précisément sur les différents cas, explique la présidente. Mais nous avons voulu démontrer qu’une pratique généralisée et systémique s’est installée à l’Hôtel de Ville, qui fait en sorte que les journalistes ne peuvent pas informer les citoyens. Nous avons l’impression que tout est politisé et que l’administration veut garder le contrôle de l’information. Que le message est centralisé. Et nous ne sommes pas arrivés avec un ou deux cas, mais bien avec des dizaines.»

Contrôle de l’info

À ce manque de transparence constaté par les journalistes, l’administration répond par l’hypervisibilité du maire Coderre qui n’hésite pas à multiplier les conférences de presse.

«Ce que nous leur avons dit, c’est qu’effectivement la première ligne de transparence est là. Il y a peu de maires qui font autant de scrums. On suit Denis Coderre partout et il répond aux journalistes. C’est sur la deuxième ligne que ça se complique. Quand on cherche de l’information technique, quand on veut des éléments qui ne font pas partie de l’agenda du jour, de l’information qui intéresse les journalistes mais que l’administration n’avait pas prévu de donner ce jour-là. C’est en cela que nous disons qu’il y a un contrôle de l’info.»

C’est d’ailleurs sur ce point que les échanges semblent avoir été les plus tendus et où les avancées seront sans doute les plus difficiles. En revanche, l’administration Coderre a démontré une certaine ouverture sur les délais de transmission des réponses et/ou des documents. Au cas par cas, elle se dit ouverte à corriger les façons de faire. Elle accède également à la demande de la FPJQ de se doter d’une politique de communication, et elle est même prête à amener le sujet à l’Union des municipalités du Québec (UMQ).

Front commun

Car le problème n’est évidemment pas spécifiquement montréalais et la FPJQ pointe régulièrement du doigt des cas d’entraves dans les municipalités en région. Réunie en conseil d’administration samedi, la Fédération a ainsi décidé de mettre en place un «comité municipalités» afin de se pencher sérieusement sur la question. Des rencontres vont d’ailleurs avoir lieu avec les instances municipales.

«La majorité des cas d’entraves qui nous sont soumis sont en région, et les municipalités, ça revient souvent, rappelle Lise Millette. Il y a beaucoup d’intimidation. C’est d’ailleurs une autre chose que nous étions aller dire à l’Hôtel de Ville de Montréal. Nous avons relevé des pratiques qui peuvent s’apparenter à de l’intimidation. Des journalistes qui sont appelés tard le soir pour tenter de faire changer un texte. On les menace de ne plus leur répondre si la couverture déplait. Nous avons passé le message que les directeurs de l’information sont là pour ça. Que lorsqu’il y a des problèmes majeurs, c’est avec le directeur de l’information qu’il faut discuter. Il y a une ouverture de notre côté pour recevoir des plaintes mais elles n’ont pas à être sur le dos des journalistes, qui sont parfois jeunes et pas toujours habitués à cela.»

La présidente de la FPJQ souhaite maintenant laisser la chance au coureur tout en continuant à suivre le dossier de près. Elle salue déjà le geste consistant à recevoir une délégation, preuve selon elle que la Fédération est une organisation crédible.

«C’est intéressant de voir que sur des problèmes sérieux qui concernant toute la profession, nous, journalistes, sommes capables de mettre de côté la compétition que se livrent nos différents médias pour faire front commun», conclut-elle.

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La FPJQ à l’Assemblée Nationale le 9 février

Une délégation de la FPJQ sera présente à l’Assemblée nationale du Québec le 9 février prochain à l’occasion de la commission parlementaire chargée de rédiger le projet loi 87, portant notamment sur la protection des sources en général et des sonneurs d’alerte en particulier.

Si la communication n’est pas finalisée, il semble que la FPJQ insistera sur deux points tout particulièrement. D’une part, le besoin d’étendre le texte aux moins aux organisations parapubliques, municipales et paramunicipales, voire éventuellement au secteur privé – le texte ne concerne pour l’instant que les organisations publiques. D’autre part, la nécessité de protéger les sources lorsqu’elles divulguent de l’information aux journalistes, et pas seulement à leur hiérarchie comme le projet de loi le prévoit pour l’instant.

«Si on veut enrayer certaines pratiques, il faut que ces personnes puissent parler aux journalistes sans crainte», croit Lise Millette.

La présidente de la FPJQ sera du voyage à Québec. Elle sera accompagnée de Vincent Larouche de La Presse et de Félix Séguin du Journal de Montréal.

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